On arrive aux pieds de l’Ijen en Jeep. Il faut alors marcher sur un agréable sentier qui serpente en montant à travers la végétation à flanc de volcan.
Lors de notre venue, notre guide nous montre un volcan en éruption, le Raung. Il nous l’a déjà montré une heure plus tôt lorsque nous sommes passés à proximité en Jeep, mais nous ne l’avions pas bien vu car il faisait nuit. Alors que maintenant, on en est un peu plus éloigné mais on voit bien les quantités de cendres noires qu’il recrache dans le ciel bleu.

Nous poursuivons notre chemin tranquillement, en discutant avec les gens que nous croisons, comme ce ramasseur de feuilles d’eucalyptus rencontré au milieu de nulle part.

La randonnée prend environ deux heures pour arriver au sommet. Elle ne présente aucune difficulté particulière mais comme le chemin monte en permanence, et qu’il est situé à une altitude non négligeable (2300 mètres environ à son arrivée), il peut s’avérer un peu fatigant pour qui n’a pas l’habitude. Dans la deuxième moitié, nous finissons par nous retrouver au-dessus d’une mer de nuages.

Et enfin, c’est l’arrivée sur le rebord du cratère, qui culmine un peu plus loin à 2386 mètres d’altitude. Au bout du chemin, nous laissons derrière nous la mer de nuages et quelques arbres morts, qui n’ont visiblement pas apprécié l’inhospitalité des lieux.

Et face à nous, c’est le volcan. Une épaisse colonne de fumée à la forte odeur de soufre s’en échappe.

En contrebas de cet univers minéral s’ouvre un cratère tapissé de roches jaunes, dont la couleur étonnante est due aux dépôts de poussières de soufre.

Au fond et sous un ciel d’un bleu profond repose un joli lac vert. D’apparence calme, ce lac d’acide fume partout. Certains viennent s’y baigner, paraît-il, pour soigner divers problèmes cutanés. Et au vu de la fumée qui s’échappe de la surface, on peut comprendre qu’ils ressortent de leur bain complètement décapés. Il faut dire que parmi tous les lacs d’acide de la planète, c’est celui-là qui détient le record du monde d’acidité : 0,15 de PH paraît-il !

L’endroit est à la fois magnifique et irréel.

En effet, le contraste s’avère vite saisissant entre la beauté des lieux et le calvaire des hommes qui y travaillent.

Car en effet, le soufre constitue une matière première précieuse pour les industries pharmaceutique et cosmétique notamment. Il jaillit un peu partout au fond du cratère et passe successivement par les trois états : gazeux, liquide puis solide. C’est ce qui provoque la grosse colonne de fumée.

Une centaine de mineurs ramassent les blocs de soufre, en inhalant à longueur de journée cette épaisse fumée jaune qui encrasse leurs poumons. Parfois, des bulles d’acide pouvant mesurer plusieurs dizaines de mètres de diamètre remontent le lac jusqu’à la surface. Là, en éclatant, elles peuvent remplir de gaz toxiques la partie profonde du cratère, celle justement où travaillent les mineurs. Dans les années 80, cet accident rare a pris la vie de certains d’entre eux.

Après avoir collecté le soufre, les mineurs chargent les blocs dans leurs paniers qu’ils portent sur leurs épaules à raison de… quatre-vingts kilos par mineur !

Et pourtant, leur calvaire ne fait que commencer : voûtés sous leur charge de soufre – lequel n’a jamais aussi bien porté son nom – il leur faut plusieurs heures pour transporter leur marchandise sur quelques vingt kilomètres, soit l’équivalent d’un semi-marathon ! Ils remontent d’abord les pentes escarpées du volcan (deux cents mètres de dénivelé) sous un soleil de plomb. Puis arrivés au sommet, il leur reste encore une longue marche avant de pouvoir enfin se délester de leur fardeau.
Certains d’entre eux ont le corps marqué par les séquelles de ce métier inhumain : leurs épaules sont déformées par des excroissances parfois aussi grosses que des boules de pétanque.
Évidemment, ils sont payés une misère : l’équivalent de deux cents euros par mois. Et comble du cynisme, la société chinoise qui les exploite se permet de leur faire payer tous les matins le bref trajet en camion qui les emmène de leur village à l’Ijen, serrés comme du bétail. Leur espérance de vie est estimée entre 40 et 50 ans…

Mais plus que leur souffrance quotidienne, ce qui nous aura marqués chez ces mineurs, c’est leur sourire finalement assez fréquent malgré une telle adversité. Une leçon pour moi, qui décide sur le champ que je ne me plaindrai plus jamais au bureau…

Merci à Géo.fr, qui a sélectionné certaines images de cet article sur les mineurs de l’Ijen afin d’illustrer sa page Facebook.

Infos pratiques
→ Hébergement à Banyuwangi (dans l’est de Java, entre l’Ijen et Bali) :
Nous avons logé au Ketapang Indah Hotel.
- Le prix : de 25 à 45 euros. Nous avons payé 37 euros/nuit la chambre double, petit déjeuner inclus. Jolie piscine face à la mer. Organisation du transfert à l’Ijen par la réception (attention : l’hôtel est situé à 2 heures environ du volcan). Adresse : Jl Gatot Subroto km 6, Indonesia 68421. +62 333 422280
→ Descendre au fond du cratère de l’Ijen
Il faut d’abord monter jusqu’à la crête du volcan. Une fois là-haut, la descente au fond du cratère est à faire absolument car le paysage semble irréel. Il faut néanmoins savoir que le chemin pour descendre (quinze minutes) puis remonter (trente minutes) est escarpé.
- Se faire guider au fond du cratère – On peut descendre au fond du cratère tout seul. Il suffit pour cela de bien regarder le chemin par lequel vont et viennent les mineurs. Néanmoins, il est fortement conseillé de demander à l’un d’entre eux de faire le guide. Les quelques euros que ça nous coûte représentent des heures, voire un ou deux jours de salaire pour eux. Il suffit de convenir du prix ensemble au moment de partir. Ils posent alors par terre leur panier double rempli de soufre et redescendent au fond du cratère en nous guidant.
- Prévoir un masque – La fumée de soufre, qui part dans toutes les directions au gré du vent, peut s’avérer incommodante : il faut donc prévoir dans ses bagages des petits masques à peinture. Ce n’est pas la panacée mais ça préserve un peu les poumons. Également, le summum est le vrai masque que louent certains mineurs pour pas cher : il comporte un filtre qui ne laisse en principe rien passer.
- Photos des mineurs – Les « photos volées », ici encore plus qu’ailleurs, sont à proscrire. Les mineurs sont souvent d’accord pour se faire saisir le portrait si on s’adresse à eux gentiment. Aucun d’entre eux ne m’a jamais demandé quoi que ce soit en échange, mais j’ai toujours donné un billet, c’est la pratique dans ce volcan. Ici ou ailleurs, je demande toujours l’autorisation de prendre les gens en photo mais je ne donne jamais rien en échange. Là, au vu de leurs conditions de travail, je n’ai pas hésité une seconde.
- Visites de nuit – Pour les plus courageux, il y a la possibilité de se rendre sur place au milieu de la nuit. Le but ? Observer de nuit, au fond du cratère, le soufre jaillir de terre un peu partout sous la forme d’une multitude de flammes d’un bleu métallique qui est paraît-il impressionnant.

Les autres étapes de notre périple d’un mois en Indonésie :
→ Les temples de Borobudur et Prambanan (Java-centre)
→ Outre l’Ijen, un autre volcan actif : le Bromo (Java-centre)
→ La plantation Margo Utomo (Java-est)
→ Une croisière de rêve d’île en île, les dragons de Komodo et les villages de pêcheurs isolés (Parc marin de Komodo)
→ L’île de Flores (en limite du Parc marin de Komodo)
→ L’îlot paradisiaque de Kanawa (Parc marin de Komodo)
→ Bali, l’île des Dieux
Toutes nos infos pratiques (également à la fin de notre carnet de voyage détaillé)
- Résumé vidéo (2 mn) – Volcans, temples, petits villages de pêcheurs, îles paradisiaques : l’Indonésie dans toute sa splendeur…
