La Bosnie-Herzégovine à vélo



  1. L’arrivée en Bosnie-Herzégovine
  2. Squatter une maison en ruine
  3. Déluge dans les montagnes
  4. Mostar
  5. La nécropole de Radimlja, patrimoine de l’humanité
  6. Trahi par le GPS
  7. Info pratique – La Trans Dinarica : l’itinéraire de rêve pour les cyclistes


Après une petite semaine de pluies diluviennes, qui ont commencé en Italie et m’ont harcelé à travers la Slovénie jusqu’en Croatie, j’ai eu la chance d’avoir un temps magnifique pendant un jour et demi sur l’île de Pag. Mais depuis que j’ai quitté ce petit coin de rêve, je suis à nouveau assailli par des trombes d’eau.

A la petite frontière bosnienne que j’atteins en plein cœur des montagnes, le jeune douanier m’informe que la météo prévoit encore deux jours de fortes pluies. Je ne le sais pas encore mais elles dureront finalement une semaine.

Mes premiers kilomètres en Bosnie-Herzégovine

C’est fou ce qu’une simple frontière peut changer les choses. En Croatie, je ne me suis pas senti spécialement dépaysé. Le pays a l’air développé grâce entre autres au tourisme, qui représente une manne financière importante.

Mais en Bosnie-Herzégovine, je n’ai pas du tout la même impression : je la trouve beaucoup moins développée que sa voisine croate. Ici, l’ambiance rurale est bien plus prégnante, et les villages me semblent restés figés plusieurs décennies en arrière. Les bolides de grandes marques allemandes tous plus onéreux les uns que les autres, si nombreux sur les routes croates, laissent la place en Bosnie-Herzégovine à des voitures beaucoup plus petites, beaucoup plus modestes et beaucoup moins rutilantes. En plus, il y a carrément de nombreuses épaves roulantes en circulation. Mais ce qui me marque le plus, c’est peut-être le nombre de maisons en ruine qui bordent les routes, vraisemblables vestiges de la guerre. Cette dernière a beau être terminée depuis trente ans, ces constructions délabrées font toujours partie du paysage.

Ici, ma nouvelle compagne depuis une semaine ne me lâche plus : cette pluie persistante redouble carrément d’intensité en Bosnie-Herzégovine. Elle transperce désormais avec une grande facilité tous mes vêtements techniques de cycliste itinérant. Pourtant censés être imperméables, ils s’avèrent être de véritables passoires : chaussures « protégées » par des guêtres, triple épaisseur de gants, surpantalon, double coupe-vent, ils laissent tous passer l’eau…

Du coup, le ciel sadique prend un malin plaisir à me cracher dessus de toutes les façons possibles : bruine fine et légère, fortes pluies à grosses gouttes, averses orageuses… Son imagination n’a pas de limites pour m’arroser et il me détrempe des pieds à la tête à longueur de journée. Et le puissant vent de face qui est désormais son allié achève la besogne en me congelant jusqu’aux os.

Une semaine de vélo sous une pluie battante dans les montagnes de Bosnie-Herzégovine

Ces conditions difficiles ne m’empêchent pas d’éprouver une certaine sympathie pour ce pays et ses habitants, car je ne cesse de penser à tous les massacres qui ont été perpétrés ici il y a trente ans. Les gens ont alors tellement souffert, parfois au-delà de l’imaginable, que je ne vais quand même pas me plaindre pour quelques gouttes de pluie.


Au soir de ma troisième journée dans le pays, je suis tellement mouillé que je décide de poser ma petite tente non pas en pleine nature, laquelle est pourtant propice au bivouac tellement elle est sauvage par ici, mais dans l’une de ces petites maisons en ruine qui bordent la route un peu partout.

En effet, depuis ma dernière nuit dans une auberge, cela fait deux jours que je trempouille dans mes guenilles imbibées. Dormir sous un toit, même abandonné, évitera à ma tente de prendre l’eau, et cela me permettra également de faire sécher mes vêtements pendant la nuit. Car si je devais remettre ces fringues détrempées demain matin à la sortie de mon duvet chaud et douillet, elles me réfrigèreraient aussitôt, et reprendre la route par zéro degré ainsi accoutré ne serait vraiment pas une partie de plaisir.

C’est ainsi qu’au milieu de nulle part, sur l’une de ces petites routes de montagnes où presque jamais personne ne passe, je finis par trouver mon bonheur. Il s’agit d’une petite maisonnette abandonnée, dont la façade est toute taguée.

Squatter une maison en ruine

A l’intérieur, il ne fait pas bien chaud avec ce vent fort qui circule, les portes et les fenêtres ayant disparu depuis longtemps. L’avantage de ce gruyère, c’est que l’air qui s’y balade devrait permettre à tous mes vêtements de sécher pendant la nuit. Toujours voir le verre à moitié plein. Pour l’occasion, j’utilise mon vélo polyvalent en mode étendoir.

A l’intérieur, tout est dévasté : le sol est jonché de briques et de tuiles en miettes, mais aussi de détritus de toutes sortes, notamment des cadavres de bouteilles cassées et de canettes, sans compter quelques excréments desséchés que je soupçonne être d’origine humaine. Je ne perds pas trop de temps à réfléchir à cette question et, après avoir fait un ménage minimaliste à l’aide d’un morceau de tuile cassée, je monte ma tente dans le recoin qui est à la fois le moins sale et le plus abrité possible du vent, lequel traverse continuellement ma nouvelle maison, entre l’ouverture de la porte et celle d’une fenêtre.

Après avoir enfilé des vêtements secs et dévoré un plat de pâtes chaudes, je me surprends à constater que lorsqu’on vit dans un certain dénuement, un petit rien peut se transformer en véritable luxe : cette maisonnette en ruine qui, après avoir longtemps servi de squat est devenue un véritable repoussoir, je la vois plutôt, moi, comme un petit palace qui va me permettre de passer enfin une nuit bien au sec. Quand on est trempé et frigorifié huit heures par jour, un petit taudis qui abrite devient vite un luxe appréciable.

Dans ces montagnes reculées, il n’y a aucun réseau et je n’arrive donc pas à joindre ma petite femme, qui commence à me manquer sérieusement, pour lui donner ma position et lui dire que tout va bien. Nous avons discuté de cette éventualité avant mon départ : je lui avais bien dit que si un jour elle n’avait pas de nouvelles de moi, elle ne devrait pas s’inquiéter. Car s’il devait y avoir un problème grave, elle en serait forcément informée par quelqu’un, que ce soit les autorités ou quiconque d’autre. A cet effet, je porte toujours sur moi ses coordonnées de façon très accessible.

Malgré tout, je sais pertinemment qu’elle va passer la nuit à s’inquiéter alors que pour moi finalement, tout va bien. Cela m’empêche de trouver le sommeil malgré la fatigue due au pédalage de la journée si bien qu’au milieu de la nuit, je décide de me lever pour aller marcher sur la route située non loin. Je m’y retrouve à déambuler dans le noir absolu, car l’épais plafond de nuages absorbe la moindre lueur provenant de la lune et des étoiles : aucune once de lumière céleste ne peut parvenir jusqu’à moi. Sous une bruine fine et mouillante, je marche sur cette route d’un noir d’encre à la recherche d’un peu de réseau que je ne trouverai jamais. Je pense très fort à elle et je sais qu’elle pense très fort à moi mais la modernité n’ayant pas poussé jusqu’ici, l’absence de réseau ne me permettra pas de lui donner des nouvelles rassurantes avant demain.

Quelques heures plus tard au petit jour, il me suffira de rouler trois ou quatre kilomètres pour accrocher brièvement un peu de réseau et la rassurer par messages.


Une poignée de kilomètres plus loin, mon GPS me fait quitter le bitume routier pour un petit chemin sauvage montant dans les cailloux. La journée est l’une des plus pluvieuses depuis le début du périple, le chemin est boueux et ses innombrables pierres particulièrement glissantes. Le GPS m’indique que je vais devoir affronter dix kilomètres de montées, et donc de galères vu la météo exécrable, avant de retrouver enfin une route asphaltée.

Ce chemin monte tellement et les pierres sont si glissantes que je dois régulièrement pousser mes cinquante-quatre kilos de vélo. Je n’ai jamais progressé aussi lentement. Il pleut toujours autant, le paysage est complètement bouché par la brume qui m’entoure, et je suis trempé et gelé. J’ai tellement mais tellement hâte d’en finir avec ces dix kilomètres pour retrouver enfin un peu de bitume.

Quand mon GPS m’indique enfin que je vais rejoindre la route, la réalité s’avère tout autre : il n’y a pas le moindre bitume autour de moi, juste ce tortionnaire de petit chemin qui continue encore et toujours à perte de vue derrière l’horizon. Il serpente à travers la montagne puis traverse des bouts de forêts et des plaques de neige. Il fait froid et un brouillard de plus en plus épais m’entoure. Il se lève bien un peu de temps en temps mais le plus souvent, je n’y vois pas grand-chose. Les conditions sont vraiment difficiles et pourtant, je n’ai pas de quoi me plaindre tant que je ne vois aucun ours amaigri après plusieurs mois d’hibernation surgir du bois pour me débouler dessus.

C’est le moment que choisit l’écran de mon téléphone pour faire des siennes. Ça m’est déjà arrivé une fois avec un téléphone précédant, au cours d’une rando humide (décidément) en montagne : l’écran avait subitement changé de couleurs en tirant sur un vert, un rose et un bleu un peu fades, avant de rendre définitivement l’âme à cause de l’humidité. Je réalise donc que si ça se reproduit ici, je n’aurai plus de GPS. Et même s’il n’y a un vague croisement que tous les deux ou trois kilomètres sur ce chemin désespérément isolé, sans GPS, je finirai forcément par me perdre.

Depuis que j’ai quitté la route, je n’ai aperçu, même au loin, aucune maison, aucune route, aucun poteau électrique, bref, aucun signe de vie humaine. Pas le moindre. Si mon téléphone-GPS me lâche, je n’aurai plus aucun moyen de sortir de ces montagnes. Il ne me restera plus qu’à me réfugier sous ma tente, qui finira forcément par prendre l’eau à un moment ou à un autre avec tout ce qui tombe. J’ai bien de quoi manger pour deux jours car j’ai toujours deux sachets lyophilisés en réserve ainsi que du riz, mais je ne vois vraiment pas comment je pourrai sortir d’ici sans GPS et sans personne alentour pour m’aider, sauf improbable coup de chance.

Je retire donc immédiatement mon téléphone de la petite sacoche soi-disant étanche dont la vitre plastifiée me permettait jusque-là de voir mon chemin sur l’écran, et je le mets dans l’une de mes quatre grandes sacoches étanches de porte-bagages. Il pleut tellement que pendant l’opération, l’eau a le temps de pénétrer dans la sacoche. Je décide de ne plus penser à l’hypothèse d’un décès de mon téléphone-GPS : pour l’instant, il fonctionne donc tout va bien. S’il rend l’âme, il sera toujours temps d’aviser…

Avant de l’enfermer à peu près au sec, je regarde bien le parcours qui m’attend dans les prochains kilomètres en essayant de mémoriser les croisements à venir, et la route qu’il faudra prendre alors, puisque je n’aurai plus l’écran sous les yeux.

Conditions de vélo hivernales

Le temps ne passe pas vite et les kilomètres défilent lentement. De temps en temps, afin de vérifier ma route, j’enlève mes trois paires de gants imbibées pour attraper mon téléphone du bout de mes doigts trempés, ce qui n’arrange pas son problème d’humidité. Mais comme toutes mes affaires sont mouillées, je n’ai aucune possibilité de m’essuyer les mains. Je vérifie juste que je suis toujours sur le bon itinéraire et je range rapidement ce petit appareil qui est désormais mon meilleur ami, à l’intérieur de ma sacoche mi-sèche, mi-humide, et en croisant les doigts qui sont tout fripés.

Au moment où je repense à ces ours affamés que je n’ai toujours pas croisés, ce qui me rappelle au passage que la situation peut toujours être pire, trois ou quatre chiens me fondent dessus en aboyant. Leurs copains arrivent peu à peu et ils finissent par être sept. En approchant, tous aboient à m’en péter les tympans, pourtant, aucun n’entre dans ma bulle d’un bon mètre de diamètre. J’essaie de les amadouer mais rien n’y fait. Ils n’ont pas l’air bien méchant mais leurs aboiements persistants et très sonores sont insupportables. Il y en a surtout un qui de toute évidence ne m’aime pas du tout car il aboie en boucle, et c’est celui qui s’approche le plus souvent de mes mollets dodus. Il me suivra pendant plus d’une demi-heure sans jamais arrêter d’aboyer. Impressionnant.

Pour la première fois du périple qui sera aussi la dernière, je m’affale par terre. Trop occupé à surveiller ces canidés déchaînés vociférer derrière moi, je n’ai pas vu une grosse pierre contre laquelle bute ma roue avant, et je m’effondre comme un gros étron au milieu de tous ces cailloux. Sans gravité mais décidément, sale journée.

Au final, je mettrai cinq heures et demie pour faire dix-neuf misérables kilomètres avec mon vélo et rejoindre enfin une petite route bitumée, certes défoncée mais tellement salvatrice. A titre de comparaison, un marcheur moyen parcourt entre vingt-cinq et trente kilomètres dans le même laps de temps ! J’ai beau être un adepte des sports de grande endurance et donc habitué à ce type d’efforts longs et difficiles, je n’ai pas le souvenir d’avoir vécu une journée d’activité sportive aussi exigeante physiquement et dure moralement de toute ma vie.

A la fin de ce chemin démoniaque, il ne me reste plus qu’une vingtaine de kilomètres jusqu’à Mostar, avec essentiellement des descentes en perspective. Toutefois, par sécurité, je ne les dévale pas à fond car tout est mouillé, aussi bien le bitume que mes freins. Je n’attends donc pas le dernier moment pour freiner, et je commence à les actionner bien avant chaque virage, histoire de ne pas terminer cette magnifique journée au fond d’un ravin alors que le plus dur est enfin passé.

La route est inondée dans le premier petit village que je traverse, où quelques voitures garées trempent dans l’eau jusqu’au milieu des roues. Quand mon vélo se hasarde à rouler dans ces immenses flaques, mes pieds se retrouvent totalement immergés jusqu’aux chevilles à chaque coup de pédale, mais qu’importe finalement puisqu’ils sont déjà tout fripés depuis des heures.


Lorsque j’arrive enfin au paradis, Mostar, je décide de prendre une chambre dans une petite auberge familiale aux prix modiques, carrément pour trois nuits. La météo ne prévoit en effet aucune amélioration au cours des prochains jours, excepté une brève éclaircie pendant quelques heures le lendemain. Inutile de remonter sur mon vélo au petit matin pour revivre des galères comme celles d’aujourd’hui. Trois nuits dans un lit confortable avec une couette propre, ainsi que deux jours de repos ne me feront pas de mal. Je repartirai le troisième jour tout frais et reposé, avec un moral en béton…

La propriétaire de l’auberge, Inga, se montre extrêmement accueillante si bien qu’en trois jours, nous avons le temps de sympathiser.

En me mettant au lit pour ma première nuit à Mostar, je savoure la douceur des draps propres qui glissent contre ma peau, si adoucie par ma première douche depuis trois jours. Et quand je repense à la nuit précédente que j’ai dû passer au milieu d’immondices dans un nid à rats, je considère que la petite auberge chaleureuse d’Inga vaut largement un hôtel douze étoiles.

Le lendemain de mon arrivée, elle me demande non pas si ça va bien mais si ça va mieux. Sa question me surprend un peu car je ne lui ai jamais dit que ça n’allait pas. Elle m’avoue alors qu’elle a eu très peur en me voyant arriver dégoulinant la veille, tellement j’avais l’air dévasté par la fatigue. Et elle insiste bien sur l’apparence épuisée que j’avais alors : les joues creuses et le tour des yeux noir, paraît-il ! Je suis sidéré d’entendre ça car de mon point de vue, j’étais tellement heureux d’arriver dans son auberge chauffée et conviviale, après la journée si difficile que je venais de vivre, que je ne pensais vraiment pas dégager une image de moi aussi pitoyable. Elle ajoute qu’en rentrant chez elle, elle a même fait part à son mari de son inquiétude sur mon état de santé ! Et moi qui pensais être souriant, cool et détendu…

Qu’est-ce que ça fait du bien de flâner dans les rues sans avoir rien à faire ! Rien, c’est vite dit : avant de partir à la découverte de cette ville-martyre, je dois quand même m’acquitter de mes tâches habituelles à chacune de mes escales en ville : faire une lessive manuelle de mes vêtements sales et boueux, recharger les batteries de tous mes appareils (téléphone, appareil photo, caméras, batterie externe…), faire sécher ma tente au milieu de ma petite chambre etc. Mais ensuite, déambuler tranquillement dans les ruelles de Mostar s’avère vraiment régénérant. Je profite des seules minutes de la semaine où un peu de soleil se fraiera un petit passage entre les nuages dans le ciel de l’Herzégovine, pour faire quelques images de la ville, avant le retour au galop de la pluie et de la pénombre.

Certains bâtiments de Mostar comportent toujours des trous d’obus au milieu de façades criblées de balles. La guerre qui a fait rage il y a plus d’un quart de siècle, dans cette ville aux profondes divisions ethniques, a laissé des cicatrices qui sont toujours visibles un peu partout aujourd’hui.

Mostar : trou d’obus et impacts de balles, trente ans après…

L’ambiance de la ville est assez difficile à décrire. D’une part, je la trouve lourde, avec ses habitants qui ne discutent guère entre eux et ne semblent même pas savoir rire. Ils se croisent et se côtoient mais ils ne dégagent aucune chaleur entre eux. D’autre part, je trouve à Mostar un côté hypnotique et fascinant qui m’attire irrésistiblement : je ne sais pas trop pourquoi mais j’aime cette ville. Je ne suis qu’un voyageur de passage donc bien sûr, ce ressenti très personnel ne vaut que pour moi. La réalité, c’est que de l’avis de tous, habitants comme experts, il suffirait aujourd’hui d’une petite étincelle pour que la situation explose à nouveau entre bosniaques musulmans, croates catholiques et serbes orthodoxes, qui se partagent la ville. Certains observateurs se demandent même, non pas si de nouveaux affrontements vont survenir, mais quand…

Amin, artisan graveur

L’immense croix érigée en 2000 par les catholiques sur les hauteurs de la cité, vécue comme une véritable provocation par les non catholiques en général et les musulmans en particulier, n’a fait qu’ajouter de l’huile sur ce feu qui ne s’est jamais vraiment éteint malgré trente ans de paix. Souvent considérée comme un symbole de domination religieuse, cette grande croix est également perçue par beaucoup comme un obstacle à la réconciliation entre les différentes communautés.

Objectivement, je dois dire que lorsqu’on lève la tête vers les montagnes depuis Mostar, on ne peut vraiment pas rater cet énorme symbole religieux…

La veille de mon départ, Inga frappe à la porte de ma chambre. Toujours aussi souriante, elle m’offre une part du gâteau qu’elle vient de réaliser. Elle est passionnée de pâtisserie et ce gâteau aux fruits rouges est aussi élaboré qu’un vrai gâteau de pâtissier. Elle l’a fait à l’occasion de l’anniversaire de son mari. Pauvre homme : alors qu’il ne me connaît même pas, le voilà obligé de partager ce succulent dessert avec moi !

Inga m’offre son gâteau

L’un des objectifs de mon périple, c’était de faire des rencontres. Ayant lu beaucoup de témoignages de voyageurs à vélo selon lesquels ils étaient parfois l’objet d’une grande attention et d’une grande générosité de la part des habitants des Balkans, j’espérais avant mon départ que je connaîtrais le même sort. Et je me disais que si c’était le cas, il faudrait que je puisse remercier ces habitants pour leur accueil, mais je ne savais pas comment faire : impossible d’emporter sur mon vélo des bouquets de fleurs où des bouteilles de vin à offrir.

J’avais alors pensé à un symbole de la France mondialement connu : la tour Eiffel. J’ai donc acheté sur Internet quelques dizaines de petites tour Eiffel bleues en porte-clés.

Pourquoi bleues ? Je n’en sais rien, toujours est-il qu’elles ne sont pas lourdes et ne prennent aucune place sur mon vélo. En d’autres termes, le petit cadeau idéal.

Inutile de dire que lorsqu’Inga m’offre une part de cette pâtisserie haut-de-gamme qui me change radicalement de mes pâtes quotidiennes au réchaud, je m’empresse de lui donner en retour, ainsi que pour l’ensemble de son accueil, l’une de ces petites tours Eiffel bleues. Elle a alors la même réaction que tous les gens à qui j’en offre une : elle marque d’abord un bref étonnement avant d’éclater de rire avec moi, puis de me remercier chaleureusement.

Ce n’est pas grand-chose bien sûr mais c’est une petite marque de reconnaissance sincère qui me tient à cœur, et que je destine à tous les gens que je rencontre au cours de ce périple et qui me donnent un coup de main quelconque. Et c’est vrai que ce modeste souvenir, qui fait systématiquement son petit effet, nous permet toujours de passer un bon dernier moment ensemble juste avant de nous quitter.

L’emblème de Mostar : son fameux pont

Après deux jours entiers de remise à neuf, je reprend gaiement la route. Il pleut toujours abondamment et sur ces routes bosniennes inondées, les nombreuses voitures qui me doublent dans les flaques à la sortie de Mostar m’arrosent à tour de rôle. Les conditions sont pourtant moins difficiles qu’il y a trois jours même si, avec ces paysages aquatiques, j’ai quand même une impression de déjà-vu.


Dans les Balkans, quelques milliers de stecci sont éparpillés dans la nature. Les stecci, ce sont des pierres tombales médiévales monumentales. On en trouve un peu partout : dans les forêts, dans les champs, le long des rivières… Avec 60.000 spécimens, c’est la Bosnie-Herzégovine qui en compte le plus.

Pour la première fois depuis je ne sais plus combien de jours, la pluie baisse soudain d’intensité au moment précis où je passe à hauteur de la nécropole de Radimlja, classée par l’Unesco au patrimoine de l’humanité. J’en profite pour y faire une brève halte et me balader dans ce cimetière impressionnant tout droit sorti du Moyen-Âge.

Stecci de la nécropole de Radimlja
Le chevalier défunt représenté avec son arc

Komoot est un excellent GPS vélo. La plupart du temps, il m’emmène soit sur des petites routes très peu fréquentées, soit carrément sur des petits chemins déserts à travers la nature. Ces endroits sont parfois si isolés que j’ai alors l’impression d’être arrivé au bout du monde. C’est tout ce que j’aime. Mais parfois aussi, je dirais peut-être une fois par semaine, Komoot est subitement et inexplicablement atteint de folie. Et dans ces moments-là, il peut m’emmener absolument n’importe où.

Ce jour-là donc, après avoir roulé trois bonnes heures après Mostar sur ces routes et chemins perdus à travers les bois, je finis par me retrouver en pleine campagne. Les nuages sont toujours aussi noirs et le ciel ne cesse de pleurer des torrents. Mon itinéraire se poursuit sur un petit chemin inondé qui rétrécit de plus en plus. Il traverse des champs si verts qu’à l’évidence, ils ne connaissent pas l’existence du mot sécheresse.

Komoot m’enverra au milieu de ces champs sur un chemin inexistant

A un moment, Komoot m’indique qu’il faut tourner à gauche mais il n’y a en réalité aucun croisement. Pourtant, le GPS est précis au mètre près. Je décide donc de tourner quand même à gauche comme il l’indique et de rouler dans l’herbe du vaste champ qui se trouve là, tout en suivant exactement le tracé de l’itinéraire GPS sur mon écran. Car au fond de moi, je pense que le chemin finira sans doute par réapparaître un peu plus loin. Mais au bout de quelques centaines de mètres, toujours rien, sauf un fossé bordé par un talus qui me barrent tous les deux la route. N’ayant pas le choix, je fais demi-tour.

La pluie n’arrête toujours pas de tomber, mon GPS m’a planté, je suis complètement perdu et le coin est désert, sans personne pour m’aider.

Je reviens donc sur mes pas jusqu’à ce que je retrouve un chemin carrossable. Là, mon cerveau ramolli ne me propose pas de meilleure idée que d’attendre sous la pluie, ce que je fais donc comme un misérable. Au bout d’une dizaine de minutes et comme souvent depuis le début du voyage, la chance choisit son camp. Mais pour une fois, c’est le mien !

Un homme arrive en effet dans ma direction, abrité sous un parapluie rosâtre qui égaye un peu la grisaille ambiante. Il est accompagné d’un chien qui semble tout content de me voir alors que nous ne nous connaissons pourtant pas.

Rencontre providentielle sous la pluie

Après avoir gratifié ce monsieur du traditionnel dobar dan (bonjour), je lui demande la direction de ma prochaine étape, la ville de Trebinje. Avec une grosse voix et dans sa langue à couper au couteau, il se lance dans un monologue auquel je ne comprends pas un traitre mot.

Pourtant, il a une vraie envie de m’aider et grâce aux gestes qu’il fait pour accompagner ses explications, je finis par comprendre que je dois aller tout droit jusqu’à un bled inconnu nommé Mosko ; puis tourner à droite et continuer droit devant jusqu’à Trebinje.

Faute de GPS, je suivrai ses indications et en fin de journée, j’aurai la double surprise, d’une part d’arriver à Trebinje sans encombre et d’autre part, de rouler les derniers kilomètres sous… quelques rayons de soleil !

Moralité : il vaut toujours mieux écouter les conseils incompréhensibles d’un inconnu bosniaque, que faire confiance au plus moderne des GPS.

Trebinje sous un rayon de soleil
L’église du Saint-Archange Michel, à Trebinje

Le lendemain, le soleil décide d’honorer ma dernière matinée dans le pays en me gratifiant de sa présence. Alors bien sûr, il ne restera qu’une petite heure et demie avant de repartir au galop se cacher derrière les nuages, une pluie vengeresse lui succédant immédiatement, mais ce bref moment de lumière me permet enfin de voir un peu à quoi ressemble la Bosnie-Herzégovine !

Mais maintenant, direction le Monténégro…


La Trans Dinarica est un itinéraire cycliste qui relie les pays des Balkans occidentaux en traversant une superbe chaîne de montagnes, les Alpes Dinariques. Ce parcours a été conçu pour permettre aux cyclo-voyageurs qui s’aventurent par là de découvrir tout le patrimoine local : naturel, culturel, gastronomique…

La Trans Dinarica en Croatie

Cet itinéraire passe par des villages, des forêts, des montagnes, ou encore par la mer. Il alterne entre routes bitumées très peu fréquentées et chemins de terre en pleine nature. Il traverse des parcs nationaux et des sites classés au patrimoine de l’humanité par l’Unesco.

Bivouac sur le parcours de la Trans Dinarica

Tout au long du parcours, on découvre l’hospitalité des habitants des Balkans ainsi que les paysages à couper le souffle de cette superbe région méconnue, en plein cœur de l’Europe. Bref, quand on roule sur la Trans Dinarica, on en prend plein les yeux et on se sent une âme d’aventurier !

Sur la Trans Dinarica, sous la pluie (Bosnie-Herzégovine)


La carte suivante montre sommairement le parcours de la Trans Dinarica (copie d’écran extraite du site Trans Dinarica).

En cliquant pays par pays, ce site propose également de nombreux itinéraires alternatifs : rejoindre le parcours depuis les grandes villes, faire des détours pour aller visiter des sites intéressants à proximité, etc.

A titre d’exemple, c’est l’un de ces détours que j’ai utilisé pour traverser l’île de Pag, qui s’est avérée l’un des plus beaux endroits visités lors de ma « Trans Europa » !

Le lien : Trans Dinarica


La distance totale de la Trans Dinarica approche les 6.000 kilomètres, et son dénivelé positif les… 100.000 mètres !

Les pays traversés sont la Slovénie, la Croatie, la Bosnie-Herzégovine, le Monténégro, l’Albanie, la Macédoine du Nord, le Kosovo et la Serbie.

La Trans Dinarica passe par la rivière Drin (Albanie)

Pour se procurer le parcours précis ainsi que sa trace GPS, ce que j’ai fait, il suffit donc de se connecter au site officiel : Trans Dinarica.

Bien sûr, ce n’est pas gratuit mais ce n’est pas très cher non plus et surtout, cela vaut tellement le coup : si, comme moi, vous êtes un.e cycliste amoureux.se de la nature, alors le rapport qualité-prix de ces packs est carrément exceptionnel. On traverse des endroits tellement natures, isolés et sauvages sans jamais se perdre que ça vaut largement la peine, selon moi, de s’offrir ces packs.

A l’inverse, l’itinéraire de la Trans Dinarica traverse peu de villes. Aussi, si vous êtes attiré.e par les grandes métropoles, ces packs ne vous conviendront peut-être pas : privilégiez alors plutôt les itinéraires Eurovélo (lire plus bas), qui seront beaucoup plus adaptés à vos goûts citadins (capitales, monuments, musées, hébergements etc).

Pour résumer, la Trans Dinarica a plutôt tendance à fuir les zones touristiques et notamment la côte Adriatique, avec ses stations balnéaires souvent prises d’assaut, pour s’enfoncer dans les montagnes beaucoup moins fréquentées. Contrairement à Eurovélo, qui ne dévie à peu près jamais des itinéraires touristiques.

On peut se procurer le pack de la Trans Dinarica pour les huit pays à un tarif à mon avis avantageux (à partir de 90 euros), ou bien choisir un pack par pays (de 8 à 23 euros selon le pays). Le lien : se procurer le pack de navigation de la Trans Dinarica.

L’itinéraire de la Trans Dinarica (Croatie)

Remarque : au cas où vous vous posiez la question, aucun lien de ce blog n’est sponsorisé. Je ne perçois donc aucune commission, que vous cliquiez ou non !

Le long de la Trans Dinarica

En préparant votre périple à vélo, si vous vous interrogez sur la Trans Dinarica, n’hésitez pas à me poser vos questions dans la rubrique « commentaires » (votre @dresse mail ne sera pas publiée, contrairement à votre question qui le sera avec un léger décalage, généralement de quelques heures) : c’est avec plaisir que j’essaierai d’y répondre 🙂


Beaucoup plus connus que la Trans Dinarica encore confidentielle, les itinéraires Eurovélo ont fait leurs preuves depuis longtemps. Au nombre de dix-sept à ce jour, ils sillonnent l’Europe du Cap Nord à Malte, et de l’Irlande occidentale aux confins de l’Orient.

L’esprit est de constituer un réseau cohérent de grands itinéraires cyclables européens, en connectant les capitales et les grandes villes du continent. Le patrimoine naturel et culturel est mis en valeur tout en favorisant le tourisme durable.

Le réseau Eurovélo

Enfin, la sécurité des usagers est toujours prise en compte. Ainsi, les routes doivent être balisées et continues. Elles doivent également éviter les routes à fort trafic. Elles combinent donc pistes cyclables et routes secondaires, voire chemins balisés.

Le principal inconvénient, c’est que peu de ces routes Eurovélo sont totalement terminées.

Je suis attentivement l’évolution de certaines d’entre elles depuis cinq ans et pourtant, rien n’a bougé : elles en sont toujours au même stade (en général l’un des trois stades en rouge sur le tableau suivant) selon le site Eurovélo lui-même. Aucune évolution en cinq ans !

Percevoir les fonds européens, c’est bien, mais les utiliser pour procéder aux aménagements promis, ce serait mieux !

Les différents stades de développement des routes Eurovélo

J’enfonce un peu le clou : Eurovélo existe depuis 1995 mais trente ans plus tard (au 27 octobre 2025), une seule route est entièrement terminée ! Il s’agit de l’Eurovélo 19 : la route cyclable de la Meuse (1.050 km). Et cinq autres sont (enfin) à un état d’avancement supérieur à 90% :

Une seule route terminée en vingt ans, et cinq autres qui ne sont plus très loin de l’être, sur dix-sept routes en tout (les n° 16 et 18 n’existant pas encore), ce n’est quand même pas énorme. Bien sûr, il ne faut pas non plus cracher dans la soupe : ces dix-sept routes ont au moins le mérite d’exister, et Eurovélo reste un superbe projet pour les voyageurs à vélo.




Les étapes précédentes :


Les étapes suivantes :



La Croatie à vélo


  1. Quelques déboires
  2. La meute de chacals
  3. L’île de Pag
  4. La Croatie profonde et sauvage
  5. Le coin du cycliste


Après avoir quitté le pays des ours, la Slovénie, je passe en Croatie.

Les frontières étant une invention purement humaine, elles ne s’appliquent pas aux ours. Dans les forêts montagnardes que je traverse, je continue comme en Slovénie à guetter ces grosses boules de poils griffues et dentues pendant plusieurs heures. Mais tuons le suspense tout de suite : je n’apercevrai pas le moindre nounours de tout mon périple…

La forêt croate

Pendant que je roule, mon vélo décide de faire des siennes. De petits sauts de chaînes de plus en plus fréquents accompagnent mon pédalage dans chaque montée, ne me donnant pas le choix : la chaîne en question est plus usée que prévu et il va falloir que je la fasse changer.

Je décide donc de modifier mon itinéraire. Je vais quitter les jolies montagnes croates pour faire une escale dans ce que je fuis depuis le début du périple : la ville ! La plus proche est Rijeka, sur la côte croate.

Rijeka sous un ciel d’encre

Une fois sur place, je laisse mon vélo à un réparateur et j’en profite pour aller acheter un billet de bateau vers ma prochaine étape : l’île de Pag.

Le réparateur m’a dit que Rijeka était la ville la plus pluvieuse de Croatie. Je ne sais pas si c’est vrai mais en tout cas, depuis trois jours maintenant, le ciel se vide de manière impressionnante. Ici encore plus qu’à Trieste, les rues sont inondées. Les voitures projettent d’énormes gerbes d’eau sur les trottoirs, où les quelques piétons qui ont osé braver les éléments s’abritent comme ils peuvent. Sous un abribus, un avant-toit… Moi, j’opte plutôt pour aller prendre un cappuccino bien au sec et au chaud en attendant que ça se calme. Le billet de bateau peut bien attendre un peu.

Une heure plus tard, le déluge ne semblant pas près de s’arrêter, je file au port pour acheter mon billet de bateau mais là, c’est la douche froide. Car on m’informe que le ferry pour l’île de Pag ne prend pas les vélos. Il prend bien les motos, les voitures, les camions, à peu près tout ce qui roule et même les piétons, mais allez savoir pourquoi, pas les vélos. Derrière son guichet, l’employée de la compagnie maritime arbore une tête de bouledogue qui me dissuade de poursuivre la discussion. Tant pis, je ferai deux cents bornes supplémentaires à vélo, en direction du sud jusqu’à Prizna. Il s’agit d’un port minuscule où les ferries qui font la brève traversée jusqu’à l’île de Pag acceptent bien, eux, les vélos.

Le village de Bakar

Deux jours de pédalage plus tard, mon vélo réparé et moi arrivons sur les hauteurs de Prizna juste avant que le soleil ne se couche. En réalité, il ne s’est jamais vraiment levé puisqu’il a passé toute la journée bien caché derrière une grosse épaisseur de nuages pluvieux, qui ne se sont jamais levés eux non plus. Depuis Trieste, la dernière ville italienne que j’ai traversée, le ciel vomit des trombes d’eau quasiment sans arrêt. Cette météo exécrable est de nature à démoraliser le plus optimiste des cyclo-voyageurs. Mais je rêve de ce périple depuis cinq ans, alors ce ne sont pas les quelques tonnes d’eau s’abattant lâchement sur ma tête qui vont me démotiver. Malgré le déluge, je suis toujours heureux de vivre ce périple. Un jour, il fera beau à nouveau.

Une petite route croate


Le soir venu, je profite d’une rare accalmie pour poser ma tente. Une heure plus tard, je dors déjà d’un sommeil profond, celui qui emmène loin les cyclistes harassés par huit heures de vélo. Mais j’en suis extirpé par ce qui ressemble à des sirènes de Police. Elles sonnent un peu bizarrement par rapport à leurs homologues françaises mais peu importe. Le son s’amplifie au fur et à mesure qu’elles approchent. Jusqu’à ce que mon esprit encore embrumé réalise que j’ai posé ma tente tellement à l’écart de la route qu’aucune voiture ne peut arriver jusqu’ici ! Je l’ai montée dans un petit champ jonché de gros cailloux, perdu en pleine nature et cerné par d’anciens murets de pierres. Ils ont été construits il y a longtemps par les paysans du coin, pour abriter leurs cultures du vent provenant de la mer voisine.

C’est là que je comprends enfin ce qui se passe : ce ne sont pas des sirènes de Police, ce sont les hurlements d’une meute de chacals dorés ! Ils sont si près de la tente que leurs cris me font mal aux oreilles. Vraiment. Mais ils partent aussi vite qu’ils sont arrivés. Le temps que j’attrape mon téléphone pour enregistrer leurs complaintes plutôt mélodieuses, ils se sont déjà pas mal éloignés. Ont-ils été attirés par l’odeur de chacal qui m’accompagne après deux jours sans douche ? Pas impossible.

Si j’ai fini par identifier ces animaux sans les voir c’est grâce à toutes les infos que j’avais prises sur Internet en préparant ce voyage. Je m’étais en effet renseigné sur les animaux potentiellement dangereux que je risquais de rencontrer au cours de mon périple : ours, loups, serpents, scorpions et araignées. J’étais alors tombé sur des articles évoquant les chacals. Je ne m’étais pas attardé dessus à partir du moment où j’avais lu qu’ils ne présentaient aucun danger pour les humains. J’avais juste écouté leurs cris sur internet pour pouvoir les identifier au cas où j’en entendrais pendant mon voyage. Et dire que cette nuit, je viens de les confondre avec des sirènes de Police !

Je n’en prendrai conscience que plus tard mais cette brève rencontre avec les chacals va constituer un tournant dans mon périple : il y avait un avant, il y aura un après.

Car c’est la première fois depuis mon départ que je me sens à ce point en harmonie avec la nature qui m’entoure. Déjà, ce spot de bivouac se trouve très isolé, beaucoup plus que d’habitude : il est situé loin de la route et il n’y a aucun village alentour. Cela m’a permis de passer la nuit loin de toute zone civilisée. Et pendant que ces chacals vagabondaient à gorge déployée autour de ma tente, je me suis régalé à les écouter chanter.

Depuis deux semaines maintenant que je suis parti, j’ai passé le plus clair de mon temps dans la nature, de jour comme de nuit. Mais ce soir, cette meute de canidés a fini de balayer les derniers repères de confort que j’avais conservés de ma vie citadine.

A partir de maintenant, j’ai un peu l’impression de faire partie intégrante de la nature : c’est toute la magie de ce voyage qui est en train de me tomber dessus.


Le lendemain matin, je rejoins Prizna, sous un soleil matinal qui ne va pas tarder à s’enfuir.

Là, je prends le billet d’un bateau qui, contrairement à ceux qui appareillent depuis Rijeka, ne fait aucune discrimination à l’encontre des vélos. Après une courte traversée de trente minutes, je me retrouve enfin sur l’île de Pag.

Mes premiers kilomètres sur l’île de Pag

Longue d’une soixantaine de kilomètres, elle est relativement grande. C’est une île sauvage, aride et battue par les vents, c’est d’ailleurs à cause de ça que pas grand-chose n’y pousse. Quant à sa population, elle est essentiellement composée de… moutons ! On en croise un peu partout et ça lui donne un certain charme. Ma découverte de l’île, très fréquentée l’été mais vide de touristes l’hiver, va constituer pour moi un véritable coup de cœur. Le premier du voyage, mais pas le dernier…

Le soir venu, je descend dans une petite pension afin de pouvoir prendre une bonne douche et tant pis si après ça, mon effluve naturelle n’attire plus aucun chacal.

La propriétaire septuagénaire des lieux, Sofia, m’accueille chaleureusement. Installée ici depuis quarante-cinq ans, elle est bosniaque. Elle est polyglotte mais nous ne pouvons pas communiquer pour autant : elle ne parle que des langues et dialectes croates, bosniaques et serbes. Moi pas.

Avec Sofia

Dotée d’un sens aigu de l’hospitalité, elle passe un bon moment dans sa cuisine pour me préparer un café turc dans les règles de l’art. Nous le dégustons ensemble malgré des freins linguistiques à la compréhension mutuelle. Mais nous prenons tout notre temps et nous passons une petite heure à échanger comme nous pouvons. Les silences qui s’immiscent parfois dans la discussion sont bienveillants. Le moment est tellement paisible. Peu productif en termes de compréhension mutuelle mais tellement paisible. J’arrive quand même à comprendre quelques bribes de ses propos, notamment qu’elle a beaucoup souffert de la guerre dans son pays, dans les années 90.

L’arrivée de sa fille anglophone fait subitement progresser nos échanges. Elle m’explique notamment pourquoi sa mère est encore si marquée par ce conflit, pourtant terminé depuis un quart de siècle : deux de ses frères y ont perdu la vie. Le premier a sauté sur une mine à l’âge de vingt-quatre ans, le corps du deuxième n’a jamais été retrouvé.

L’histoire est dramatique et me touche profondément. Pourtant, j’aime ce genre de rencontres où nous échangeons nos tranches de vies, si amicalement alors que nous ne nous connaissons même pas.

Pag à l’aube

Le lendemain matin, je mets le cap sur le sud de l’île. Il y a là un pont qui la relie au continent et qui m’évitera de prendre à nouveau un bateau. Normalement, je serai de l’autre côté ce soir.

Pour la première fois depuis cinq ou six jours, il ne tombe plus des cordes. Le temps est même passé d’un extrême à l’autre puisqu’il fait désormais un soleil éclatant et que le bleu du ciel n’est souillé d’aucun nuage. Du coup, les jolis paysages de l’île retrouvent toutes leurs couleurs, qui explosent.

Au fond, la Croatie continentale vue depuis Pag

Mon GPS vélo me fait traverser Pag en quittant le bitume de la route principale pour emprunter de petits chemins entièrement déserts, à travers une jolie nature sauvage et battue par les vents.

Au fond, la Croatie continentale vue depuis Pag

Ces chemins de terre, de pierres et de boue ne sont absolument pas roulants et mes mollets en bavent un peu, mais les vues plongeantes sur la mer et les montagnes en valent la peine.

Pendant une bonne partie de la journée, je ne croise pas un chat. Par contre, beaucoup de moutons. Il y en a partout. Quand je ne les vois pas brouter, je les entends bêler.

Dans l’après-midi, je croise enfin une présence humaine.

C’est celle de Luka, un jeune pèlerin croate sympa, qui se rend à pied dans l’ouest de l’Herzégovine, à Medjugorje. Ce petit village constitue un lieu de pèlerinage important pour les catholiques, à tel point que ses deux mille habitants accueillent chaque année plus de deux millions de pèlerins.

Avec Luka et son bâton de pèlerin

Nous échangeons sur les conditions difficiles de voyage et de bivouac que nous rencontrons tous les deux depuis quelques jours, à cause de ce temps à ne pas mettre un voyageur dehors. Et quand il m’explique que sa tente, visiblement moins étanche que la mienne, s’est retrouvée inondée en pleine nuit, nous nous marrons comme des bossus. Moi qui dors au sec, de quoi me plains-je ?

Champs inondés par la pluie des derniers jours

La journée passe et les paysages enchanteurs défilent, dans une ambiance à la fois champêtre et marine. Je m’arrête si souvent pour prendre des photos, filmer et tout simplement profiter de la vie, que je n’avance pas beaucoup.

Mon itinéraire et son dénivelé
Autoportrait !

Je pensais quitter cette île dans l’après-midi en rejoignant le continent par le pont sud mais à cause de ces si nombreux arrêts photos, je ne progresse pas assez vite pour y arriver avant la nuit. Je décide donc de profiter un peu plus que prévu de Pag, en bivouaquant ici plutôt que sur le continent.

Bien calé entre une petite route peu fréquentée et la mer calme, un vaste terrain boisé me tend les bras pour planter ma tente.

Encore un spot de bivouac très nature

Il est assez isolé et semble en friche, avec son herbe haute, humide et jaunie, et débouche sur de jolies petites criques désertes.

Une petite crique face à la tente

La Croatie étant la maison de nombreux reptiles, dont plusieurs variétés de vipères, je suis conscient que ces herbes hautes peuvent cacher des serpents venimeux. Je descends donc de mon vélo et le pousse en tapant des pieds pour faire fuir ceux qui flemmarderaient éventuellement par ici. En effet, n’ayant pas d’oreilles, les serpents sont sourds et n’entendent donc pas les humains approcher. Quand ils détectent enfin leur présence, c’est souvent trop tard et ils sont tellement surpris qu’ils se croient attaqués, donc ils mordent pour se défendre. C’est pourquoi il faut taper des pieds : cela permet de provoquer dans le sol des vibrations auxquelles ils sont très sensibles, ce qui les fait fuir avant qu’on n’arrive sur eux.

Une fois le meilleur emplacement trouvé pour ma tente, à proximité de quelques conifères, j’aplatis toutes les herbes de la zone pour me rassurer : si un serpent déboule, je l’apercevrai plus facilement.

Bivouac sur l’île de Pag

Cette journée est la plus belle depuis le début du périple, et elle s’achève par le spectacle classique mais toujours efficace du soleil rougeoyant qui s’effondre dans la mer. Comme lui, je finis par me coucher. Demain, je quitterai Pag.

Coucher de soleil face à la tente


Ma vie nomade m’impose une triple quête quotidienne : trouver suffisamment d’eau pour tenir jusqu’au lendemain, trouver une poubelle où jeter mes ordures puis le soir, trouver un spot de bivouac pour dormir comme un bienheureux.

Ainsi, à peine de retour sur la Croatie continentale, je dois déjà remplir mes gourdes qui sont vides. Mon itinéraire m’a fait quitter la côte, où les villes et villages n’étaient pas rares, pour m’enfoncer dans les terres montagneuses de l’intérieur, beaucoup moins habitées. Là, pendant un bon moment, je ne traverse pas le moindre village.

L’un des rares signes de vie que je rencontre se présente sous la forme d’un motard. Il s’arrête à un croisement pour me laisser passer, alors qu’il aurait largement la place de me doubler puisqu’à part nous deux, cette petite route de montagne est entièrement déserte. Nous nous saluons brièvement de la main puis, une fois passé devant lui, je m’attends à l’entendre accélérer et le voir me doubler en trombe. Mais non. Il arrive au pas puis roule à ma hauteur, à vingt kilomètres à l’heure au lieu de cent cinquante. Nous discutons comme ça quelques minutes tout en roulant au milieu de la route. Il est allemand et va en Inde. Quand je lui dis que pour ma part, je vais en Grèce, il observe avec étonnement tout mon chargement, me fait un grand sourire et me dit « respect ». Nous faisons un check, toujours en roulant, puis il pousse une accélération qui me laisse sur place. A ce rythme-là, il arrivera sur la terre de Gandhi avant que je n’atteigne celle d’Aristote.

Cette discussion sympa n’a pas résolu mon problème d’eau. Je finis par arriver dans un minuscule hameau, constitué d’à peine quatre ou cinq vieilles maisons de pierre. Tout est calme, la petite route qui le traverse est déserte et à part un aboiement lointain de temps en temps, le silence règne.

Par chance, un habitant travaille dans son jardin.

Après lui avoir exprimé le tiers de mon vocabulaire croate, à savoir dobar dan qui veut dire bonjour, je lui demande sans la moindre illusion s’il parle anglais. Dans un hameau aussi reculé, c’est quasi-impossible.

Mais il me répond « english, french » : il se trouve qu’il parle couramment le français ! C’était improbable. Il s’appelle Danilo et il a vécu et travaillé cinq ans à Paris.

Avec Danilo

Quand je lui demande où je peux trouver de l’eau, il me propose immédiatement celle de son puits. Nous discutons pendant qu’il remplit mes gourdes, puis il me fait visiter son potager d’un côté, et son verger de l’autre : salades, choux, figuiers, pruniers, vignes, rien ne manque ici pour que son jardin prospère, à part la chaleur estivale.

Après avoir fait le tour du propriétaire, j’étale fièrement les deux tiers restants de mon vocabulaire croate, à savoir hvala puno qui signifie merci beaucoup, puis do vidjenia pour au revoir. Mon accent pas terrible lui arrache un sourire et nous nous quittons là-dessus.

Alourdis de trois kilos grâce à l’eau du puits de Danilo, mon vélo et moi reprenons la route. Tout en le propulsant à la vitesse d’un escargot dans ces montées qui n’en finissent pas, je réalise que depuis mon départ de France, j’ai déjà grimpé près de 10.000 mètres de dénivelé positif. C’est-à-dire sensiblement plus que l’altitude de la reine des montagnes, l’Everest.

Ciel croate menaçant

Une nuit, je me rends compte que contrairement à ce que je pensais jusque-là, les villes n’ont pas forcément le monopole des troubles du voisinage ni du tapage nocturne. Car bien qu’ayant monté ma tente en pleine nature, dans un petit bois de conifères délicatement odorants, je suis réveillé à plusieurs reprises par mes voisins. Il s’agit d’un troupeau d’ânes qui passent la nuit dans le champ d’à côté. De temps en temps, ils poussent de grands cris qui taillent en pièces le silence profond de la montagne. Dès que l’un d’entre eux beugle comme un âne, il se trouve toujours un de ses congénères pour lui répondre, quelque part au loin. A un moment, ces ânes exubérants finissent par réveiller un coq qui, complètement désorienté, se met à chanter au beau milieu de la nuit. Décidément, quand ce ne sont pas des chacals qui me réveillent, ce sont les ânes et les coqs ! Mais à vrai dire, je savoure ces moments rares d’immersion en pleine nature.

Demain matin, je leur rendrai visite pour leur dire ma façon de penser.

Une fois le jour levé et mes affaires rangées sur le vélo, je vais voir d’un peu plus près ce troupeau d’ânes bruyants. Dès qu’ils me voient, ils se figent tous en m’observant pour me jauger. Mais plus j’approche, plus ils se montrent curieux. Ne décelant aucun danger chez le voyageur pacifique que je suis, ils viennent jusqu’à moi pour se faire caresser le bout du museau, en se bousculant les uns les autres pour passer devant les copains. Ceux qui sont derrière hi-hanent haut et fort pour affirmer quand même un peu leur présence. Je finis par prendre congé de mes voisins herbivores afin de poursuivre ma route.

Par ici, la nature croate est belle et sauvage. Je traverse de vastes forêts dépouillées de leurs feuilles en cette fin d’hiver, je longe de petites rivières qui se terminent en grosses cascades, je monte péniblement les pentes des montagnes qui m’encerclent avant de les descendre joyeusement de l’autre côté…

Bref, je savoure de plus en plus ce voyage très nature qui m’emmène à tour de rôle sur des petites routes désertes et des sentiers perdus. Je me sens loin, tellement loin de la ville et de son bruit, de sa pollution, de son stress.

Les chutes de la rivière Zrmanja à Bilisane

Ici règnent le chant des oiseaux, les senteurs de la forêt et cette incroyable sensation de liberté. Il faut que j’en profite car dans quelque temps, à l’issue de mon congé sabbatique de six mois qui sera forcément trop court, je devrai retourner au travail chez moi à Bordeaux, en pleine ville : la paisible nature croate me manquera alors tellement…

Les chutes de la Zrmanja

A vélo, l’une de mes obligations consiste à me procurer quotidiennement de quoi manger. Aussi, peu avant de passer en Bosnie-Herzégovine, dans la petite ville croate de Sinj, je m’arrête comme souvent dans une minuscule épicerie de bord de route. J’y suis accueilli à bras ouverts par la gérante, qui est une petite femme dynamique et joviale.

Elle est sans filtre et nous plaisantons très vite comme si nous nous connaissions depuis toujours, alors que nous nous sommes rencontrés il y a trois minutes. Son humour implacable s’attaque d’emblée à mon pauvre crâne dégarni, lequel n’avait rien demandé mais je dois l’avouer, elle me fait bien rire.

Le courant passe si bien qu’elle m’offre vite de quoi me sustenter : charcuterie maison et fromage, avec morceaux de pain et petits biscuits. Ce festin est destiné à tous ses clients mais comme je suis le seul dans le magasin, elle m’oblige à me resservir plusieurs fois ! Mon estomac de cycliste toujours affamé ne se fait pas prier. Je dévaste l’assiette et je reprends la route.

Avec Ana et Milanka

Ce sera ma dernière rencontre en Croatie. La panse désormais bien remplie, je prends la direction de la Bosnie-Herzégovine toute proche mais auparavant, j’ai un dernier site à voir dans le pays : l’œil de la Terre ! Il s’agit de la source d’une rivière très connue dans le pays, la Cetina, qui se présente sous la forme d’un gigantesque trou rempli d’une eau très colorée.

L’œil de la Terre


La Trans Dinarica est un itinéraire cycliste qui relie les pays des Balkans occidentaux en traversant une superbe chaîne de montagnes, les Alpes Dinariques. Ce parcours a été conçu pour permettre aux cyclo-voyageurs qui s’aventurent par là de découvrir tout le patrimoine local : naturel, culturel, gastronomique…

La Trans Dinarica en Croatie

Cet itinéraire passe par des villages, des forêts, des montagnes, ou encore par la mer. Il alterne entre routes bitumées très peu fréquentées et chemins de terre en pleine nature. Il traverse des parcs nationaux et des sites classés au patrimoine de l’humanité par l’Unesco.

Bivouac sur le parcours de la Trans Dinarica

Tout au long du parcours, on découvre l’hospitalité des habitants des Balkans ainsi que les paysages à couper le souffle de cette superbe région méconnue, en plein cœur de l’Europe. Bref, quand on roule sur la Trans Dinarica, on en prend plein les yeux et on se sent une âme d’aventurier !

Sur la Trans Dinarica, sous la pluie (Bosnie-Herzégovine)


La carte suivante montre sommairement le parcours de la Trans Dinarica (copie d’écran extraite du site Trans Dinarica).

En cliquant pays par pays, ce site propose également de nombreux itinéraires alternatifs : rejoindre le parcours depuis les grandes villes, faire des détours pour aller visiter des sites intéressants à proximité, etc.

A titre d’exemple, c’est l’un de ces détours que j’ai utilisé pour traverser l’île de Pag, qui s’est avérée l’un des plus beaux endroits visités lors de ma « Trans Europa » !

Le lien : Trans Dinarica


La distance totale de la Trans Dinarica approche les 6.000 kilomètres, et son dénivelé positif les… 100.000 mètres !

Les pays traversés sont la Slovénie, la Croatie, la Bosnie-Herzégovine, le Monténégro, l’Albanie, la Macédoine du Nord, le Kosovo et la Serbie.

La Trans Dinarica passe par la rivière Drin (Albanie)

Pour se procurer le parcours précis ainsi que sa trace GPS, ce que j’ai fait, il suffit donc de se connecter au site officiel : Trans Dinarica.

Bien sûr, ce n’est pas gratuit mais ce n’est pas très cher non plus et surtout, cela vaut tellement le coup : si, comme moi, vous êtes un.e cycliste amoureux.se de la nature, alors le rapport qualité-prix de ces packs est carrément exceptionnel. On traverse des endroits tellement natures, isolés et sauvages sans jamais se perdre que ça vaut largement la peine, selon moi, de s’offrir ces packs.

A l’inverse, l’itinéraire de la Trans Dinarica traverse peu de villes. Aussi, si vous êtes attiré.e par les grandes métropoles, ces packs ne vous conviendront peut-être pas : privilégiez alors plutôt les itinéraires Eurovélo (lire plus bas), qui seront beaucoup plus adaptés à vos goûts citadins (capitales, monuments, musées, hébergements etc).

Pour résumer, la Trans Dinarica a plutôt tendance à fuir les zones touristiques et notamment la côte Adriatique, avec ses stations balnéaires souvent prises d’assaut, pour s’enfoncer dans les montagnes beaucoup moins fréquentées. Contrairement à Eurovélo, qui ne dévie à peu près jamais des itinéraires touristiques.

On peut se procurer le pack de la Trans Dinarica pour les huit pays à un tarif à mon avis avantageux (à partir de 90 euros), ou bien choisir un pack par pays (de 8 à 23 euros selon le pays). Le lien : se procurer le pack de navigation de la Trans Dinarica.

L’itinéraire de la Trans Dinarica (Croatie)

Remarque : au cas où vous vous posiez la question, aucun lien de ce blog n’est sponsorisé. Je ne perçois donc aucune commission, que vous cliquiez ou non !

Le long de la Trans Dinarica

En préparant votre périple à vélo, si vous vous interrogez sur la Trans Dinarica, n’hésitez pas à me poser vos questions dans la rubrique « commentaires » (votre @dresse mail ne sera pas publiée, contrairement à votre question qui le sera avec un léger décalage, généralement de quelques heures) : c’est avec plaisir que j’essaierai d’y répondre 🙂


Beaucoup plus connus que la Trans Dinarica encore confidentielle, les itinéraires Eurovélo ont fait leurs preuves depuis longtemps. Au nombre de dix-sept à ce jour, ils sillonnent l’Europe du Cap Nord à Malte, et de l’Irlande occidentale aux confins de l’Orient.

L’esprit est de constituer un réseau cohérent de grands itinéraires cyclables européens, en connectant les capitales et les grandes villes du continent. Le patrimoine naturel et culturel est mis en valeur tout en favorisant le tourisme durable.

Le réseau Eurovélo

Enfin, la sécurité des usagers est toujours prise en compte. Ainsi, les routes doivent être balisées et continues. Elles doivent également éviter les routes à fort trafic. Elles combinent donc pistes cyclables et routes secondaires, voire chemins balisés.

Le principal inconvénient, c’est que peu de ces routes Eurovélo sont totalement terminées.

Je suis attentivement l’évolution de certaines d’entre elles depuis cinq ans et pourtant, rien n’a bougé : elles en sont toujours au même stade (en général l’un des trois stades en rouge sur le tableau suivant) selon le site Eurovélo lui-même. Aucune évolution en cinq ans !

Percevoir les fonds européens, c’est bien, mais les utiliser pour procéder aux aménagements promis, ce serait mieux !

Les différents stades de développement des routes Eurovélo

J’enfonce un peu le clou : Eurovélo existe depuis 1995 mais trente ans plus tard (au 27 octobre 2025), une seule route est entièrement terminée ! Il s’agit de l’Eurovélo 19 : la route cyclable de la Meuse (1.050 km). Et cinq autres sont (enfin) à un état d’avancement supérieur à 90% :

Une seule route terminée en vingt ans, et cinq autres qui ne sont plus très loin de l’être, sur dix-sept routes en tout (les n° 16 et 18 n’existant pas encore), ce n’est quand même pas énorme. Bien sûr, il ne faut pas non plus cracher dans la soupe : ces dix-sept routes ont au moins le mérite d’exister, et Eurovélo reste un superbe projet pour les voyageurs à vélo.


Sur mon itinéraire, la Croatie était le pays qui m’inquiétait le plus en termes de risques d’accidents de la route. Car j’avais lu de nombreux témoignages de voyageurs à vélo, sur des blogs et forums, qui disaient tous invariablement la même chose, et ça faisait peur : les Croates conduisent comme des fous, ils s’amusent à frôler les cyclistes à grande vitesse, ils doublent comme des malades tout en klaxonnant sans la moindre raison, certains font carrément des bras d’honneur en passant, etc.

Alors disons-le tout de suite : j’ai vécu exactement le contraire sur les routes croates ! En dix jours passés à rouler dans ce pays, aucun automobiliste (ni poids lourd etc.) ne m’a jamais mis en danger. Pas une seule fois.

Les automobilistes croates m’ont toujours doublé à distance très respectable. Quand il n’y avait pas la place de passer sans me frôler, ils restaient derrière moi et attendaient qu’il n’y ait plus de voiture en face pour passer, sans énervement ostensible.

C’est vrai que les grosses voitures allemandes sont très répandues en Croatie (Audi, Porsche, Mercedes, BMW…) mais pour ce que j’en ai vu, les croates en ont toujours fait un usage respectueux et sécurisé par rapport au cycliste que je suis.

Pourtant, je fais plutôt confiance à tous les témoignages évoqués plus haut. Alors pourquoi une telle différence de ressenti ?

D’une part, j’ai traversé la Croatie à vélo mi-mars, c’est-à-dire en basse saison, à une période de l’année où les locaux ne sont pas encore envahis par les nuées de cyclotouristes passant par là.

D’autre part, j’ai pédalé à l’intérieur des terres sur une bonne partie de mon itinéraire, contrairement à la plupart des voyageurs à vélo qui traversent le pays du nord au sud en longeant la côte. Là, il est possible que les locaux soient excédés l’été sur ces petites routes étroites mais très fréquentées qui les empêchent de doubler les nombreux vélos roulant au ralenti.

En tout cas, si vous avez lu les mêmes témoignages alarmistes que moi, alors un conseil : attendez d’être là-bas pour vous faire votre propre idée.

Moi, j’ai juste une chose à dire aux automobilistes croates : hvala puno (merci beaucoup) !




Les étapes précédentes :


Les étapes suivantes :



L’Italie à vélo


  1. France : le départ
  2. Monaco
  3. L’Italie
  4. Le coin du cycliste


Le jour J rêvé depuis des années est enfin arrivé. J’ai posé ma petite tente, mon duvet et mes sacoches en vrac sur le trottoir, tout autour de mon vélo qui s’apprête à les transporter pendant les prochains mois.

Avec ma petite femme, nous sommes à Villefranche, à la sortie de Nice, et dans quelques minutes, nous nous dirons au revoir. La revoyure en question est espérée dans plus ou moins quatre mois, c’est-à-dire quand mon vélo, lentement propulsé par mes mollets plus tout jeunes, m’aura fait traverser les redoutables montagnes des Balkans.

Ces trente-sept kilos de bagages sont à peine chargés sur mon vélo, lequel en affiche lui-même dix-sept sur la balance, qu’il est l’heure de faire un bisou à ma moitié ; le dernier avant longtemps.

Mes premiers coups de pédales ne sont pas évidents pour maîtriser ce vélo lourd de 54 kilos, parmi la floppée de voitures qui me doublent en continu. Et ils m’éloignent lentement de ma petite femme : au fil des mètres qui défilent sous mes roues, je la vois rétrécir dans mon rétro, jusqu’à ce qu’elle en disparaisse complètement. A cet instant précis, je la sais triste et je le deviens donc à mon tour.

Villefranche-sur-Mer

En essayant de me concentrer sur mon pédalage pour ne pas trop y penser, je rencontre une anomalie : mon appli GPS pour vélos a décidé d’ignorer ma destination finale et orientale, la Grèce, pour m’envoyer sans prévenir plein ouest, c’est-à-dire à l’exact opposé de là où je vais !

Je décide malgré tout de lui faire confiance car il est paramétré pour choisir les itinéraires optimaux pour les vélos, à savoir les routes à faible trafic, où l’on croise peu de voitures.

Il me fait ainsi traverser Nice rapidement puis il m’emmène sur les hauteurs de la ville, au prix de gros efforts pour hisser tout là-haut mon enclume à deux roues.

Mon voyage de plusieurs mois a commencé depuis à peine une heure, et je n’ai donc parcouru qu’une poignée des milliers de kilomètres qui m’attendent, que je suis déjà exténué ! Le soleil d’hiver me chauffe comme si c’était l’été, il fait ruisseler la sueur sur mon crâne dégarni et il commence déjà à vider mes jambes de leurs quelques forces . J’avais rêvé meilleurs débuts.

Sur les hauteurs de Nice

C’est à ce moment-là que je fais ma première rencontre providentielle du long voyage qui commence. Ce ne sera pas la dernière…

Un habitant du coin qui passe par là, sans doute compatissant en me voyant cracher mes poumons dans les pentes sadiques qui dominent sa ville, me demande où je vais, si lourdement chargé. « En Grèce », que je lui réponds fièrement, tout en dégoulinant.

Sans doute saisi par un léger doute quant à mes capacités à emmener ce lourd vélo aussi loin, il enchaîne en me demandant d’où je viens. « De Villefranche« , lui réponds-je tout penaud. Car en effet, c’est juste à côté de l’endroit où nous sommes, et à l’opposé de la direction d’Athènes, où je vais. C’est sûr, il me prend pour un fou.

Je lui montre alors l’itinéraire sur mon GPS vélo, qui m’envoie vers la grande corniche, à 500 mètres d’altitude, sur les hauteurs de Nice, moi qui suis parti du niveau de la mer. Toujours aussi compatissant, il me conseille vivement de prendre la prochaine à droite, dans quelques centaines de mètres, car elle me fera légèrement redescendre jusqu’à la moyenne corniche. Il faut toujours écouter les locaux, je cause donc une infidélité a mon GPS.

Cette toute première rencontre du périple me dispense donc de terminer mon interminable ascension vers la grande corniche. Ça m’apprendra aussi à mieux préparer mes itinéraires, la prochaine fois…

A partir de là, regonflé à bloc comme un pneu de vélo grâce à ce passant, j’enfile enfin les kilomètres comme des perles, malgré un dénivelé en montagnes russes. Quand ça ne monte pas ça descend, et inversement. Contrairement au vocabulaire de la Belgique, celui de la région est amputé du mot « plat ».

Menton


Je traverse la Principauté, après m’être perdu un bon moment dans les petites ruelles escarpées du centre-ville. En effet, à l’entrée de Monaco, je n’ai pas vu qu’il fallait prendre à gauche et mon cerveau, aveuglé par la feignantise, a préféré me diriger à tort vers la droite, où une délicieuse descente s’offrait à mes jambes fatiguées. Le temps de réaliser mon erreur, je suis déjà en bas. Or, qui dit descente dit que pour retrouver la bonne route, à un moment où à un autre, il va bien falloir que je remonte…..

Une demi-heure plus tard, après m’être enfin extirpé de ce piège monégasque, je peux enfin reprendre la direction de l’Italie.

Monaco

Tout au long de la route, le littoral azuréen fait plonger ses collines verdoyantes dans la mer profondément bleue. Ces vues qui se succèdent expliquent pourquoi cet itinéraire côtier est si prisé des cyclo-voyageurs de passage même si, en cette fin d’hiver, je suis tout seul à pédaler dans le coin.


La frontière italienne franchie, j’arrive dans l’un des bastions du cyclisme italien dont les transalpins sont si fiers : San Remo. Mon itinéraire passe par le fameux tunnel de Capo Nero, long de 1700 mètres. Il est réservé aux cyclistes (ainsi qu’aux piétons) et constitue un véritable hommage à l’un des Cinq Monuments du cyclisme mondial : la course mythique Milan – San Remo (les quatre autres Monuments sont Paris – Roubaix, Liège – Bastogne – Liège, le Tour des Flandres et, encore en Italie, le Tour de Lombardie).

Mais lorsque mon appli GPS vélo m’emmène à l’entrée de ce tunnel, il n’y a rien. J’ai beau chercher partout en roulant un peu tout autour, aucun tunnel à l’horizon.

C’est alors que je fais la deuxième rencontre providentielle du périple : c’est un géomètre italien, cette fois-ci. Ne me tenant pas rigueur de le soustraire à son travail, bien au contraire, il m’indique patiemment l’entrée recherchée. Elle est située en contrebas, à plusieurs centaines de mètres d’ici, après une petite descente agréable (ce qui est un pléonasme : pour un cycliste, une descente est toujours agréable).

En effet, avec le géomètre italien, nous nous trouvons à flanc de colline, à la verticale du tunnel. Nous ne pouvons donc pas le voir puisqu’il est situé sous nos pieds ! Mon appli montre juste que je me situe bien sur le tracé du tunnel mais sans mentionner cette différence d’altitude : je me trouve en réalité dix ou vingt mètres au-dessus de lui. Son entrée est située quelques centaines de mètres plus loin, en contrebas.

Le fameux tunnel cyclable de Capo Nero


Cette petite mésaventure me sera souvent utile pour la suite du périple, dans des circonstances similaires où deux routes semblant se croiser selon Komoot, seront en réalité situées à des hauteurs différentes, l’une passant par dessus l’autre ou par dessous, sans aucune jonction entre les deux…

En fin de journée, alors que le soleil décline et que la nuit tombe, je n’ai toujours pas trouvé d’endroit où poser ma tente.

En effet, le littoral est bétonné partout et, pour moi qui aime bien bivouaquer discrètement, aussi bien pour ne pas déranger les habitants que pour ma tranquillité personnelle, la première nuit du périple s’annonce déjà compliquée, faute d’endroit où dormir.

Et c’est au moment où je commence à envisager de chercher un petit hôtel que je dégote enfin, dans la pénombre, un petit coin non bétonné. Sur un talus, une minuscule zone de buissons sépare la ville de la mer.

Les vaguelettes viennent se briser sur de grands rochers horizontaux qui, contrairement à la route que j’ai arpentée toute la journée, sont plats : l’endroit parfait où poser ma tente, malgré la noirceur de la nuit qui a maintenant fini de tomber.

Le premier bivouac du périple, en bord de mer

Ma première journée s’achève ainsi. Je suis déçu de n’avoir parcouru que 67 kilomètres, mais les 1.000 mètres de dénivelé positif que j’ai grimpés avec mon vélo si lourd m’aident à sombrer rapidement dans un sommeil à découper au couteau.

Le clapotis des vagues toute la nuit, le cri des mouettes au petit matin puis le petit déjeuner à dix mètres de la mer : la deuxième journée du périple commence de manière plus agréable que la première, avec ses corniches. Mais une fois le séant posé sur la selle, le dénivelé du littoral italien me ramène vite à la réalité : ici aussi ça monte.

Plus tard dans la journée, je tourne à gauche. Insignifiant ? Pas tant que ça car cette fois-ci, cette bifurcation d’apparence anodine qui m’emmène vers le nord, me fait tourner le dos à la mer pour un bon moment : je ne reverrai la Grande Bleue que dans une dizaine de jours.

Porto Maurizio


En attendant, je vais occuper mes trois prochaines journées à franchir des montagnes. Des vraies cette fois-ci. En d’autres termes, la grande corniche niçoise que j’ai trouvée si difficile à grimper hier, n’était en réalité qu’une gentille mise en bouche. Ça promet…

D’ailleurs, mon vélo chargé est si lourd que je me questionne déjà sur ma capacité à franchir tous ces cols en pédalant : ne me serais-je pas surestimé ?

Zuccarello, un petit village de montagne

En cette fin d’hiver, je me retrouve donc à transpirer malgré le froid, car l’effort à produire pour grimper là-haut est intense.

La chance ayant choisi son camp, à savoir pas le mien, je me retrouve en prime avec un gros vent glacial de face. Parfois, je ne le sens pas trop car je suis à l’abri de la montagne. Mais dès que je passe de l’autre côté du versant, il me souffle lâchement en pleine poire.

Au fil de la montée, je me rends compte qu’au-dessus de ma tête, le sommet est constellé d’éoliennes. Ce n’est donc pas une vue de l’esprit, la zone est bien connue pour être venteuse.

Ces conditions difficiles seront néanmoins une bonne leçon pour moi : je fais du vélo tout au long de l’année et plutôt en mode sportif mais là, dans ces montagnes sur lesquelles Éole passe son temps à vider ses poumons, j’apprends la patience. Je découvre qu’on peut aussi rouler autrement que comme un forcené. Je prends ainsi le temps d’avancer seconde après seconde, minute après minute : chaque mètre gagné demande sa dose d’effort, chaque mètre gagné se mérite.

Dans ces conditions de montagnes exigeantes, je pense régulièrement à la Grèce, ma destination finale : comment est-il possible d’aller si loin en avançant si lentement ?

Le temps passe quand même et mon vélo avance malgré tout. Pas vite, mais il avance. Je prends du plaisir à admirer le paysage qui, comme toujours en montagne, vaut le coup d’œil.

Les montagnes italiennes

Et puis je me vois progresser sur mon GPS, ce qui est motivant. Outre l’itinéraire, il dessine sommairement les montagnes et m’indique, par un petit point rouge qui me représente, le niveau où je me situe dans la pente : d’abord en bas, puis au milieu et enfin, félicité suprême, tout en haut.

Visualiser sur mon écran de téléphone ce minuscule point écarlate, c’est-à-dire moi, au sommet de ces colosses alpins qui se succèdent, quel plaisir ! Quel bonheur, quelle satisfaction ! C’est difficile à décrire et un peu gênant à avouer mais dans ces moments-là, je me sentirais presque invincible.

Je ne reste jamais bien longtemps au sommet car le vent y souffle en général très fort, puis je dévale ma récompense : la descente.

Ce rythme montagnard sera le mien pendant trois jours, au cours desquels je progresserai quotidiennement de 77 kilomètres en moyenne, pour un peu plus de 900 mètres de dénivelé positif chaque fois.

Pour un cycliste sportif averti, ce n’est pas le Pérou mais pour un girondin qui ne pédale habituellement que dans sa région désespérément plate, cette moyenne n’est pas mauvaise, a fortiori avec un vélo aussi chargé. A ce rythme-là, tout le chocolat que j’ai ingurgité pendant trois mois va bien finir par fondre, et ma bedaine avec…

Le périple continue et une petite routine s’installe déjà. Le soir, je pose ma tente entre deux villages de montagne. Je dors dans la nature et je prends le temps de savourer ces moments. Au petit matin, je retrouve ma tente verte toute blanchie. Le givre qui la recouvre et les températures matinales sont de saison : entre -1° et +1° la plupart du temps.

Au fil des jours et des nuits qui passent, je commence à prendre toute la mesure d’un tel périple : je pédale à longueur de journée et en même temps je médite puisque, voyageant seul, je n’ai rien d’autre à faire, à part regarder le paysage qui globalement est beau.

De temps en temps, je passe quand même une nuit dans un petit hôtel, le moins cher que je dégote car peu m’importe son niveau d’inconfort, pourvu qu’il soit doté d’une douche : c’est la seule chose qui m’intéresse. Le but n’est pas de passer enfin une nuit dans un lit confortable ou sous un toit étanche (ce que ma tente n’est pas toujours complètement quand il pleut). C’est plutôt de chasser cette effluve qui m’accompagne parfois, après plusieurs nuits passées sous la tente sans jamais voir le moindre bout de savon.

Bon, j’exagère un peu car ma chance, c’est qu’on est encore en hiver, qu’il fait froid et que je transpire donc assez peu. Je réfléchirai plus tard à une organisation plus hygiénique, quand je dégoulinerai sous l’écrasant soleil grec à l’approche de l’été…

L’un des objectifs de ce voyage, c’est de faire des rencontres. Ce n’est pas en Italie que je pense en faire le plus mais quand même, je croise déjà des gens très sympas. A commencer par la grande confrérie des cyclistes.

Parmi eux, Levy, qui en est à sa troisième crevaison consécutive ! Il a déjà utilisé ses deux chambres à air de secours et n’a plus rien pour réparer. Je lui donne une rustine dont il m’est si reconnaissant qu’il me propose de m’héberger chez lui, sa maison étant située plus loin sur ma route. J’hésite un peu mais je finis par décliner sa proposition, préférant rouler encore quelques heures.

Avec Levy et Yolanda

Sur ces petites routes de montagnes qui ne cessent de grimper, si certains cyclistes m’ignorent royalement, d’autres me crient régulièrement leur admiration relative à coups de « grande, grande« , en me doublant néanmoins à la vitesse de l’éclair, sur leurs vélos de course vides qui pèsent à peine 7 kilos.

L’un d’entre eux me hurlera carrément un « grandissimooo« , en me souriant à s’en décrocher la mâchoire et en brandissant son poing en guise d’encouragement.

Moi, grandissimo ? Juste parce que je grimpe avec tout ce farda ? Bof. Ce qu’ils ne savent pas, c’est qu’ils sont sans doute bien meilleurs cyclistes que moi et que par conséquent, si j’arrive à faire tout ça, ils y parviendraient eux aussi sans problème. Mais ces encouragements sont toujours agréables à recevoir, et je me contente donc de leur répondre à chaque fois par un grand sourire agrémenté d’un simple « grazie mile » (mille merci).

Mais je rencontre aussi des gens qui n’ont pas de vélo sous les fesses. Leur préoccupation principale consiste invariablement à savoir d’où je viens, et où je vais. Échangeant en anglais, je leur réponds « Greece« . Est-ce mon accent ? Je ne sais pas mais cette réponse fait systématiquement apparaître sur leur visage une impassibilité trahissant leur incompréhension. Je précise alors « Albania, Greece… » et là, leur réaction est toujours la même : leurs yeux s’arrondissent subitement d’étonnement, puis leurs questions fusent à propos d’un tel périple, qui semble les impressionner. Je n’ose imaginer ce qu’ils pourraient bien penser si, comme tant d’autres voyageurs à vélo, j’avais la chance et le temps de pouvoir faire un tour du monde…

Avec Giuseppe

Quand ce sont des cyclistes qui m’arrêtent pour discuter, ils me posent eux aussi cette question et ma réponse ne varie pas : je vais toujours en Grèce (Albanie, Grèce). Mais contrairement aux non-cyclistes, ils ne sont ni étonnés, ni impressionnés : quand on fait du vélo, on sait pertinemment que couvrir de longues distances en pédalant est beaucoup moins difficile que ne le croient la plupart des gens.

Avant de terminer ma traversée des montagnes italiennes, j’atteins le sommet d’une colline d’où la vue panoramique donne sur une immense chaîne de montagnes au loin. Vues d’ici, elles sont blanches des pieds à la tête. Ce sont les Alpes et elles sont majestueuses.


C’est à partir de là que mon itinéraire décide enfin de s’aplanir. Normal, j’arrive dans la plaine du Pô. Le Pô, c’est ce fleuve qui serpente dans le nord de l’Italie et qui, en imbibant les sols, les rend extrêmement fertiles. Son importance est telle qu’il génère, directement ou indirectement, quasiment la moitié des emplois du pays.

Sur plusieurs centaines de kilomètres, je traverse donc désormais une infinité de champs cultivés. Les tracteurs et les machines agricoles en tout genre sont partout, les fermes aussi. D’innombrables oiseaux parsèment les champs, trop heureux de pouvoir picorer tous ces vers qui sortent imprudemment la tête de la terre fraîchement labourée.

De même, il y a des lièvres partout, je n’en ai jamais vu autant. Dans les forêts, dans les champs. En général, ils s’enfuient à mon approche. Parfois, quand ils sont plus loin, ils se roulent par terre et se sautent dessus, comme des lionceaux.

Le soir, en pleine nature, je cuisine au réchaud devant ma tente, face au soleil qui se couche. Et dire que dans certains hôtels et restaurants, plus la vue est belle, plus les prix augmentent. Face à la tente, elle est toujours gratuite.

J’aperçois également beaucoup de lièvres. Je n’en ai même jamais vu autant. Dans les forêts, dans les champs… Certains s’amusent comme des lionceaux : ils se sautent dessus, se roulent par terre…

Pour un amoureux naïf de la nature comme moi, même si ce spectacle est sans doute basique, je lui trouve un petit côté enchanteur et je ne m’en lasse pas. Idem pour les couchers du soleil que j’admire tous les soirs, en cuisinant au réchaud devant ma tente.

Le spectacle quotidien au moment du bivouac

Et dire que dans certains hôtels et restaurants, plus la vue est belle, plus les prix augmentent ! Face à la tente, elle est toujours gratuite.

Le coucher du soleil depuis la tente

Un matin, je me réveille péniblement sur un spot de bivouac que j’avais trouvé in extremis la veille au soir, juste avant que la nuit ne lui tombe dessus. Situé entre une grosse rivière et des champs labourés à perte de vue, le sol n’était horizontal nulle part. N’ayant pas d’autre choix vu l’heure tardive, j’avais quand même fini par poser ma petite maison de toile sur ce terrain pentu. Ce n’est jamais très agréable pour dormir car je passe alors la nuit à rouler vers le bas, pour finir immanquablement par m’écraser contre les parois humides de la tente. Mais au fil du temps, j’ai fini par trouver mes repères dans ce genre de situations : je cale mes grosses chaussures de rando sous mon petit matelas afin de compenser la pente : c’est aussi simple qu’efficace.

Ce matin-là donc, c’est à moitié endormi que je me lève et, en mettant mon nez gelé dehors, un gros bruissement de feuilles me sort brusquement de ma torpeur. C’est un lièvre qui a eu peur en m’entendant sortir et qui s’enfuit en courant. C’est-à-dire très vite, puisque c’est un lièvre. Il a dormi là paisiblement, à quelques mètres de moi.

Je n’ai même pas le temps de me dire que la journée commence bien qu’en jetant un œil par-dessus le talus qui protège ma tente du vent froid, je découvre les champs noyés dans la brume matinale, d’où seule la cime des arbres émerge. Très vite, en passant à son tour par-dessus ce brouillard posé au fond des champs, le soleil rougeâtre enflamme les couleurs du paysage.

C’est pour vivre ce genre de moments et voir ce genre d’endroits que je fais ce voyage.

Les jours qui suivent s’écoulent paisiblement, dans la monotonie des paysages agricoles de cette plaine du Pô qui, à force, deviendrait presque insipide.

Les champs de la plaine du Pô à perte de vue


A l’approche de l’Adriatique, ils varient enfin un peu. Je retrouve la Grande Bleue qui, en huit jours, a changé de couleur : elle est désormais toute grise ! Il faut dire qu’ici, il pleut comme vache qui pisse. Il n’y a ni un rayon de soleil, ni un coin de ciel bleu. Ce dernier est désespérément gris et se vide sur les voyageurs de passage.

Je suis donc détrempé puisque la pluie incessante transperce mes vêtements. J’ai pourtant investi un peu d’argent dans ces fringues très techniques, pour être sûr de pouvoir rouler justement sous la pluie sans me mouiller, mais non : mes espoirs de rester au sec sont douchés par la première averse un peu persistante. Je me suis fait avoir par le type qui m’a vendu ces vêtements soi-disant imperméables, autant qu’un électeur écoutant les promesses d’un politique.

Pour ma dernière nuit au pays de la dolce vita, sous ma tente que j’ai posée dans une forêt quelque part entre Trieste et la frontière slovène, l’humidité ambiante est devenue aussi forte que sous les tropiques. Avec la chaleur en moins et le froid en plus. Toutes mes affaires se retrouvent mouillées, y compris à l’intérieur de mes sacoches, que j’ai eu l’imprudence de laisser ouvertes toute la nuit : l’humidité s’est installée à l’intérieur et a tout détrempé. C’est comme ça qu’on se forge sa propre expérience : désormais, je fermerai mes sacoches tous les soirs sous la tente.

Trieste

Tout-à-l’heure, j’arriverai, en Slovénie…


Contrairement à leur réputation, les automobilistes que j’ai croisés en Italie ont toujours fait attention à moi en tant que cycliste. En douze jour passés à rouler dans le pays, pas une seule fois ils ne m’ont mis en danger : ni en ville, ni dans les montagnes, ni à la campagne.


Moins développé qu’en France, il est toutefois correct, du moins d’après ce que j’ai pu voir en Italie du nord, mais j’ai parfois eu du mal à trouver des voies cyclables sur les grands axes.

En ville, les pistes cyclables sont souvent désagréables car aménagées sur les trottoirs. Elles comportent régulièrement des bosses et des trous, et beaucoup m’ont paru vieillissantes et peu entretenues. Sans compter les piétons…

Une piste cyclable flambant neuve


Les principales routes cyclables italiennes, du moins les trois plus connues, sont les véloroutes européennes : carte Eurovélo en Italie.


Ce site recense un grand nombre d’informations sur le vélo en Italie.

Notamment, il comporte une carte détaillée de toutes les pistes cyclables qui sillonnent le pays :

Carte des pistes cyclables en Italie.

Elle date de 2022 et ne recense donc pas les dernières voies cyclables mais elle est très pratique malgré tout.


Il est très simple de remplir ses gourdes en Italie si l’on ne veut pas acheter d’eau en bouteille :

  • Les villes ainsi qu’à peu près tous les villages comportent des fontaines d’eau potable. Dans les villages, elles sont souvent situées autour de l’église ou autour de la place centrale du village (mairie etc.)

  • Il y a des points d’eau dans tous les cimetières, lesquels sont omniprésents dans le pays.

  • On trouve parfois des fontaines sur le bord des routes, notamment en montagne.

A noter que, contrairement à d’autres pays, je n’ai trouvé aucun robinet ni aucune fontaine fermée l’hiver à cause du gel, dans le nord de l’Italie.




Les étapes suivantes :




Fresque en bord de route

La vue en sortant de la tente.

Les églises sont omniprésentes en Italie

La vue depuis la tente


Nisyros : la plus belle île de Grèce ?…

Voir la carte détaillée de l’île.


Sommaire


C’est le plus jeune volcan de la mer Égée. Même si sa dernière éruption date de 1888, il n’est pas considéré comme éteint. D’ailleurs, en 1995, la chambre magmatique située sous le volcan a grossi au point de provoquer une crise sismique dans toute la zone.

La caldeira de Nisyros, d’un diamètre de quatre kilomètres, comporte six cratères (et non pas un seul, comme le croient la plupart des visiteurs). Le plus connu d’entre eux, qui est aussi la principale attraction de l’île, est le cratère Stefanos.

Le cratère Stefanos et, plus ou moins visibles, les cinq autres cratères (l’un à sa gauche, les autres en arrière-plan)

J’ai eu la chance de pouvoir visiter Nisyros hors-saison (début mai) à une période où il y avait donc très peu de touristes.

Je suis arrivé au cratère en fin d’après-midi, à vélo. Il n’y avait plus personne pour tenir le guichet d’entrée, et une seule voiture était garée là : celle du gérant du petit snack situé juste après le guichet. Nous étions les deux seules personnes présentes sur tout le site.

L’arrivée au cratère Stefanos (sur le sommet du fond : le petit village de Nikia – voir plus bas)

Je suis alors descendu dans le cratère, où je me suis retrouvé absolument seul pendant toute la durée de ma visite (près d’une heure). Un privilège.

Le cratère Stephanos, vide de touristes…

Dans ce cratère, la première chose qui attire le regard, ce sont les couleurs. Ses parois sont jaunies par les dépôts de soufre.

Au début du petit chemin qui mène au fond du cratère, un panneau nous rappelle que le site est potentiellement dangereux.

Juste avant d’arriver dans le cratère principal, on passe devant un cratère beaucoup plus petit, le cratère Andreas (appelé également Mikros Stefanos, par opposition à son illustre voisin, Megalos Stefanos, celui que tout le monde visite).

Le cratère Andreas (ou Mikros Stefanos)

Arrive alors le moment attendu, celui où l’on peut fouler le sol bouillonnant du cratère principal de Nisyros.

Au fond du cratère

Reliés par de fines cordes, des piquets délimitent les zones auxquelles il est interdit d’accéder, pour des raisons de sécurité évidentes. Car par ici, la terre chauffe, voire surchauffe. Et disons-le carrément : elle bouillonne, elle fume et elle brûle ! Dans ces zones interdites d’accès, l’eau bout en effet en permanence au fond de sortes de petites marmites naturelles.

Une petite marmite naturelle d’eau bouillonnante

Un peu partout, de petites colonnes de fumée s’élèvent dans le ciel, rappelant elles aussi au visiteur qu’il est bien sur un site naturel d’exception.

Les fumerolles au fond du cratère

Se rendre au volcan juste avant le coucher du soleil permet de l’admirer éclairé par une jolie lumière : les fameuses golden hours, si prisées des photographes.

Les parois soufrées du cratère

Le cratère Stefanos pendant les golden hours


Étant un amoureux de la nature, j’ai terminé ma journée de visite de ce joli volcan par une nuit de rêve, puisque j’ai dormi sur cette terre volcanique, sous ma tente posée au beau milieu des cratères !

Dormir à quelques dizaines de mètres du cratère

J’ai passé la nuit complètement seul à proximité du cratère principal, mais apparemment seul aussi dans toute la caldeira, puisqu’elle n’est pas habitée et qu’il n’y a aucune maison. Cette nuit-là, la sensation de plénitude fut totale.

Bon, je dois quand même rappeler qu’en Grèce, contrairement à tant d’autres pays, le bivouac est interdit. Les contrevenants s’exposent à des amendes pouvant aller jusqu’à 300 euros.

Si je me suis permis de braver souvent cette interdiction, à Nisyros comme ailleurs en Grèce, c’est pour plusieurs raisons :

  • Je bivouaque toujours discrètement afin de ne déranger personne ;

  • Je n’allume mon réchaud qu’en l’absence totale de risque (par exemple, pas de végétation à proximité, ou alors mouillée) ;

  • Je ne laisse absolument aucune trace de mon passage dans cette nature que j’aime, et j’emporte donc tous mes déchets ;

  • Et en prime, lorsqu’il y a déjà des déchets par terre dans la zone où je pose ma tente, je les ramasse et je les emporte pour les jeter dans la première poubelle que je trouve, histoire que les lieux soient plus propres après mon passage qu’avant.

Alors bien sûr, cette façon respectueuse de bivouaquer ne m’autorise pas pour autant à dormir là, toutefois, en procédant de cette manière, tout le monde est gagnant :

  • les autorités émettrices de cette interdiction abusive, puisque je nettoie ces zones à leur place ;

  • La nature, parce qu’elle est plus propre après mon bivouac qu’avant ;

  • Et moi-même bien sûr, tellement je me régale à passer ainsi mes nuits en pleine nature.

Bref, quitte à braver la réglementation, autant le faire proprement…

Ce que je ne savais pas en revanche en posant ma tente au-dessus du cratère Stefanos, c’est qu’en Grèce, le bivouac est sanctionné beaucoup plus sévèrement lorsqu’il a lieu dans les zones touristiques : jusqu’à 3000 euros d’amende et trois mois d’emprisonnement ! Je ne l’ai appris que plus tard.

Lever de soleil face au volcan


Si la plupart des visiteurs croient qu’il n’y a qu’un seul cratère à Nisyros, il s’avère qu’en réalité, il y en a… six !

Comme indiqué précédemment, il y a donc les deux cratères décrits ci-dessus : le cratère principal Stefanos (ou Megalos Stefanos), et son petit voisin Andreas (ou Mikros Stefanos). Voici les quatre autres.

Pour se rendre aux deux plus accessibles, il suffit de passer le guichet d’entrée puis le snack situé juste après, et de prendre ensuite le petit chemin situé à droite (au lieu de celui de gauche, qui mène à Stefanos).

Le petit chemin qui mène aux quatre autres cratères, notamment Mikros et Megalos Polyvotis.

On rejoint alors deux nouveaux cratères : le magnifique Megalos Polyvotis, et son petit voisin, Mikros Polyvotis.

Ils sont situés au bout du chemin, où a été érigé un petit poste d’observation. De là, on domine le plus grand cratère, Megalos Polyvotis, lequel est jauni par le souffre et toisé par la paroi rougeâtre de la caldeira.

Le cratère Megalos Polyvotis

Les photos écrasent un peu la sensation de grandeur qu’on ressent lorsqu’on admire ce somptueux cratère aux pieds des parois de la caldeira, à côté desquelles on se sent minuscule.

Megalos Polyvotis

Si l’on poursuit en descendant vers la droite (où le chemin n’est plus balisé), on arrive à son petit frère : Mikros Polyvotis.

Le cratère Mikros Polyvotis

Il a beau être moins impressionnant et moins joli, il est possible de descendre au fond de ce cratère, au milieu de petites fumerolles, contrairement à son voisin Megalos Polyvotis qui, lui, n’est pas accessible. En n’oubliant pas, toutefois, les risques que cela peut présenter, notamment si le sol s’avère instable…

Ces deux cratères ne sont indiqués nulle part.

Profusion de couleurs

Souhaitant quand même les découvrir, je me suis dirigé au hasard vers ce qui me semblait être les parois de cratères. Toujours à pied, et depuis les deux cratères de Polyvotis, situés juste à côté.

Direction les deux derniers cratères

Pour cela, il faut sortir du chemin menant aux deux cratères Polyvotis. On se retrouve alors à marcher dans des amas de pierres, beaucoup moins praticables que le chemin en question.

Mon point de repère, c’était les zones de souffre, visibles de loin car très jaunes. C’est donc vers elles que je me suis dirigé. Là, de près, on remarque tout de suite la présence de multiples petites bouches de souffre fumantes, alors qu’on ne les distingue pas de loin.

De là, on a également une jolie vue sur la plaine de Lakki (le fond plat de la caldeira), qu’on domine à 180°.

Sitôt passée la zone de souffre, le sol de pierres disparaît pour laisser place à la paroi du cratère, nue. Et là, ça commence à monter de manière nettement plus abrupte.

Au bout d’une dizaine de mètres à peine, il m’a semblé que mes pas résonnaient. J’ai donc frappé le sol du pied pour vérifier et là, petite frayeur : non seulement ça résonnait bel et bien mais en plus, ça tremblait ! Ce qui signifiait que sous mes pieds, le sol était creux et pas forcément très solide, donc potentiellement écroulable !

Comme je venais tout juste de la zone où de multiples petites fumerolles bouillantes s’échappaient des bouches de souffre, il était évident que le sous-sol était carrément brûlant dans le coin ! Je ne me suis donc pas éternisé et j’ai fait demi-tour, sans pouvoir observer de plus près les deux derniers cratères.


Le volcan reçoit la visite de 200 à 1.000 visiteurs environ chaque jour ! Heureusement, il est suffisamment vaste pour qu’on ne s’y bouscule pas et de toute façon, comme indiqué précédemment, ils se concentrent sur le créneau 10h00-15h00 environ.

Idéalement, il faut se rendre au cratère Stefanos en fin de journée :

  • Lorsque les bus de touristes sont partis, afin de bénéficier de la plus faible fréquentation possible ;

  • Et 1h00 – 1h30 avant le coucher du soleil, quand la lumière est la plus belle.

Si vous souhaitez également jeter un œil sur les cratères voisins, alors prévoyez d’arriver encore une heure plus tôt, voire deux si vous voulez prendre tout votre temps pour visiter.

Si vous êtes des lève-tôt, vous pouvez également arriver en début de matinée, avant l’arrivée des bus de touristes. Toutefois, la lumière est un peu moins belle le matin que le soir car les parois de la caldeira masquent plus le soleil quand il se lève que quand il se couche (elles sont plus hautes d’un côté que de l’autre).


L’entrée coûte désormais 5 euros par personne (et non plus 3 euros, comme on peut encore le lire un peu partout sur Internet).

Toutefois, elle est gratuite pour tous ceux qui s’y rendent… à vélo ou à pied !


  • Une paire de bonnes chaussures : on peut s’en passer mais le sol est boueux et brûlant dans toute la partie humide du cratère, donc de bonnes chaussures sont préférables. Si vous vous posez la question d’y aller en tongs, c’est possible mais déconseillé.

  • L’été : prévoir une bouteille d’eau ainsi que casquette et crème solaire, car le soleil peut taper très fort.


  • Il y a un parking pour garer la voiture

  • Il y a également un snack avec terrasse ombragée et toilettes gratuites (accessibles à tout le monde, y compris aux non-clients du snack).


Elle coûte 40 euros par adulte et 20 euros par enfant (2 à 12 ans) : excursion Nisyros depuis Kos.

Cette excursion inclut une brève visite du village de Mandraki.

Le prix d’entrée dans le volcan (5 euros), le repas du midi et les boissons ne sont pas inclus.


Si vous êtes curieux, voici un site Internet à ne pas rater : le site géoparc de Nisyros.

Tout y est : carte interactive, cratères, chemins de randos, biodiversité, mais également l’histoire de l’île et de ses habitants…


L’île ne comptant qu’un petit millier d’habitants, les villages ne sont pas nombreux. Mais quels villages ! Les quatre principaux sont Mandraki, Nikia, Emporios et Pali.


Quand on arrive sur l’île, c’est dans le petit port de Mandraki qu’on accoste.

Une ruelle de Mandraki

Ce qui frappe d’emblée, ce sont ses agréables petites ruelles, dont les façades de maisons sont blanchies à la chaux.

Une ruelle de Mandraki

En haut de la colline qui surplombe le village se trouve le Paleokastro. Il s’agit de la ville ancienne de Nisyros, qui était alors fortifiée. Depuis ces ruines, la vue sur le village en contrebas, la mer et les îles voisines vaut le détour.

Mandraki, vu depuis le Paleokastro

Un peu plus bas, mais toujours au-dessus du village, se situe le monastère Panagia Spiliani (Notre-Dame de la Caverne).

Le monastère Panagia Spiliani domine le village de Mandraki

Ce joli petit monastère vaut le coup d’œil même si, pour ma part, je n’ai pas pu visiter l’intérieur car il a rapidement fermé lors de ma venue.

Si l’on descend quelques marches depuis le monastère, on arrive à un autre point de vue sur Mandraki, moins élevé que depuis le Paleokastro, mais offrant lui aussi une jolie vue d’ensemble sur le village.

Enfin, pour parfaire le tableau de ce joli petit village, ajoutons que Mandraki dispose de nombreux petits commerces et restaurants sur le front de mer.


Pour ma part, j’ai eu un vrai coup de cœur pour ce petit village, perché sur la crète des montagnes qui dominent le volcan.

Nikia

Pour l’anecdote, j’y suis arrivé à vélo, après avoir grimpé les montagnes du centre de l’île, dont certaines côtes atteignent les 15%. Avec mon vélo de 54 kilos, sacoches comprises, et le soleil qui tapait fort, je n’avais qu’une seule envie : m’asseoir à l’ombre, sur la terrasse d’un café et dévaliser le frigo !

Mais pour arriver là, il fallait passer par les petites ruelles du village. Et là, j’ai eu un vrai coup de foudre.

Une ruelle de Nikia

Du coup, je me suis arrêté tous les dix mètres pour photographier et filmer, repoussant à plus tard le moment pourtant tant attendu de me rafraîchir…

Certaines ruelles sont très étroites, ce qui ajoute à leur charme.

La principale attraction de ce petit village, c’est sa place centrale. Elle est pavée d’une mosaïque qui a la réputation, dans toute la Grèce, d’être l’une des plus belles du pays.

Impossible de la photographier en entier le jour de ma venue car elle était en partie remplie de tables de restaurants, mais c’est vrai qu’elle est jolie et surtout, très agréable. Idéale pour prendre un verre et/ou un bon repas…

La fameuse place de Nikia et sa mosaïque de cailloux au sol

Enfin, il faut noter que, depuis le cratère Stefanos, c’est ce petit village blanc que l’on aperçoit tout là-haut, au loin, juché sur la crête de la caldeira. Et à l’inverse, on a une vue plongeante sur le volcan depuis le village.


Comme Mandraki, Pali est situé sur la côte.

L’église de Pali

Il s’agit d’un petit village de pêcheurs, qui s’anime un peu l’été avec la venue de quelques touristes.

Le port de Pali

Le village est tout petit, il est surtout animé grâce à son port de pêche et de plaisance, et à ses bars et restaurants. Mais c’est également un point de chute parfait pour pouvoir rayonner sur l’île, et sur les plages de sable volcanique noir situées juste à côté.

Mohamed, pêcheur à Pali

Enfin, Pali dispose d’une plage, raison pour laquelle certains visiteurs la préfèrent à Mandraki pour séjourner sur Nisyros.


Comme Nikia, Emporios est un petit village situé dans l’intérieur de l’île et sur le rebord de la caldeira. Il a été déserté au fil des années pour ne plus compter aujourd’hui qu’une trentaine d’habitants ! Puisque très peu de touristes s’y rendent, l’avantage, c’est qu’il a su conserver toute son authenticité.

Emporios

A noter que peu avant l’entrée du village, au bord de la route, se trouve une petite grotte qui, grâce à l’activité volcanique du sous-sol de l’île, fait office de sauna naturel pour les visiteurs.


  • En plus de mes deux nuits en bivouac tout seul dans la caldeira, j’ai dormi au Romantzo Hotel, réservé via Booking. Si vous cherchez un hôtel dans le centre de Mandraki, alors le Romantzo ne vous conviendra peut-être pas car il est légèrement excentré (il suffit néanmoins de 5 à 10 minutes de marche à peine pour s’y rendre). Par contre, si vous cherchez le calme, alors il est parfait.

Le Romantzo Hotel est situé face à la mer
La terrasse des chambres

Les prix sont corrects (37 euros hors saison, début mai, lors de ma venue, petit déj’ inclus), la vue sur la mer est agréable, l’accueil est sympa et le petit déjeuner varié.

Bien qu’elles vaillent le coup, on ne vient généralement pas à Nisyros pour ses plages.

Une plage volcanique, à l’est de Pali

Les plus réputées d’entre elles sont essentiellement situées sur la côte est, et les plus accessibles pullulent sur la côte nord, juste après le village de Pali (en direction de l’est) : là, elles se succèdent sur des centaines et des centaines de mètres, avec leur sable noir d’origine volcanique.

Une plage à l’est de Pali


Nisyros n’est pas forcément synonyme d’île de rêve pour tout le monde. En effet, certains habitants m’ont expliqué que régulièrement, on trouvait sur les plages de Nisyros des affaires, notamment des vêtements, appartenant à des migrants qui échouent parfois ici avec leur radeau de fortune.

Et en effet, il n’y a pas besoin de chercher bien longtemps pour trouver traces de ces objets gisant sur les plages, qui témoignent du vécu dramatique de ces miraculés de la mer.


Lorsqu’on s’aventure dans les montagnes de l’île en direction du volcan, on passe par de nombreux points de vues sur la mer.

On croise régulièrement des vaches au milieu de la route, mais aussi des chèvres dans les arbres ! Elles y grimpent avec une agilité de singes pour déguster les feuilles !

Les bus qui emmènent les touristes à la journée visiter le volcan passent par cette route mais ils ne prennent pas le temps de s’arrêter en chemin, alors que les vues successives sur la mer en valent pourtant la peine.


Dans cet article, je n’ai pas encore répondu à la question posée dans le titre : « Nisyros : la plus belle île de Grèce ?… » Et pour cause : n’ayant pas visité chacune des 9.000 îles que compte le pays, difficile de les comparer !

A l’inverse, beaucoup de blogs et de sites Internet ne s’embarrassent pas autant, et ils nous pondent des classements sur les dix, quinze ou vingt plus belles îles de Grèce (ce qui, en général, correspond tout simplement à la liste plus ou moins longue des quelques îles grecques qu’ils ont eu le temps de visiter !)

C’est ainsi que Nisyros n’apparaît que très rarement dans ces classements des plus belles îles du pays : notre jolie petite île volcanique étant située trop loin pour que les auteurs de ces articles y aient mis les pieds, ils ne la connaissent pas et ne peuvent donc pas la prendre en compte dans leur classement !

Qu’en pensent les grecs ?…

Le signe qui ne trompe pas, c’est l’opinion des locaux, et tous ceux que j’ai rencontrés ont été unanimes : selon eux, Nisyros est une superbe petite île dont ils sont généralement fiers, l’une des plus belles de leur pays selon eux.

Je partage cette opinion : Nisyros est magnifique, c’est même la plus belle île de toutes celles que j’ai visitées en Grèce au fil des années, en cinq voyages au pays d’Aristote.

Avec sa douceur de vivre, sa faible fréquentation touristique, ses vues à couper le souffle et son volcan, c’est réellement une destination à ne pas rater

Il ne vous reste donc plus qu’à vous y rendre pour vous faire votre propre point de vue…


Dans la caldeira

Le monastère Panagia Spiliani, à Mandraki

Autoportrait !

Les parois du cratère recouvertes de soufre

L’un des nombreux points de vues sur la mer

Dans le volcan

Le coucher du soleil vu depuis Mandraki




Lolo à vélo : direction les Balkans…


J’en ai longtemps rêvé, j’ai fini par le faire : prendre un congé sabbatique pour voyager pendant plusieurs mois !

Voici le compte-rendu de ce périple hors-normes, à vélo, en solo et en bivouac, qui m’a emmené dans les coins les plus reculés des Balkans. Pour moi, le but était de fuir les villes pour privilégier au maximum la nature, les lieux à peu près vierges de tourisme et les rencontres avec les habitants.

Ce voyage fut tellement fort émotionnellement qu’une fois arrivé à destination, la Grèce, j’ai décidé de continuer un peu au lieu de faire demi-tour : direction la Turquie !

Et puis la poisse m’est tombée dessus…





Quelques photos :

  1. L’Italie
  2. La Croatie
  3. La Bosnie-Herzégovine
  4. Le Monténégro
  5. L’Albanie
  6. La Grèce
  7. La Turquie
  8. Quelques rencontres…


Le paysage au petit matin en sortant de la tente…

Le petit village de Bakar

L’île de Krk sous les nuages.

Île de Pag

Traversée de l’île de Pag

Le coucher du soleil vu depuis la tente. Île de Pag.

Mostar et son fameux pont

La baie de Kotor

Trebinje

La Grande Mosquée de Tirana, ou mosquée de Namazgâh

Le vieux pont suspendu et rouillé de Përmet

Le vieux pont ottoman, dans les environs de Përmet

A proximité du village de Përmet

La Vjosa, considérée comme le dernier long fleuve sauvage d’Europe (hors Russie)

Dans la caldeira de l’île de Nisyros (Dodécanèse)

Athènes

Le petit village de Nikia (île de Nisyros, Dodécanèse)

Vue sur le cratère de Stefanos (île de Nisyros, Dodécanèse)

Le cratère de Stefanos (île de Nisyros, Dodécanèse)

En route vers le volcan (île de Nisyros, Dodécanèse)

Le village de Mandraki (île de Nisyros, Dodécanèse)

Le lac de Milas

Avec Giuseppe (Italie)
Vanessa, une allemande, son compagnon hollandais Albert et leur fillette de 11 mois Alva (île de Pag, Croatie)
Sofia, une bosniaque, m’offre son délicieux café turc fait maison (île de Pag, Croatie)
Luka, un pèlerin croate qui marche vers la ville de Medjugorje, dans le sud de l’Herzégovine (île de Pag, Croatie)
Danilo remplira gentiment mes gourdes avec l’eau de son puits (Croatie)
A Sinj, pendant mes courses dans une toute petite épicerie, Ana et Milanka m’offrent à manger (Croatie)
Inga, passionnée de pâtisserie, m’offre une part du succulent gâteau qu’elle a préparé… Une tuerie ! (Mostar, Bosnie-Herzégovine)
Novak Djinovik, ex-cycliste professionnel, me fait cadeau de la brève réparation de mon vélo (Bar, Monténégro)
Sur un chantier, des ouvriers m’offrent un soda pendant leur pause de midi (Albanie)
Koula, rencontré pendant une traversée féérique sur la rivière Drin (Albanie)
Un grand-père me complimente sur mon voyage à vélo, avec son fils et son petit-fils, à Fierza (Albanie)
Lorsque je passe à vélo devant lui, Emiliano (ici avec son père et des voisins) m’arrête et m’offre un verre, puis quand je repars, une canette de soda pour la route (Albanie)
A Koman, cette dame, à qui je demande simplement un renseignement, m’offre une part du gâteau qu’elle vient juste de préparer (Albanie)
A Koman (Albanie)
Le monsieur de gauche, curieux sur mon voyage, remplira gentiment mes gourdes d’eau (Albanie)
Ce vendeur de fruits d’une incroyable gentillesse refuse que je paye deux oranges : il me les offre… et ajoute deux pommes (Albanie)
Ces messieurs me bombardent de questions sur mon voyage et me félicitent en boucle (Albanie)
Longue discussion en bord de route avec un berger, devant ses brebis au loin (Albanie)
Ce monsieur me dira les seuls mots qu’il connaît en français : « je t’aime ! » (Albanie)
A court d’eau, assoiffé par l’effort et la chaleur, je me vois offrir deux petites bouteilles d’eau (Grèce)
Rencontre de deux pêcheurs (Grèce)
Chris et son père Alexandros m’offrent le café à Corinthe (Grèce)
Pendant la longue traversée vers Nisyros (20 h), je sympathise avec un couple franco-hollandais, Michelle et Peter (Grèce)…
… et je sympathise également avec Adonis, un skipper grec qui a navigué sur toutes les mers du monde ! (Grèce)
Avec le pope du monastère Panagia Spiliani à Mandraki (île de Nisyros, Grèce)
Mohamed exhibe fièrement une petite partie de sa pêche du jour à Pali (île de Nisyros, Grèce)
Avec Mohamed sur son chalutier (île de Nisyros, Grèce)
Avec Simplet (c’est celui de gauche, je précise…) à Athènes
Avec Sono, un indien Sikh, sur l’île de Kos (Grèce)
Avec Sono et un couple d’allemands, sur l’île de Kos (Grèce)
Au moment de payer un Fanta au patron d’un petit bar-resto à Yatagan, il me l’offre ! (Turquie)
Olgun, un prof d’anglais, devant son collège à Turgut (Turquie)
Fathi se balade tous les dimanches avec son scooter pour admirer les jolis paysages du coin (Turquie)
Patrick, architecte à la retraite, rencontré à Gènes lors de mon retour en France (Italie)