Isla Ticonata


Amantani, Taquile, Isla del Sol… Ces noms d’îles reviennent systématiquement sur le web quand on cherche l’île idéale à visiter sur le mythique lac Titicaca. L’inconvénient c’est que, sans être bondées, on y rencontre quand même pas mal de touristes.

Ne parlons même pas du folklore que sont devenues aujourd’hui les îles flottantes des indiens Uros. La dernière indienne Uros est d’ailleurs décédée en 1959 mais la plupart des touristes qui visitent ces îles ne le savent pas.

Le lac Titicaca dominé par la Cordillère des Andes…

Alors, si comme nous, vous cherchez une petite île plus authentique, nous vous suggérons celle de Ticonata. Située hors des sentiers battus et encore peu fréquentée, il faut vite la découvrir avant qu’elle ne finisse par intégrer, elle aussi, les circuits touristiques de masse.

Voici notre expérience là-bas (les infos pratiques sont en fin d’article)…

L’arrivée sur les rives du mythique Titicaca

C’est sur la côte, au niveau du petit village de Ccotos que nous avons rendez-vous avec Simon. Membre de la petite communauté Quechua qui vit sur Ticonata, c’est lui qui va nous y emmener en barque. A part lui, l’endroit est à peu près désert et nous avons déjà l’impression d’être au bout du monde.

Simon

Mais nos premiers ennuis – et pas les derniers – commencent lorsque Simon ne réussit pas à faire démarrer le petit moteur de la barque. A force d’insister, il en casse même la corde du démarreur. C’est donc à la rame, vent de face, que nous devons gagner Ticonata.

Simon ayant 64 ans, je l’aiderais volontiers à ramer, mais je ne suis pas encore complètement acclimaté aux 3800 mètres d’altitude du Titicaca, et je ne suis même pas capable de l’aider à faire glisser sa petite barque sur les eaux sombres du lac. Sans moteur et avec un seul rameur, le trajet va durer plus d’une demi-heure, au lieu de dix petites minutes.

Dans le même temps, la météo change brusquement. Le ciel devient noir, l’eau du lac aussi. La pluie fait son apparition puis tombe de plus en plus fort. Simon nous tend une vieille bâche pour nous protéger, mais elle est percée partout et a l’efficacité d’une passoire. Les éclairs commencent à transpercer le ciel au loin puis se rapprochent peu à peu. Le tonnerre gronde, le vent se lève et la « mer » se creuse de plus en plus.

Quelques mètres au-dessus de nos têtes voltige une poignée de mouettes. Nous prenant pour des pêcheurs, elles nous quémandent du poisson en hurlant.

Nous galérons dans tous les sens du terme au milieu du lac Titicaca. Saoulés par le vent et détrempés par le ciel andin qui se vide sur nous, Marie et moi avons quand même le sourire aux lèvres : nous sommes heureux parce que ces conditions dantesques dans cet endroit mythique achèvent de rendre ce moment inoubliable.

La vue depuis Ticonata juste après l’orage

C’est donc sous une pluie battante que nous posons enfin les pieds sur Ticonata. Mais gagner les quelques habitations de l’île se mérite : il nous faut encore gravir une colline à pied pendant une dizaine de minutes, chargés de nos sacs à dos de vingt kilos.

C’est donc à l’état liquide que nous arrivons enfin dans la salle commune de l’île où nous attend Mariano, un septuagénaire en pleine forme. La soupe chaude qu’il nous a préparée est simple mais tellement régénérante.

Mariano

Nous pouvons enfin discuter avec nos hôtes. Comme tant d’autres dans cette région du Pérou, ils sont Quechuas et descendent des Incas. Mais contrairement à la plupart d’entre eux, ils parlent espagnol, ce qui nous permet de communiquer. La petite communauté qui vit ici ne compte qu’une quinzaine d’habitants, et ils ont monté une petite association qui leur permet d’accueillir les quelques baroudeurs de passage tout au long de l’année (voir les infos pratiques en fin d’article).

Lorsque nous remettons le nez dehors, la pluie a enfin cessé et le soleil tente péniblement de reprendre ses droits avant la tombée de la nuit.

Simon nous emmène faire une petite balade dans l’île, au centre de laquelle une surprise nous attend. Nous nous étonnons de le voir ouvrir un minuscule bâtiment qui est fermé à clé : nous n’imaginons pas qu’il puisse y avoir des voleurs ici. Il s’agit en fait d’une salle d’exposition (trop petite pour parler de musée), qui contient quelques pièces archéologiques découvertes sur Ticonata. Il y a notamment une momie qui témoigne de l’histoire et des racines culturelles de la petite île. Ce moment nous marque car nous sommes tout seuls à observer cette momie dans cette toute petite pièce sombre.

Le musée de Ticonata

Depuis notre visite, un bâtiment plus grand et plus accueillant a été construit. Bien que de petites dimensions, il fait désormais office de vrai petit musée, et il contient plus de pièces archéologiques, notamment cinq momies supplémentaires, découvertes lors de travaux de déblaiement.

De retour dans le bâtiment principal de l’île, qui fait office de restaurant, Simon et Mariano nous expliquent que nos deux jours de présence sur l’île coïncident avec la fête annuelle du petit village situé juste en face, sur le continent. A cette occasion que pas un local ne veut rater, Ticonata s’est donc vidée de ses quelques habitants, à l’exception de Simon et Mariano, restés uniquement pour nous recevoir.

Certes, nous regrettons de ne pas pouvoir rencontrer les autres habitants. Mais d’un autre côté, nous avons droit à une île du Titicaca rien que pour nous, ce qui est tout simplement exceptionnel, et c’est sans doute un peu égoïstement que nous savourons ce privilège.

Nous rentrons pour dîner avec nos hôtes, et nous passons une partie de la soirée à discuter tous les quatre de la vie sur Ticonata : la pêche, l’agriculture, leurs ancêtres, la vie quotidienne en harmonie avec la nature, la rudesse du climat etc. Un moment d’échanges et de découvertes comme nous les aimons.

C’est surtout le lendemain matin que nous allons pouvoir admirer la beauté des lieux, dès les premiers rayons du soleil.

Isla Ticonata : la Puerta del Sol

Le temps est aussi beau maintenant qu’il était maussade hier lors de notre arrivée. Nous pouvons mieux voir à quoi ressemblent les petites maisons rondes typiques de Ticonata, dont celle où nous venons de passer la nuit.

Depuis ce village particulièrement dépaysant, on aperçoit les eaux bleues du Titicaca et encore plus loin, la Cordillère des Andes. Pour nous, l’endroit est magique.

Ces maisons rondes sont une tradition depuis longtemps. Ici et là subsistent les vestiges des plus anciennes, qui datent d’il y a plus de 3000 ans.

Vestiges d’une maison de 3.000 ans

A part nous, la petite île est entièrement déserte et nous nous sentons tellement privilégiés d’être là… Nous savourons comme il se doit ce moment unique.

Vue sur le continent


Nous retournons aux habitations pour prendre avec Simon et Mariano le petit déjeuner qu’ils nous ont préparé, avec les traditionnelles feuilles de coca qui, sèches, permettent de lutter contre les effets de l’altitude.


Comme hier, nous discutons un long moment avec eux.


Comme souvent dans ce genre d’endroits reculés, ils vivent en harmonie totale avec la nature. Ils nous montrent quelques exemples de « pharmacie » 100% naturelle qu’ils utilisent pour se soigner, comme cette jolie petite fleur orangée, omniprésente sur l’île, qu’ils consomment pour faire baisser la fièvre.


Pendant le petit déjeuner, nous avions dit à Simon et Mariano que s’ils étaient d’accord, nous souhaitions prendre encore quelques photos d’eux avant de partir. Nous n’avions pas remarqué que Mariano s’était alors discrètement éclipsé. Et c’est quand le moment vient pour nous de quitter notre petit paradis de Ticonata qu’il réapparaît comme par enchantement.

Dans un grand éclat de rire et avec l’œil malicieux d’un enfant, notre septuagénaire nous explique être rapidement allé se changer pour revêtir ses plus beaux habits, simplement pour faire honneur à nos photos !

Mariano et Simon

Merci Mariano pour ce clin d’œil si sympa.

Le Titicaca constituait la dernière étape de notre périple au Pérou. Nous quittons donc Ticonata qui restera gravée dans nos mémoires.

Avec sa barque dont il a passé une partie de la matinée à réparer le moteur, Simon nous dépose sur la jolie petite plage de Chiffron. Une poignée de maisons sont posées sur le sable, face au lac.

Chiffron

Là, nous prenons le temps de discuter avec l’une des familles qui y vivent, avant de prendre la direction de la frontière bolivienne toute proche…

La petite Cynthia devant sa maison, sur les rives du lac Titicaca

Suite et fin de notre périple andin : la Bolivie


1/ Il faut d’abord rejoindre la ville de Juliaca (225.000 habitants) :

  • Depuis Lima : 1h30-2h00 d’avion, 16-18 heures de voiture ou 25-30 heures de bus.
  • Depuis Cuzco : 5 heures de voiture, 6 heures en bus (ou 5 heures en avion ! Et oui car il rebrousse chemin pour passer par… Lima !)

2/ Il faut ensuite faire le trajet Juliaca – Ccotos en taxi (50 km, 1h). Compter 10 à 15 euros pour le trajet.

La route de Juliaca à Ccotos

Pour séjourner sur l’île de Ticonata, il faut contacter directement l’association qu’ont montée les habitants : Isla Tikonata. Il s’agit d’un tourisme communautaire. Seules quelques familles habitent l’île et très peu de touristes la fréquentent. Le dépaysement y est total. Ticonata est notre gros coup de coeur au Pérou.

A noter que Ticonata commence à être connue. Tant mieux pour les habitants, qui vivent nettement mieux du tourisme que de l’agriculture ou de la pêche, mais tant pis pour les voyageurs qui fuient les zones touristiques. Il n’est pas trop tard pour découvrir Ticonata mais il faut se dépêcher d’y aller…

Ticonata, petit déjeuner chez l’habitant

Les habitants proposent désormais diverses activités en lien avec leur mode de vie et leurs traditions : danses locales, visite du musée, mais aussi pêche artisanale, balade en bateau sur le lac, interprétation ancestrale des étoiles…


Si vous êtes des adeptes du tourisme communautaire, alors voici le site qu’il vous faut : turismo comunitario (Pérou).

Mariano et Simon

Le lac Titicaca, dominé au loin par la Cordillère des Andes