Pour continuer mon périple, j’ai décidé d’entrer en Turquie non pas par voie terrestre à vélo, mais par la mer en bateau. Je fais donc une courte traversée de Nisyros à l’île voisine de Kos, d’où partent les ferries pour la Turquie. Je ne le sais pas encore mais c’est là que mon voyage va basculer.
En approchant du ferry, je constate que la passerelle pour monter à bord est non seulement très étroite, mais aussi et surtout surélevée d’une bonne trentaine de centimètres au-dessus du quai, au lieu d’être posée dessus. Je rage un peu intérieurement en sachant déjà que je vais galérer dans quelques secondes pour hisser mon vélo de cinquante-quatre kilos sur cette passerelle mal ajustée. Mais cela fait partie de mes petites tracasseries quotidiennes, généralement sans conséquences.
Arrivé devant elle, je soulève l’avant du vélo puis je fais un effort supplémentaire pour faire suivre l’arrière, beaucoup plus lourd et là, d’un seul coup, crac ! Je ressens en une fraction de seconde une forte douleur au genou gauche. Pire, je sens tout de suite que dans ma jambe, quelque chose n’est plus à sa place. J’ai l’impression qu’un os est complètement sorti de son emplacement !
Cette sensation étant aussi douloureuse que désagréable, c’est la peur au ventre que je jette un œil à mon genou. Résultat, il est difforme ! Il a une énorme bosse à gauche et un grand trou inhabituel au milieu : la rotule n’est plus à sa place, elle s’est déboîtée vers l’extérieur de la jambe. La douleur est forte, je ne peux plus ni plier ni tendre la guibole, et il m’est impossible de faire un pas. La passerelle d’accès au navire étant très étroite, mon vélo, avec ses sacoches, en occupe toute la largeur et personne ne peut passer à côté de moi. Ça tombe mal, il y a encore une bonne cinquantaine de passagers derrière moi sur le quai, que j’empêche de monter à bord.
L’arrivée du ferry à Bodrum (Turquie)
Comme je souffre à voix haute, les deux membres d’équipage postés en haut de la passerelle pour accueillir les voyageurs descendent jusqu’à moi. Voulant m’aider, ils me demandent de lâcher le vélo pour le monter eux-mêmes à bord mais ils ne s’attendent pas à ce qu’il soit si lourd. Du coup, ils le font tomber dans les cordages qui bordent la passerelle, et dans lesquels le guidon s’empêtre. Quand ça veut pas…
Dans mon esprit, je me dis qu’il y a bien un toubib, une infirmière ou n’importe quelle personne avec un semblant de formation médicale, qui va venir m’aider et remettre ma rotule douloureuse à sa place, mais non. Alors que la douleur est toujours forte, personne ne se manifeste.
Bloquant toujours les passagers, et la douleur ne diminuant pas d’un iota, je décide d’essayer de la manipuler moi-même. Je la prends donc à deux mains et je la pousse vers sa place vide mais rien ne bouge. A la deuxième tentative, je force un peu plus et là, elle coulisse miraculeusement. Mes ligaments internes, qu’elle avait distendus comme deux élastiques au moment de la luxation, contribuent à la ramener automatiquement à son emplacement normal.
J’ai toujours très mal mais je suis surtout secoué psychologiquement après la vision de ma jambe si déformée. En revanche, au niveau sensations, j’avoue que ça va mieux car je vois bien que tout est désormais à sa place. Et du coup, je peux à nouveau marcher. Comme un canard boiteux, peut-être, mais au moins j’avance, libérant enfin l’accès à bord pour tous ceux qui poireautaient derrière moi.
Je finis de pousser mon vélo jusqu’en haut. Là, une jeune femme d’équipage me montre où le parquer pendant la traversée tout en me demandant comment ça va. Comme je n’ai qu’une seule envie, à savoir filer m’asseoir, je lui réponds que tout va bien alors qu’en fait, tout va mal ! Mais chose incroyable, une quinzaine de minutes plus tard, pendant que le bateau navigue quelque part entre la Grèce et la Turquie, une grande partie de la douleur a disparu. C’est fou qu’elle ait pu monter si haut en une fraction de seconde, puis dégringoler à ce point le quart d’heure suivant. Tant mieux pour moi.
Le port de Bodrum
Peu après, le bateau accoste à Bodrum, station balnéaire ultra fréquentée où le tourisme de masse est roi. C’est exactement ce que je n’aime pas mais à cet instant là, je m’en fous complètement : la seule chose qui compte, c’est mon genou. Notamment, je m’interroge sur l’étendue des dégâts causés par cette luxation. Je suis un peu inquiet car je n’ai pas l’impression d’être en état de faire du vélo. Je commence carrément à me demander si mon périple ne va pas se terminer dans cette ville, l’ancienne Halicarnasse. Alors bien sûr, ce serait un lieu d’arrivée prestigieux pour mon voyage, mais j’aimerais bien pouvoir continuer un peu quand même.
Quelques pierres du mausolée d’Halicarnasse, l’une des Sept Merveilles du Monde, ont servi à construire la forteresse de Bodrum
Initialement, j’avais prévu de rouler un peu pour sortir de la ville avant la tombée de la nuit, puis bivouaquer quelque part dans la nature. Mais là, je sens bien que je dois reposer ce genou récalcitrant. Je décide donc de me poser pour la nuit dans une petite pension bon marché, à l’écart du centre-ville animé que je trouve surfait. Je passe la soirée à noyer ma déception dans la gastronomie locale, en m’empiffrant de kebabs certes gras, mais tellement réconfortants. Demain, en fonction de mes sensations, j’aviserai…
Après avoir passé une partie de la nuit à cogiter, et l’autre partie à essayer de digérer mon repas local, j’ai la bonne surprise, au petit matin, de sentir que la douleur a presque disparu. Elle se réveille dès que je tourne la jambe sur le côté mais si je la garde bien droite, je n’ai plus vraiment mal. C’est une bonne surprise, je vais pouvoir continuer mon voyage.
Je suis globalement rassuré même si, au fond de moi, je sens quand même que mon genou est fragilisé. Je suis donc un peu sceptique mais je reprends la route : je verrai bien en pédalant si ça passe ou si ça casse…
La sortie de Bodrum
A la sortie de la ville, je me retrouve nez-à-nez avec deux sangliers. A mon approche, ils détalent à travers un petit terrain, pentu et recouvert de végétation, au beau milieu des maisons. Dans ce pays où quatre-vingt-dix-huit pour cent de la population est musulmane, je ne m’attendais pas à croiser ce couple de mammifères dotés d’un groin. Renseignements pris, il s’avère qu’ils pullulent dans la nature turque, tout autant d’ailleurs que dans une bonne partie de l’Europe et de l’Asie.
Les premiers kilomètres montent pas mal et je suis heureux de constater que mon genou tient plutôt le coup : je n’ai pas vraiment mal, sauf quand je tords un peu la jambe. Et bien j’ai qu’à ne pas la tordre !
L’itinéraire côtier offre de jolies vues plongeantes sur la mer. Je comprends mieux pourquoi il y a tant de touristes dans les parages.
Les environs de Bodrum
J’arrive assez rapidement sur une quatre-voies. En Turquie, les vélos y sont autorisés, de même que sur les autoroutes. Moi qui suis si attaché aux conditions de sécurité à vélo (par exemple, je fais partie des zéro pour cent de cyclistes environ qui ne grillent pas les feux !), je suis surpris de prendre tant de plaisir à pédaler sur ces routes à grande vitesse. Les voitures foncent, un certain nombre d’entre elles pulvérisant allègrement la limitation à cent dix. Les bus et les poids lourds ne sont pas en reste car ils me doublent également en roulant vite. Leur moteur me hurle dans les oreilles et leur pot d’échappement me crache dans les poumons. Mais malgré tout, comme la bande d’arrêt d’urgence sur laquelle je roule est plutôt large et que je surveille dans mon rétro tous les véhicules en approche, j’ai plutôt tendance à m’éclater ici.
Quand un poids lourd me double, voire plusieurs à la suite, ils m’emportent dans leur sillage grâce à l’appel d’air qu’ils créent derrière eux. Cela me fait accélérer considérablement, a fortiori dans les descentes, et je me retrouve à rouler à des vitesses bien supérieures à celles que j’atteindrais à la seule force des mollets. Cette quatre-voies a décidément un petit côté grisant.
Par contre, il y a quelques portions sur lesquelles la largeur de la bande est très réduite voire inexistante et dans ces endroits, je me retrouve à rouler avec voitures et camions sur la file de droite. Ça, ce n’est plus du tout une partie de plaisir. Cela me vaut un ou deux coups de klaxon mais globalement, la cohabitation se passe bien car quasiment aucun véhicule ne me frôle.
Mais je prends vite conscience que sur cette quatre-voies, il n’y a aucun paysage à voir, aucun village à traverser ni aucune rencontre à faire. Alors je décide d’en sortir pour aller voir de plus près à quoi ressemble la Turquie profonde.
Petite route de montagne (sud-ouest de la Turquie)
Dans cette région paisible de la Turquie, la petite route de montagne qui défile sous mes pneus est bordée de fleurs. Les voitures sont rares et le silence règne, c’est tout le contraire de la quatre-voies d’où je viens.
Après quelques montées, j’arrive dans la petite ville de Milas, que je traverse assez rapidement. Elle est posée dans une vallée encaissée, aux pieds de montagnes dont les flancs sont défigurés par les carrières de marbre. Ce dernier a servi il y a bien longtemps à la construction des nombreux monuments antiques de la région.
A la sortie de la ville gît paisiblement un joli lac bleu. Je décide de faire un petit détour pour aller le voir de plus près. Sur ses berges, quelques habitants du coin sont venus poser leur table de camping pour pique-niquer en famille.
Le lac de Milas
Je poserais bien ma tente par là, face à ce joli paysage lacustre mais sans que ce soit la grande foule, il y a quand même des gens un peu partout. Je quitte donc le lac pour planter ma tente quelques kilomètres plus loin.
Vient l’heure de faire le bilan de la journée. J’ai roulé modérément, soixante-et-un kilomètres précisément mais avec quand même huit cents mètres de dénivelé positif, ce qui n’est pas rien avec un vélo toujours aussi lourd, mais avec en prime un genou en vrac, désormais. Mais ce genou justement, il ne m’a pas trop fait souffrir, finalement. Par contre, il a pas mal gonflé et je n’aime pas trop ça.
Après une nuit passée dans le silence des montagnes, j’attaque la journée suivante avec de grosses montées. Bien que pas encore réveillé, mon genou tient toujours le choc.
Au fil de la journée, la chaleur devient de plus en plus intense. A l’entrée d’un village, je m’arrête pour discuter avec un habitant devant son hangar. Il s’appelle Ashkan, il est menuisier et il me fait visiter son atelier.
Ashkan dans son atelier
Je ne sais pas si j’ai la tête du type qui souffre à pédaler dans les montagnes en plein cagnard mais quand je pars, Ashkan envoie son fils Inan m’offrir une grande bouteille d’eau fraîche : un moment d’allégresse pure pour un cyclotouriste en surchauffe. J’avais déjà entendu parler de l’hospitalité turque mais à ce moment précis, elle devient réalité.
Inan m’offre une grande bouteille d’eau fraîche
Je poursuis ma route mais quand j’arrive dans la ville de Yatagan, mon genou est proche de l’obésité. Pourtant, je n’ai roulé que trente-huit kilomètres aujourd’hui, mais sous un soleil qui m’a fait fondre et surtout, avec près de neuf cents mètres de dénivelé positif. J’ai notamment dû forcer pas mal pour grimper plusieurs pentes entre 10 et 15%. Cet effort de pédalage soutenu voire intense, à l’évidence, mon genou ne l’a pas adoré : il est devenu énorme.
Je décide de m’arrêter dans cette ville inconnue pour reposer mon genou pendant quelques jours.
Je vais également le glacer (avec des petits pois surgelés, n’ayant rien d’autre) et acheter une genouillère dans une pharmacie.
Soixante-douze heures plus tard, mon genou n’a pas dégonflé d’un millimètre. La douleur est faible mais elle est toujours là, notamment sur certains mouvements de la jambe. Entretemps, j’ai appris qu’avec ce type de blessures, il y avait une récidive pour plus d’une personne sur deux. C’est énorme. Or, j’ai encore des montagnes à grimper et dès ma prochaine étape, mon GPS vélo m’annonce qu’une côte à 24% m’attend ! C’est monstrueux. Je ne pourrai sans doute pas la monter, chargé comme un âne, il faudra donc que je pousse le vélo. Mais c’est justement en le poussant, sur une passerelle pourtant beaucoup moins pentue, que ma rotule s’est fait la malle : cela ressemble à des conditions idéales de récidive.
Et puis globalement, je me rends bien compte que je ne peux pas forcer normalement en pédalant. Alors avec toutes ces montagnes qui m’attendent, il va bien falloir que je me rende à l’évidence : la suite de mon périple est compromise.
Dans la campagne turque
Je passe des heures à réfléchir à ce que je dois faire ou pas, à ce qui est prudent ou imprudent, et à la récidive qui me pend au nez si je m’engage dans les montagnes de la région. Mon genou est toujours très enflé, je le sens vraiment fragilisé, la suite du parcours est très sportive, trop sans doute, et la luxation de ma rotule a été un moment extrêmement désagréable que je n’ai absolument pas envie de revivre.
Après trois jours de repos passés tout seul dans une petite chambre d’hôtel miteuse à Yatagan, à réfléchir dans tous les sens à la suite que je dois donner à mon périple, je finis par prendre ma décision : je vais faire demi-tour et rentrer à la maison. Le coup est rude et quelques gouttes s’échappent de mes yeux, les nerfs me lâchant brutalement. C’était le voyage d’une vie, je regrette tellement qu’il se termine ainsi.
Mais très vite, les belles images des endroits que j’ai traversés depuis le départ me reviennent à l’esprit. La douceur de vivre en Italie, les beauté de la côte et des forêts croates, les superbes montagnes albanaises, le volcan impressionnant en Grèce… Je repense aussi à tous les gens amicaux et si bienveillants que j’ai rencontrés depuis le premier jour. Je n’avais jamais vraiment repensé à tout ça en pédalant quotidiennement car finalement, ce qui m’intéressait chaque fois que je roulais, c’était ce qui m’attendait le jour même ou le lendemain, et non pas ce que j’avais déjà vécu.
Toutes ces images me réconfortent et me font prendre conscience que, même si aujourd’hui, tout se termine en eau de boudin, j’ai quand même eu la chance de vivre une aventure exceptionnelle. J’ai atteint mon objectif initial, Athènes, et je l’ai même dépassé puisque je suis arrivé jusqu’ici, en Turquie. Simplement, je ne vais finalement pas pouvoir pousser jusqu’en Cappadoce, ni rentrer chez moi à vélo.
Pour le retour justement, le plus simple consisterait à prendre l’avion. Mais j’ai traversé toute l’Europe pendant plus de deux mois pour arriver jusqu’ici en Asie, en utilisant uniquement mon vélo. C’est-à-dire un moyen de transport respectueux de l’environnement. Je ne peux quand même pas décemment polluer un tel voyage en prenant maintenant un vol pour rentrer à la maison.
Je rentrerai donc en bateau, en voiture de location et, quand il n’y aura aucune autre possibilité, j’avancerai à vélo. Alors bien sûr, la voiture polluera un peu mais ce ne sera que sur de courtes distances et il n’y aura de toute façon aucune commune mesure avec l’avion. Ce retour prendra du coup beaucoup plus longtemps, environ deux semaines au lieu de deux ou trois heures par les airs, et il me coûtera au total beaucoup plus cher qu’un vol en aller simple. Mais au moins, mon bilan carbone restera honorable et je serai fier de mon voyage jusqu’au bout. Et puis, ces quinze jours de retour me serviront de transition vers le retour à la vie normale…
La mosquée Rüya Gibye
Pour commencer, je n’ai pas vraiment le choix : je vais devoir retourner à Bodrum à vélo.
La campagne turque, pendant le chemin du retour
Je prends donc le même chemin qu’à l’aller et je repasse devant les mêmes paysages : des forêts verdoyantes, la mer d’un bleu intense…
Après les quelques dizaines de nuits que j’ai eu la chance de passer sous la tente au cours des dernières semaines, c’est maintenant l’heure de mon dernier bivouac.
Avec un dénivelé globalement descendant malgré quelques pentes raides, ma patte folle tiendra le coup jusqu’à Bodrum.
Le chemin du retour :
Traversée Bodrum (Turquie) – Île de Kos ( Grèce)
L’île de Kos
Traversée Kos – Athènes
Athènes
Traversée Patras (Grèce) – Ancône ( Italie), après la jonction Athènes – Patras en voiture de location
Ancône
Traversée Gênes (Italie) – Barcelone (Espagne), après la jonction Ancône – Gênes en voiture de location
De Gênes à Barcelone
Retour à Bordeaux en voiture
Voiture de location neuve et dernière galère du périple : crevaison à Tarrega !
Infos pratiques
Les automobilistes turcs et les cyclistes
Comme dans tous les pays précédents que j’ai traversés, je n’ai pas rencontré le moindre problème de sécurité avec les automobilistes turcs. Je n’ai jamais vraiment croisé de chauffards. Il y a bien eu quelques bolides qui fonçaient sur les quatre-voies limitées à cent dix kilomètres heure, mais ils passaient toujours loin de moi et ne me mettaient donc jamais en danger. Sur les petites routes de campagne et de montagne ainsi que dans les villes et villages, les voitures faisaient là aussi toujours très attention à moi. D’après ce que j’en ai vu, les routes turques m’ont donc paru très sûres pour les cyclistes.
Les itinéraires Eurovélo
Les itinéraires Eurovélo ont fait leurs preuves depuis longtemps. Au nombre de dix-sept à ce jour, ils sillonnent l’Europe du Cap Nord à Malte, et de l’Irlande occidentale aux confins de l’Orient.
L’esprit est de constituer un réseau cohérent de grands itinéraires cyclables européens, en connectant les capitales et les grandes villes du continent. Le patrimoine naturel et culturel est mis en valeur tout en favorisant le tourisme durable.
L’un des principes de base d’Eurovélo, c’est de toujours prendre en compte la sécurité des usagers. Ainsi, les routes doivent être balisées et continues. Elles doivent également éviter les routes à fort trafic. Elles combinent donc pistes cyclables et routes secondaires, voire chemins balisés.
Le réseau Eurovélo
La Turquie est très peu concernée par le réseau Eurovélo. Elle ne compte en effet que deux petites portions d’itinéraires sur son territoire : l’une est située dans la partie européenne du pays (au nord-ouest d’Istanbul), et l’autre se trouve autour d’Izmir. Lien vers le réseau Eurovélo en Turquie
Mais si j’évoque quand même ce vaste réseau cyclable ici, c’est parce que les nombreux itinéraires qu’il comporte à travers le continent peuvent s’avérer utiles pour pédaler jusqu’en Turquie, quel que soit le pays européen d’où l’on vient.
Se rendre à Bodrum en bateau, depuis la Grèce
Il est facile de se rendre à Bodrum en bateau depuis la petite île grecque voisine de Kos puisque plusieurs compagnies assurent la traversée. On trouve donc normalement des ferries tous les jours.
Prix : il varie selon la saison et la compagnie mais il tourne autour de 30 euros pour un piéton adulte. Le transport du vélo est gratuit (demander confirmation à l’achat du billet).
Durée : environ 30 minutes.
Attention : si en basse saison on peut en général acheter son billet au dernier moment, en haute saison il est préférable de réserver à l’avance.
Douane : cette traversée inclut un passage de frontière (Grèce – Turquie), ce qui signifie qu’il faut prévoir le temps de passage de la douane. Mais surtout, les voyageurs à vélo s’exposent à la confiscation des couteaux, cartouches de gaz etc. D’après ma propre expérience, les douaniers ne sont pas très regardants : à l’aller, ils m’ont laissé passer sans me contrôler et au retour, ils m’ont contrôlé mais sans rien confisquer. En revanche, lors d’une autre traversée (en Italie), on m’a confisqué toutes mes cartouches de gaz, donc c’est une situation rageante qui peut toujours se produire quand on passe une douane…
Prix : très variable, de moins de 10 euros à près de 20 euros pour un piéton selon la saison, la compagnie, le type de navire etc. Gratuité pour le vélo.
Durée : de 45 mn à 1h45, selon le type de navire.
Fréquence : en basse saison, il n’y a que deux traversées par semaine (à vérifier, cette fréquence pouvant changer).
Attention : en haute saison, il est plus prudent de réserver son billet à l’avance.
J’ai pris tout mon temps pour profiter au maximum de ma dernière journée en Albanie. La conséquence immédiate, c’est qu’il est déjà tard lorsque je passe la frontière grecque, et qu’il ne me reste plus beaucoup de temps pour trouver un spot de bivouac avant la tombée de la nuit.
En plus, je me trouve dans une partie très montagneuse de la Grèce. D’un côté de la route, il y a la montagne, de l’autre, le ravin et partout, le terrain est à la fois très boisé et trop pentu pour poser ma tente dans les parages.
Mais comme toujours, à force de rouler, je finis par trouver un petit chemin en bord de route, au bout duquel quelques arbres pourront cacher ma tente de la vue des rares voitures qui passent par ici.
Le lendemain, je rencontre une galère que je n’ai absolument pas anticipée : la soif.
Après un bivouac non loin de la ville de Ioannina, je donne mes premiers coups de pédales de bon matin, dans de jolis paysages de montagne et dans l’insouciance totale : comme toujours depuis quarante jours que j’ai quitté la France, je trouverai bien de l’eau en chemin.
Au fil des heures, le soleil chauffe de plus en plus et le problème qui se pose, auquel je n’avais pas pensé un seul instant, c’est que mon itinéraire ne me fait pas traverser le moindre village. Habituellement, je rencontre presque tous les jours des habitants qui acceptent gentiment de remplir mes gourdes, sinon, j’attends de trouver une fontaine sur mon chemin. Et en dernier recours, il me suffit d’acheter des bouteilles d’eau dans la première petite épicerie que je croise, ce que je n’ai fait qu’une seule fois jusque là.
Mais aujourd’hui, mes bidons sont vides et autour moi, rien ! Pas un village, pas un habitant, pas une fontaine, pas une épicerie. En d’autres termes, je suis à sec. En plus, il fait chaud et je transpire dans les montées, bref, je suis assoiffé. A midi, je dévore la tomate, le demi-concombre et l’orange qu’il me reste afin de m’hydrater un peu, puis j’étudie la carte du coin sur mon GPS pour essayer de trouver un village proche. En vain, il n’y a pas âme qui vive dans les parages.
Personne à des kilomètres à la ronde
Je suis au pays de la mythologie grecque et puisque j’ai le gosier si sec, je ne peux m’empêcher de penser aux Danaïdes, ces cinquante sœurs qui furent condamnées à verser éternellement de l’eau dans un vase sans fond : quel gâchis !
Mais comme souvent depuis le début du périple, je fais une rencontre providentielle. Une fourgonnette des services de l’autoroute voisine passe à un croisement, assez loin devant moi. Elle s’arrête un peu plus loin, fait demi-tour et revient vers moi avant de s’arrêter à ma hauteur. Le conducteur, avec son gilet jaune de l’autoroute, me demande où je vais. Je lui explique mon trajet mais il n’a pas vraiment l’air de me croire. Il est persuadé que je veux emprunter l’autoroute à vélo. Il essaie de m’en dissuader en m’expliquant que c’est interdit et que surtout, c’est dangereux. N’ayant plus huit ans depuis longtemps, je suis au courant de tout cela et je n’ai en effet pas prévu d’aller me faire aplatir aujourd’hui par un bolide à quatre roues. Malgré son insistance plutôt lourde, il est franchement sympa.
Au moment où il s’en va, je lui demande s’il y a un village dans le coin où je pourrais acheter de l’eau. Il me répond que non, qu’on est loin de tout ici et qu’il n’y a rien. Il retourne à sa fourgonnette, me laissant K-O debout après une info aussi sèche. Mais il en ressort avec deux petites bouteilles d’eau de vingt-cinq centilitres chacune, qu’il me tend dans un grand sourire.
Le sauveur de l’autoroute !
Quand on vit quotidiennement avec l’eau courante et qu’on a l’habitude d’ouvrir un robinet pour que l’eau coule à flots, on n’a pas idée de ce que peut représenter un petit demi-litre d’apparence aussi ridicule. Mais pour qui vit dans la nature et se retrouve assoiffé pendant des heures, en plein cagnard et en plein effort, comme moi aujourd’hui, alors ces deux micro-bouteilles valent tout l’or du monde. Il y a cinq minutes à peine, j’étais au fond du trou et là, d’un seul coup, je suis le plus heureux des hommes. La vie est belle.
Je descends la première bouteille cul-sec et je garde la seconde pour le bivouac du soir : j’aurai besoin d’un peu d’eau pour préparer mon dîner grâce à un sachet lyophilisé que je garde toujours en réserve, dans la perspective d’un jour où je n’aurais rien à manger. Je réalise alors que ces deux bouteilles sont à la fois beaucoup et trop peu. Elles me sauvent momentanément mais elles sont insuffisantes quand même.
Une petite fabricante de miel grecque
La chance me fait alors passer devant une maison isolée dont je me demande ce qu’elle peut bien faire là, si loin de tout. Son habitant jardine à proximité de la porte d’entrée. J’ouvre le dialogue par un kalimera amical (bonjour) censé briser la glace et le mettre en confiance. Il me répond la même chose mais sur le ton d’un ours hostile, avant de tenter de se réfugier dans sa maison. Je réalise alors que, habitant dans un endroit aussi reculé, il est légitime qu’il se méfie du premier type qui passe par là, a fortiori lorsqu’il s’agit d’un voyageur un peu cradingue comme moi.
Je lui demande alors très vite, juste avant qu’il ne passe le seuil de la porte, s’il peut me dépanner en eau. Il répond en râlant fort, me tourne le dos et rentre chez lui brusquement en claquant la porte. J’attends là un instant car je crois avoir compris qu’il va revenir quand même, et je profite de ces quelques secondes pour sortir une petite tour Eiffel bleue de mes sacoches : on ne sait jamais, ça peut toujours servir.
Le type revient alors, muni d’une grande bouteille d’eau de deux litres mais en arborant une tête de tueur : il me fait comprendre que s’il me donne cette eau, c’est juste pour que je dégage le plus vite possible. Mais moi, en voyant cette immense bouteille, qui prend sous ce cagnard autant de valeur qu’un ticket de loto gagnant, je pars tout seul dans un grand éclat de rire, sans doute un peu nerveux. Puis je couvre mon sauveur, le deuxième en vingt minutes à peine, de plusieurs efkaristo consécutifs (merci). Et bien sûr, je lui tends la petite tour Eiffel.
C’est fou l’impact de ce petit objet bleu sur les gens à qui je l’offre. Chaque fois, ils rient à tue-tête lorsqu’ils prennent la petite tour dans leurs mains. Mais avec ce grec, c’est différent. Il y a deux secondes, il semblait prêt à m’égorger et là, il se met subitement à rire avec moi comme si j’étais son vieux pote ! Ce petit cadeau l’a mis en confiance. Du coup, ce taiseux devient intarissable et n’arrête plus de me questionner sur mon voyage. Mais je finis par m’éclipser quand même, trop content de ces deux rencontres successives qui m’ont sorti d’une sale situation.
Il n’y a pas âme qui vive dans ce coin du pays.
Douceur de vivre à la grecque
La journée ayant été difficile physiquement à cause du gros dénivelé, de la chaleur et de la soif, je décide d’arrêter de pédaler un peu plus tôt que d’habitude, pour me reposer. Je vais poser ma tente dans les parages et profiter tranquillement de la soirée, quelque part dans la nature.
Je trouve assez rapidement un spot vraiment agréable, qui le serait encore plus si au préalable, un troupeau de vaches n’avait pas déposé tout un bataillon de bouses un peu partout. Les plus sèches sont inodores et ne me posent pas de problème, mais les plus fraîches sont répugnantes. Déjà, elles sont énormes mais surtout, elles sont colonisées chacune par des dizaines de grosses mouches vertes, qui n’ont rien trouvé de mieux à faire que de creuser une multitude de galeries dans cette odorante matière fécale d’origine bovine. C’est bien la première fois de ma vie que je suis amené à observer aussi finement cette manifestation peu ragoûtante de la nature, et j’espère surtout que ce sera la dernière.
Bien sûr, ce n’est pas le sujet le plus élégant à aborder mais cela fait partie du voyage, alors je ne peux pas le censurer non plus.
Une fois ma tente montée, je m’en éloigne un instant en faisant évidemment très attention où je pose les pieds. Je finis par me planter devant un gros buisson. Là, alors que je marque tranquillement mon territoire, j’entends subitement un gros bruissement de feuilles dans la végétation que je suis justement en train d’arroser. Je pense immédiatement à un serpent. Et en effet, un gros reptile surgit juste à côté de mon pied droit mais ce n’est pas celui que je crains : c’est une petite tortue sauvage.
Daisy la tortue
Par chance, elle semble être passée entre les gouttes puisqu’elle est toute sèche. Elle est mignonne comme tout, bien qu’étant furieuse après moi car j’ai marqué un territoire qui n’était pas le mien : c’est le sien. Je la baptise Daisy, du nom de sa congénère que nous avions à la maison quand j’étais petit. Puis je retourne à ma tente, lui rendant ses terres.
Croiser ce petit animal sur ma route est assez symbolique car nous présentons quelques similitudes, lui et moi. Nous n’avançons pas bien vite, et nous emportons tous les deux notre maison avec nous : la tortue sur son dos et moi dans mes sacoches de vélo.
L’avantage quand on roule à la vitesse de ce petit animal tout pataud, c’est qu’on peut prendre tout son temps, ce qui permet de profiter beaucoup plus du voyage. On n’a aucune contrainte, on peut rester aussi longtemps qu’on veut dans les endroits où l’on se plaît puisque on n’est attendu nulle part. Il suffit juste de profiter du moment présent, que ce soit face au paysage ou le temps d’une rencontre. Savourer ces instants sans se soucier du temps qui file, il s’agit bien d’un luxe qu’on ne possède jamais, dans la vie de tous les jours.
Le territoire de Daisy, sur lequel j’ai donc posé ma tente, est un petit coin de nature calme et paisible qui fait face aux montagnes. Dans une telle quiétude, la petite tortue sauvage et moi allons bien dormir.
En Grèce, le nord du pays n’est globalement pas touristique. Ici, je découvre la Grèce profonde, bien loin de la carte postale classique représentant des petites églises blanches surmontées de coupoles bleues, avec une mer d’azur en toile de fond.
Plus je descends vers le sud, plus les champs fleuris succèdent aux montagnes enneigées. Les fleurs sont omniprésentes, elles remplissent les champs, je n’en ai jamais vu autant. Les paysages en sont tout tachetés, ce qui les enjolive et tant mieux car franchement, sans ce saupoudrage de couleurs, ils seraient beaucoup plus banals. Un vrai petit paradis pour les abeilles.
Dans cette partie du pays, je traverse peu de villages et aucune ville. En conséquence, contrairement à ma traversée de l’Albanie, je ne fais pas beaucoup de rencontres. Mais comme la nature est omniprésente, j’y trouve mon compte quand même.
Ici, il y a un avantage et un inconvénient. L’avantage, c’est que cette nature fleurie est agréable et très propice au bivouac. Mais l’inconvénient, c’est que justement, le bivouac est interdit en Grèce !
Bivouac dans les environs d’Etoliko
Pourquoi cette discrimination à l’encontre des bivouaqueurs ? D’une part, pour protéger la nature du comportement de certains campeurs peu scrupuleux. D’autre part, pour préserver la tranquillité des habitants. Enfin et surtout, pour limiter au maximum les risques d’incendies.
Les contrevenants risquent une amende, et il faut savoir que la police traque de plus en souvent les bivouaqueurs en Grèce, notamment en haute saison.
Pour ma part, si j’ai pris le parti de ne pas respecter cette interdiction, ce dont je ne suis pas spécialement fier malgré mes convictions pro-bivouac, c’est pour plusieurs raisons. Déjà, quand je dors sous la tente, je ne laisse absolument aucune trace de mon passage dans cette nature que j’aime, et j’emporte donc tous mes déchets. Ensuite, je bivouaque toujours discrètement, loin des habitations, afin de ne déranger personne. Enfin et surtout, je n’allume mon réchaud que lorsque la végétation est mouillée, ou lorsqu’il n’y en a pas du tout à proximité. Et en prime, quand il y a déjà des déchets par terre dans la zone où je pose la tente, je les ramasse et je les emporte avec moi pour les jeter dans la première poubelle que je trouve après avoir levé le camp, histoire que les lieux soient plus propres après mon passage qu’avant.
Alors bien sûr, ces précautions ne m’autorisent pas pour autant à bivouaquer dans ce pays et j’en suis bien conscient. Mais quitte à ne pas respecter la règlementation, autant le faire proprement et sans déranger personne.
Un soir, je longe des champs fleuris qui me séparent du lac Amvrakia, au loin. Il a l’air paisible et puisqu’il m’attire comme un aimant, je décide de quitter la route pour prendre un petit chemin dans sa direction, car j’aimerais bien poser ma tente sur la berge.
En direction du lac Amvrakia
Je roule un petit moment avant de trouver un site qui a l’air accueillant pour passer la nuit, à une poignée de mètres de l’eau. Mais une fois la tente posée, je repère deux pêcheurs à quelques centaines de mètres : moi qui aime bien bivouaquer discrètement, ça tombe mal !
La rive du lac Amvrakia
Ma tente ne se voit quasiment pas de loin, toute verte au milieu de la verdure, mais j’aime autant aller les voir pour discuter un peu et voir à qui j’ai affaire. Avec mon appareil photo en bandoulière, je passe vraiment pour le parfait touriste qui n’inspire aucune méfiance.
Avec mes voisins pêcheurs
Ils ont attrapé une poignée de poissons et s’apprêtent à repartir.
Nous discutons un peu avant qu’ils ne rentrent chez eux déguster le fruit de leur pêche. Une fois partis, je me retrouve tout seul sur la berge, à savourer égoïstement la vue sur le lac.
Le lac Amvrakia
Comme souvent après de bonnes journées de pédalage, je me couche tôt, juste après le soleil. C’est le moment que choisissent les crapauds du voisinage pour commencer à hurler. Et quand ils s’y mettent en bande, ils ne font pas dans la discrétion. Quel boucan ! Peu après, les quelques oiseaux qui ont prévu eux aussi de passer la nuit au bord du lac, décident de faire concurrence à mes voisins batraciens. Le cocktail coassements – gazouillis qui en résulte n’est pas le plus mélodieux qui soit mais finalement, il n’est pas désagréable non plus. Surtout, il me rappelle que je suis en pleine nature, et cette musique vaut tellement mieux que les klaxons que j’entendrais si je dormais en ville. En quelques minutes, elle me berce et je m’endors.
Sur la rive du lac Amvrakia
L’une des bonnes surprises du périple, c’est justement le bivouac. J’ai toujours aimé ça mais je n’en fais qu’un ou deux par an, au cours de randonnées en montagnes avec ma femme et nos amis. Là, depuis deux mois et demi que j’ai quitté la France, j’ai déjà passé plusieurs dizaines de nuits sous la tente. Ce n’est pas le fait de bivouaquer en lui-même qui me séduit tant, c’est surtout celui de dormir dans des coins sauvages, souvent vierges de toute présence humaine, excepté la mienne. Je prends un plaisir fou à observer la nature sous toutes ses coutures. Admirer le coucher du soleil tous les soirs, que ce soit depuis une forêt, une crique ou une montagne. Puis me faire bercer par le bruit du vent, de la pluie ou d’une rivière dès que je ferme les yeux, le plus souvent avec quelques cris d’animaux en toile de fond. Ensuite, tous les matins sans exception, c’est le chant des oiseaux qui me réveille dès les premières lueurs, qui apparaissent une vingtaine de minutes avant que le soleil ne pointe le bout de son nez derrière l’horizon. Et enfin, quand je sors de la tente pour prendre mon café, je me trouve au milieu d’un champ tout givré, ou bien sur la rive d’un lac, ou encore face à un paysage doré par la lumière de l’aube.
Ce matin, c’est sous les arbres et face au lac Amvrakia que je me réveille. Une fois le petit déjeuner englouti et mes affaires préparées, j’ai un peu de mal à m’arracher à ce spot si nature. Mais il faut bien poursuivre ma descente vers le sud. Par chance, l’itinéraire que me propose mon GPS vélo me fait emprunter des petits chemins isolés très agréables.
Les champs d’orangers et de citronniers sont de plus en plus nombreux sur le bord de la route, il y en a désormais sur des kilomètres sans interruption. Il n’y a toujours pas un seul touriste et je croise très peu d’habitants. Même si les rencontres, que j’affectionne tant, commencent à me manquer dans ce pays, je dois avouer que je me sens bien, tout seul sur ces chemins déserts.
Champ de fleurs et d’oliviers
La Grèce du nord est décidément une région très peu touristique. Du coup, je finis par arriver à la mer sans avoir jamais croisé personne, ou presque.
Une fois sur le littoral, le soleil tape mais pour compenser, Éole souffle assez fort, ce qui a le double effet de me rafraîchir et d’agiter la mer. Elle est hachée et dans les villages fantômes que je traverse, les vagues se fracassent contre les digues, projetant parfois de grandes gerbes d’eau sur la route, et des embruns sur ma figure.
Je réalise la chance folle que j’ai de vivre des moments si grisants sur mon vélo, face à ces panoramas naturels bruts. Depuis l’Albanie, dont j’ai trouvé les paysages si sauvages, si purs, je passe la plupart de mon temps en pleine nature, que ce soit de jour en pédalant ou de nuit sous ma tente. Lacs et rivières, forêts et fleurs, voilà l’environnement dans lequel je vis quotidiennement depuis quelques semaines maintenant, et je me rends compte que j’aurais bien du mal à m’en passer. J’ai perdu mes repères de citadin depuis longtemps et j’ai un peu l’impression de m’ensauvager.
Au fond, des montagnes aux cimes enneigées surplombent la mer
Je vis au quotidien avec peu de choses et bizarrement, ce dénuement ne me crée aucun manque, un peu comme l’un des illustres représentants de la Grèce antique, Diogène de Sinope, qui décéda d’ailleurs à Corinthe, ma prochaine étape.
La différence, c’est que lui s’était volontairement plongé dans la pauvreté, dans le but de s’affranchir de toute forme de servitude, notamment matérielle. Alors que moi, c’est juste parce que je ne pouvais pas emporter ma maison sur mon vélo ! C’est moins glorieux bien sûr et pourtant, le résultat est étonnamment le même : je me retrouve heureux de la simplicité dans laquelle je vis au quotidien, elle me fait du bien et bizarrement, j’aime cet inconfort. Est-ce cela la vraie liberté, comme l’affirmait Diogène ? Je n’en sais rien mais c’est vrai que cette sobriété de chaque instant, à laquelle je ne suis pas habitué, combinée au fait que je roule depuis quelques milliers de kilomètres sans la moindre contrainte, me convainc que oui : avec mon vélo et ma tente, je me sens libre comme jamais…
A ce stade du périple, je ressens un sentiment de plénitude assez fort. Et dire que je ne suis plus qu’à deux cents kilomètres d’Athènes, ma destination finale. C’est-à-dire à peine deux jours de pédalage si j’accélère un peu, et trois si je prends tout mon temps. Je ne peux pas croire que ce soit déjà l’heure de faire demi-tour : comment un voyage aussi exaltant peut-il déjà approcher de la fin ? J’ai du mal à accepter cette réalité : il y a encore tellement de choses à voir, tellement de moments à vivre par ici. J’en arrive alors à une conclusion qui me semble subitement évidente : il n’est pas question de faire demi-tour maintenant, je vais continuer encore un peu. Pourquoi pas jusqu’en Turquie, puisqu’elle est située juste derrière ? L’idée me rend fou de joie : il y a encore de beaux moments qui m’attendent…
Corinthe
Mais pour l’instant, je dois rejoindre Athènes et pour cela, je vais transiter par Corinthe, dont je veux voir le fameux canal.
Quelques kilomètres avant d’y arriver, je suis coursé par trois chiens alors que je roulais tranquillement sur un petit chemin caillouteux. Il sert à accéder aux quelques fermes qui sont disposées de part et d’autre de ce sentier.
Les trois bêtes sont agressives et elles aboient en boucle. Elles sont de gabarit moyen puisqu’elles culminent entre la taille d’un petit roquet et celle d’un berger allemand.
Je me suis déjà fait courser par des chiens au moins une vingtaine de fois depuis mon départ. C’est inhérent, hélas, au voyage à vélo même si le plus souvent, ces poursuites ne durent pas bien longtemps.
D’un pays à l’autre, ces bestioles sont toutes les mêmes : les mollets qui pédalent les rendant folles, elles éprouvent systématiquement le besoin irrépressible de pourchasser le moindre cycliste qui passe à proximité de leurs mâchoires. Je sais par expérience qu’il est alors inutile d’accélérer pour essayer de les distancer car ces chiens courent bien plus vite que je ne roule, sauf quand je suis en descente, ce qui m’a d’ailleurs déjà sauvé la mise deux ou trois fois.
Mais aujourd’hui, la particularité de ces trois molosses, c’est qu’ils sont plutôt organisés : l’un court à ma gauche, l’autre à ma droite et le troisième juste derrière moi. Et si je ne suis pas aussi terrorisé que le cerf poursuivi par la meute, je dois bien dire que ce harcèlement en règle est assez efficace car je n’en mène pas large.
En général, les chiens qui me pourchassent abandonnent au bout de quelques centaines de mètres puis rentrent chez eux. Pas ces trois là. Au bout d’un kilomètre, celui de droite m’attaque carrément : il me mord tout en galopant mais coup de chance pour moi et manque de pot pour lui, c’est dans la semelle de ma chaussure de randonnée que se plantent ses ratiches aiguisées. La morsure s’avère totalement indolore pour moi mais aussi pour la bête, puisque ses dents n’ont visiblement pas été abîmées par ma semelle pourtant rigide. Désormais surexcité, le canidé continue à me poursuivre en jappant de plus belle. Tout en roulant, je riposte par un grand coup de pied de défense si maladroit qu’il me déséquilibre et manque de me faire tomber. J’effleure à peine son museau.
Hasard ou improbable coordination canine, c’est le moment que choisit son pote de gauche pour me mordre à son tour. Heureusement, il me rate, son museau tapant juste ma chaussure. Je lui donne aussitôt un coup de pied à lui aussi : pas de jaloux. On ne dirait pas comme ça mais ce n’est vraiment pas facile de taper un chien le plus fort possible, quand on pédale vite. En tout cas, mon coup de latte en plein museau ne lui fait ni chaud ni froid, et lui aussi continue la poursuite en me hurlant dessus.
Quelques centaines de mètres plus loin, l’improbable absolu se produit : alors que je me trouve depuis le début sur un chemin de campagne, j’atterris… dans une impasse ! Mais comment une telle malchance est-elle possible ? Le chemin vient en effet mourir dans la cour d’une ferme, grillagée de toutes parts : je n’ai aucune issue.
Je n’arrive pas à y croire mais je n’ai pas le temps d’y penser car je vais être obligé de m’arrêter. En d’autres termes, dans une seconde, je vais poser le pied à terre et les cabots vont se jeter sur mes mollets douillets pour les déchiqueter. Alors que mon adrénaline se propulse à une altitude inconsidérée, je freine de toutes mes forces, ce qui fait déraper mon vélo lourd dans un grand bruit, les cailloux giclant dans tous les sens. Je pose brutalement le pied droit à terre et en attendant l’impact imminent des chicots de mes poursuivants sur mon mollet, mes cordes vocales expulsent de toutes leurs forces mon cri du cœur : « PUTAINS DE CLÉBARDS ! »
Là, l’improbable absolu se produit pour la deuxième fois en quelques secondes : sans doute surpris par tout ce raffut, les trois sauvages rebroussent chemin et rentrent chez eux en trottinant comme si de rien n’était, sans le moindre aboiement ! Je n’arrive pas à y croire, ni à comprendre comment ils peuvent abandonner si facilement après avoir été si agressifs. Mais peu importe, l’essentiel est là : mes mollets sont intacts.
Le danger permanent que représentent les chiens est connu de tous les voyageurs à vélo. Avant le début de mon périple, je savais bien que ce type de mésaventure surviendrait un jour où l’autre. C’est pourquoi, sur les conseils avisés de ma petite femme, je m’étais carrément fait vacciner contre la rage : ne vaut-il pas mieux prévenir que guérir ? Aujourd’hui, je suis entier mais je l’ai échappé belle.
Je remonte sur mon vélo, je fais demi-tour pour sortir de l’impasse et je roule derrière mes agresseurs, mais à distance très respectable. Puis je m’engouffre dans le premier chemin à droite qui me tend les bras. Un peu plus loin, je rejoins une route et là, enfin en sécurité, une petite défaillance physique m’oblige à m’arrêter : après être montée brutalement pendant la poursuite, l’adrénaline est maintenant en chute libre. Je prends ce prétexte pour dévorer une poignée de biscuits au chocolat qui, à défaut de me requinquer physiologiquement, me font un bien fou au moral. Essoré, je reprends la route pour Corinthe, qui n’est plus très loin.
Le canal de Corinthe
Cette ville est connue notamment pour son fameux canal. Il fut creusé à la fin du XIXe siècle afin de relier la mer Ionienne à la mer Égée. Long de six kilomètres, il permet aux navires d’éviter un détour de quatre cents kilomètres tout autour du Péloponnèse. Plus tout jeune donc mais sacrément utile, ce vieil ouvrage.
Observer les plus gros navires qui y naviguent est paraît-il spectaculaire car leur coque frôle les parois. Mais ces gros bâtiments sont rares et il faut être chanceux pour être là au bon moment, la plupart des navires qui passent ici étant de petits bateaux de plaisance. Je tente quand même ma chance, n’étant venu à Corinthe que pour ça, et je rejoins donc l’un des ponts qui franchissent le canal.
Trois heures plus tard, toujours rien : pas le moindre rafiot à l’horizon. La nuit commence à tomber quand enfin, j’entends ronronner un moteur de bateau. Ce n’est pas le monstre des mers que j’espérais, mais c’est mieux que rien.
Un petit bateau franchit le canal
Onze mille navires empruntent ce canal chaque année, soit une trentaine par jour, ce qui fait un bateau tous les trois quarts d’heure : avec une misérable coquille de noix en plus de trois heures d’attente, je n’ai donc pas été verni ! Mais ce n’est pas bien grave, je voulais quand même voir ce site atypique qui est plutôt impressionnant avec ses falaises creusées à la verticale, et qui montre bien à quel point l’humain est capable de faire de grandes choses, quand il veut…
Le canal de Corinthe en quelques chiffres :
- 6 km de long
- 25 m de large
- 52 m de hauteur maximale
- 8 m de profondeur
Le soleil se couche sur le canal
Athènes : objectif final atteint
Il ne me reste plus que soixante-dix kilomètres à rouler jusqu’à la destination finale de mon périple : Athènes. Porté par un moral en béton pour avoir réussi à faire ce voyage à la force des mollets, j’y arrive en quelques coups de pédales.
Bilan : Nice - Athènes à vélo
- 3.000 km parcourus
- 29.000 m de dénivelé positif
- 50 jours
- 8 kg perdus !
Là, une semaine de pause m’attend avec ma petite femme, venue spécialement de France. Après l’effort, le réconfort…
Athènes
Le temple de Poséidon, Cap Sounion
Depuis le temple de Poséidon
Après deux mois en tête-à-tête avec un vélo, une semaine de retrouvailles, ça vous requinque un cyclo-voyageur !
Savourer le plaisir de se retrouver, visiter ensemble ce coin de Grèce, mais aussi me reposer un peu après tous ces kilomètres et surtout toutes ces montagnes à vélo : c’est la belle vie pendant une semaine.
Mais comme toujours, les vacances ont une fin. Ma femme rentre donc en France pendant que je reprends le cours de mon périple, mais en le prolongeant jusqu’à mon nouvel objectif : la Turquie. Et pour y aller, j’ai décidé de transiter par une toute petite île grecque méconnue et, paraît-il, somptueuse : Nisyros.
Nisyros, l’une des plus belles îles de Grèce
Située à une bonne vingtaine d’heures de bateau d’Athènes, son éloignement des côtes grecques dissuade la plupart des touristes de s’y rendre. Ils ne savent pas ce qu’ils perdent car c’est ce qui en fait une île hors des sentiers battus. Et moi, c’est cet isolement qui m’attire comme un aimant.
Villages, plages et montagnes
Le ferry que j’ai pris à Athènes accoste dans le petit port de Mandraki : c’est le principal village de Nisyros.
Une ruelle de Mandraki
Il est calme et la plupart de ses ruelles sont trop étroites pour permettre aux voitures d’y accéder. Ce qui laisse une voie royale aux vélos comme le mien…
Une ruelle de Mandraki
Après avoir flâné là un bon moment, je me dirige vers le haut de la colline qui surplombe le village. C’est là que se trouvent les ruines de la ville ancienne de Nisyros, à l’époque où elle était fortifiée. Le site offre une vue d’ensemble sur le village actuel en contrebas, sur la mer et sur les îles voisines.
Mandraki : le village actuel, en bas, vu depuis le village ancien, en haut
Mais la principale raison de ma venue sur Nisyros, c’est son volcan. Il est situé à l’intérieur de l’île et pour le rejoindre, il faut grimper des côtes très pentues. Sur ma route, je passe d’abord par un autre village, Pali. Il est situé sur la côte.
L’église de Pali
Il s’agit d’un petit village de pêcheurs où le temps s’écoule paisiblement.
En pédalant sur le quai, je passe juste à côté d’un type assis sur une chaise en plein soleil. Impassible malgré son front ruisselant, il démêle son filet de pêche avec une minutie qui force le respect. Je lui lance le kalimera de rigueur (bonjour) auquel il a la même réaction qu’un sourd-muet : aucune.
Heureusement, son employé me répond gentiment, depuis leur chalutier amarré juste à côté. Debout sur le pont, il démêle lui aussi des filets emmêlés et il m’invite à le rejoindre à bord pour discuter. C’est Mohamed. La communication n’est pas très facile car il ne parle que grec et moi pas, mais il est jovial et sa joie est communicative. Il exhibe fièrement leur pêche du jour : deux belles raies et quelques poissons aux couleurs vives.
Mohamed
Quand vient le moment de reprendre ma route pour le volcan, je dis au revoir à Mohamed, qui me répond tout sourire. Mais cette fois, son patron, qui dégouline toujours autant sur sa chaise en plein cagnard, me salue lui aussi : il n’est ni sourd, ni muet.
Avant de bifurquer vers l’intérieur de l’île et son fameux volcan, je fais un petit détour en longeant la côte car je veux voir les plages. Avec leur sable noir, elle ne peuvent nier leur origine volcanique.
Les plages à la sortie de Pali
Peter, un néerlandais rencontré sur le ferry et qui vit sur l’île voisine de Tilos, m’avait expliqué pendant la traversée depuis Athènes que sur les plages de Nisyros débarquaient régulièrement des migrants. La plupart d’entre eux viennent de Syrie et d’Afghanistan par familles entières, fuyant le chaos et les persécutions qui règnent dans leur pays. Ils sont à la recherche d’une vie meilleure sachant que de toute façon, elle ne pourra pas être pire ailleurs.
Peter m’avait raconté qu’on retrouvait régulièrement des effets personnels de ces migrants sur les plages : soit parce qu’ils les abandonnent sur le sable et les galets en arrivant, soit parce que leurs affaires se sont échouées là, portées par la mer après un naufrage…
Derrière chacun de ces objets divers gisant sur la plage se cache un vécu personnel souvent dramatique. Cela me touche d’autant plus que mon propre grand-père fut lui-même un migrant. Ukrainien, il dut fuir son pays, qui appartenait alors à la Russie, après la révolution bolchevique de 1917.
Alors bien sûr, pour venir jusqu’en France, il n’eut quant à lui aucune mer à traverser. Il ne risquait donc pas le naufrage, contrairement à tous ceux qui essaient de débarquer ici, parfois sans succès d’ailleurs, certains terminant leur voyage vers la liberté au fond de la mer Égée.
Mais traverser tout un continent à pied comme le fit mon grand-père, tout seul à l’âge de dix-sept ans, son petit baluchon sur le dos, à travers des forêts peuplées d’animaux sauvages et glacées par l’hiver slave, n’avait pas dû être une partie de plaisir non plus.
Ces tranches de vies dramatiques sont assez similaires finalement, qu’elles nous viennent de la Syrie de Bachar al-Assad, de l’Afghanistan des talibans ou de l’Ukraine des bolcheviks.
La différence, c’est que les temps ont bien changé. Car si mon grand-père eut la chance d’être accueilli à bras ouverts au pays de Voltaire, où il s’intégra ensuite parfaitement, rejoindre des contrées européennes libres est devenu beaucoup plus difficile aujourd’hui pour les migrants car ils y sont, c’est un euphémisme, rarement les bienvenus. L’Histoire est sans pitié.
Je remonte sur mon vélo en tournant désormais le dos à la mer mais avant de rejoindre le volcan, il y a un dernier site que je voudrais découvrir : le village de Nikia.
Sur les hauteurs de l’île
Pour m’y rendre, je dois faire un petit détour en montant les côtes très raides de l’intérieur de l’île, avec des pentes affichant des pourcentages entre 10 et 15%. Ce ne sont pas mes pires ascensions depuis le début du périple puisque j’ai atteint trois fois la barre folle des 20% mais il faut savoir qu’à partir de 10% de pente, le pédalage en côte devient vraiment difficile avec un vélo de cinquante-quatre kilos.
Mon vélo admire la vue
Avec ce soleil qui tabasse, mon front ruisselle désormais autant que celui du patron pêcheur qui démêlait ses filets, tout-à-l’heure sur le quai. Sauf que là, ça me fait beaucoup moins sourire ! Heureusement, les vues plongeantes sur la mer constituent ma récompense.
La vue depuis les montagnes
Je croise de temps en temps des vaches au milieu de la route, mais aussi des chèvres dans les arbres ! Elles y grimpent avec une agilité de singes pour déguster les feuilles. Impossible de les photographier car elles s’enfuient dès qu’elles m’entendent approcher.
Sur ma route, je passe devant un autre village perché : Emporios. Il a été déserté au fil des années pour ne plus compter aujourd’hui qu’une trentaine d’habitants.
Emporios
Peu avant l’entrée du village, au bord de la route, se trouve une petite grotte qui fait office de sauna naturel pour les visiteurs, grâce à l’activité volcanique du sous-sol de Nisyros. En effet, si tout semble normal sur cette île, il se trouve qu’en réalité, rien ne l’est ! Son existence même n’est que le fruit d’une succession d’éruptions volcaniques au fil des millénaires. Actuellement, son sous-sol est encore et toujours bouillant.
Quand j’arrive à Nikia, en haut des montagnes qui dominent la mer, je suis assoiffé et je n’ai qu’une seule envie : m’asseoir à l’ombre de la terrasse d’un café et dévaliser son frigo.
Nikia
Mais avant ça, je dois passer par les petites ruelles du village et là, je dois bien l’avouer : c’est le coup de foudre !
Une ruelle de Nikia
Les petites ruelles paisibles et colorées sont pleines de charme. Il n’y a aucune voiture dans le village, et pour cause : elles sont bien trop larges pour pouvoir s’aventurer dans des ruelles si étroites où seul un vélo peut passer, et encore.
Du coup, moi qui rêvais de m’abreuver comme une bête il y a quelques minutes à peine, je ne peux plus m’empêcher de m’arrêter tous les dix mètres maintenant, pour photographier et filmer l’intérieur du village, repoussant à plus tard ce moment pourtant tant attendu de me rafraîchir…
Dans cette petite bourgade, le clou du spectacle, c’est sa place centrale. Elle est pavée d’une mosaïque qui a la réputation, dans toute la Grèce, d’être l’une des plus belles du pays. Impossible de la photographier en entier car elle est en partie occupée par des tables de restaurants, je ne l’immortalise donc qu’à moitié.
Nikia et sa fameuse mosaïque de cailloux au sol
C’est d’ailleurs à l’une de ces tables que je m’auto-récompense enfin des efforts fournis dans les montagnes, en remplissant mon gosier de boissons fraîches et de salade grecque.
L’avantage quand on a pédalé jusqu’en haut d’une montagne, c’est que la seule chose qui reste à faire ensuite, c’est de redescendre. Après mon repas, l’itinéraire jusqu’au volcan s’avère donc une formalité.
Le volcan
Quand j’y arrive en fin d’après-midi, il est déjà assez tard : le guichet d’entrée est fermé et le passage est libre. Sur le parking, il n’y a plus qu’une seule voiture. C’est celle du gérant du petit snack situé juste après le guichet. Il m’indique que l’entrée est gratuite pour tous ceux qui arrivent ici à pied… ou à vélo ! Mon deux-roues n’ayant pas pollué, je peux entrer gratuitement.
Le cratère Stefanos
Ce volcan est le plus jeune de la mer Égée. Même si sa dernière éruption date de 1888, il n’est pas considéré comme éteint. D’ailleurs, en 1995, la chambre magmatique située juste en dessous a grossi au point de provoquer une crise sismique dans toute la zone.
Au début du petit chemin qui mène tout au fond du cratère, un panneau rappelle que le site est potentiellement dangereux.
Pendant la descente, je savoure le privilège que j’ai de me retrouver entièrement seul sur ce site naturel d’exception.
Le cratère Stephanos, vide de touristes…
Dans ce cratère, la première chose qui attire mon regard, ce sont les couleurs. Les parois sont jaunies par les dépôts de soufre.
Juste avant d’arriver dans le cratère principal, je passe devant Andreas, un cratère beaucoup plus petit.
Andreas, également appelé Mikros Stefanos
Un peu plus loin arrive le moment que j’attends, celui où je peux enfin fouler le sol bouillonnant du cratère principal de Nisyros.
Au fond du cratère
Reliés par de fines cordes, des piquets délimitent les zones auxquelles il est interdit d’accéder, pour des raisons de sécurité évidentes. Car par ici, la terre chauffe, voire surchauffe. Et disons-le carrément : elle bouillonne, elle fume et elle brûle ! Dans ces zones interdites d’accès, l’eau bout en effet en permanence au fond de sortes de petites marmites naturelles.
Une petite marmite naturelle d’eau bouillonnante
Un peu partout, de petites colonnes de fumée s’élèvent dans le ciel, me rappelant elles aussi que je suis bien sur un site naturel d’exception.
Les fumerolles au fond du cratère
Pour les photos, j’ai de la chance : c’est la fin d’après-midi et le soleil, en déclinant, enrobe le volcan de sa lumière chaude et photogénique.
Les parois soufrées du cratère
Je passe un bon moment à arpenter le fond du cratère dans tous les sens mais le soleil, qui poursuit sa descente, va bientôt se cacher derrière les parois de la caldeira et plonger le volcan dans la pénombre. Je décide donc de quitter ce lieu magique, sans doute le plus incroyable depuis le début de mon périple, car maintenant il va bien falloir penser à dormir.
Au fond de la caldeira
Et pour ça, mon idée, c’est de trouver un spot de bivouac discret le plus près possible du site. J’en dégote un assez rapidement et je pose ma tente face au volcan : ce soir, je mangerai en admirant les cratères.
Dormir à quelques dizaines de mètres du cratère
De loin, je guette le départ du patron du snack, qui n’a pas l’air pressé de s’en aller. Lorsqu’il passe enfin en voiture à une trentaine de mètres de moi, sans me voir puisque ma tente est cachée par un monticule de pierres ocres, je me retrouve alors absolument seul sur ce site d’exception. En effet, la caldeira de quatre kilomètres de diamètre est inhabitée, elle ne contient pas la moindre maison. A part la mienne, faite de toile.
Le soleil finit tranquillement de se coucher. La nuit noire, en tombant, fait disparaître ce paysage volcanique jusqu’à demain. Au loin, j’entends l’aboiement d’un chien qui semble provenir du sommet de la caldeira, à un ou deux kilomètres de moi. Le silence qui règne ici est tel que ces aboiements lointains me paraissent tout proches. Puis j’entends de petits bruits de pierres à proximité de la tente. Il y a peu de chances que ce soit un humain, ce doit plutôt être un animal quelconque qui passe par là, comme une vache ou une chèvre.
C’est l’heure de dormir. En fermant les yeux, les images du volcan continuent à défiler en boucle derrière mes paupières. Ce soir, ici, ma sensation de plénitude est totale.
La journée du lendemain commence comme celle de la veille s’est terminée : par la vue sur les cratères et les parois de la caldeira.
Lever de soleil face au volcan
Je dévore rapidement mon petit déjeuner banane – yaourt – granola en réfléchissant tranquillement : je me suis tellement régalé hier au fond de la caldeira que je décide de modifier mes plans. Au lieu de retourner comme prévu à Mandraki, le principal village de l’île où je prendrai bientôt un ferry pour la Turquie, je vais passer la journée à profiter de ce volcan et je dormirai encore au fond de la caldeira ce soir : à l’époque où le tourisme de masse est roi, c’est tellement bon pour une fois de se sentir si seul dans un endroit si exceptionnel, qu’il faut savoir en profiter à fond. Je quitterai donc ce site qui m’émerveille non pas aujourd’hui mais demain.
Une fois le camp levé, je reprends mon vélo en direction du volcan.
Pour commencer la journée, je vais jeter un œil aux autres cratères. Car si le cratère principal de l’île, appelé Stefanos, est le seul que visitent la plupart des touristes qui s’aventurent jusqu’ici, ce volcan atypique comporte six cratères en tout. Je roule donc jusqu’à un petit chemin qui permet d’accéder à ceux que je n’ai pas vus.
Le petit chemin qui mène à Polyvotis
Tout au bout du sentier, je me retrouve subitement face à une profusion de couleurs : les parois ocres de la caldeira surplombent celles toutes jaunes d’un grand cratère. Quelques tâches verdâtres de végétation sous un ciel profondément bleu complètent le paysage.
Le cratère Megalos Polyvotis
C’est le cratère Megalos Polyvotis. Il n’est pas possible de descendre au fond. Le lieu dégage une impression de gigantisme face auquel je me sens minuscule.
Descente à pied vers Megalos Polyvotis
Son petit voisin, Mikros Polyvotis, est moins impressionnant mais dans celui-là, je peux descendre au fond et me balader au milieu de quelques fumerolles.
Le cratère Mikros Polyvotis
Après les deux cratères Stefanos hier, le grand et le petit, et les deux cratères Polyvotis ce matin, il ne me reste plus que les deux derniers cratères du volcan à découvrir : Alexandre et Logothetis. Mais ils ne sont indiqués nulle part. Je me dirige donc vers ce qui me semble être les parois d’un cratère.
Direction les deux derniers cratères
Pour cela, je dois sortir du chemin et je me retrouve alors à marcher dans des amas de pierres rougeâtres, beaucoup moins praticables.
Mon point de repère, ce sont des zones de souffre, visibles de loin car très jaunes. C’est donc vers elles que je me dirige. Là, de près, je distingue nettement mieux la présence de multiples petites bouches de souffre fumantes.
Depuis cet endroit, je domine la plaine de Lakki, le fond plat de la caldeira, avec une vue à 180°.
Sitôt passée la zone de souffre, je me retrouve sur la paroi du cratère, nue. Mais au bout d’une dizaine de mètres à peine, il me semble subitement entendre mes pas résonner. Je frappe le sol du pied pour vérifier et aussitôt, petite frayeur : non seulement ça résonne bel et bien mais en plus, ça tremblote. Ce qui signifie que sous mes pieds, le sol est creux et pas forcément très solide, donc potentiellement écroulable !
Au vu de toutes les fumerolles présentes dans la zone, je sais pertinemment que sous mes pieds, le sous-sol atteint des températures bouillantes. Ne m’appelant pas Mike Horn, je fais immédiatement demi-tour. Je ne pourrai donc pas observer de plus près les deux derniers cratères mais tant pis, ce n’est pas bien grave car j’en ai déjà pris plein les yeux avec les quatre autres. Je redescends tranquillement au milieu des éboulis de pierres colorées.
Depuis hier, je suis fasciné par ce site qui est une démonstration de ce que peuvent faire les forces de la nature lorsqu’elles se déchaînent. Je passe donc le reste de la journée à errer à vélo au fond de cette caldeira où je me plais tant. Le soir venu, je pose ma tente à l’opposé du volcan, dans un petit champ ou paissent quelques vaches.
Dernier bivouac dans la caldeira
Elles ont beau être pacifiques, cela ne les empêche pas de transpercer la nuit par quelques beuglements. Au réveil, je reprends ma route, qui commence par la montée des parois de la caldeira.
Vue sur le fond de la caldeira avec le volcan en arrière-plan
Tout en pédalant, je surveille les chèvres qui se baladent telles des équilibristes sur les parois abruptes de la caldeira au-dessus de moi, car elles projettent régulièrement des cailloux sur ma route.
D’une manière plus générale, les chutes de pierres sont fréquentes par ici et si les plus petites parviennent souvent à débouler sur le bitume, les plus grosses, heureusement, sont bloquées par des protections.
Chutes de pierres
Pour redescendre vers Mandraki, le principal village de Nisyros, je traverse à nouveau les paysages typiques de l’île, qui plongent inlassablement dans la Grande Bleue.
Retour à Mandraki
Mon dernier objectif sur cette île qui ne cesse de m’enchanter depuis que j’ai posé les pieds dessus, c’est de photographier Mandraki au crépuscule, car ce petit village m’avait paru photogénique le jour de mon arrivée.
Je me rends donc au petit monastère Panagia Spiliani qui domine le village, sur lequel il offre une vue plongeante. Les personnes que j’ai rencontrées en montant ici m’ont indiqué qu’à cette heure-ci, le monastère était fermé. Mais quand j’y arrive, il est ouvert. J’entre donc.
Le monastère Panagia Spiliani
En sortant, j’aperçois à quelques mètres en contrebas le pope, en train de fumer discrètement une clope. Il ne m’a pas vu, trop occupé à guetter en dessous de lui si quelqu’un arrive. Quand je le salue d’un kalimera amical (bonjour), il sursaute et cache immédiatement sa cigarette dans son dos, comme un gamin.
Je ne comprends absolument pas pourquoi mais peu importe, nous discutons un moment. Il se débarrasse dès que possible de son petit concentré de nicotine et de goudron en le jetant discrètement par dessus le mur de clôture, construit à flanc de falaise et qui domine la mer. Je fais comme si je n’avais rien vu et je fais comme toujours le petit selfie-souvenir.
Je profite du soleil rougeoyant puis de la nuit qui tombe pour faire les images pour lesquelles je suis venu.
Le monastère Panagia Spiliani domine le village de Mandraki
C’était mon dernier jour sur Nisyros. Avec sa douceur de vivre, sa faible fréquentation touristique, ses vues à couper le souffle et son volcan coloré, cette petite île au côté enchanteur m’aura marqué.
J’en ai fini maintenant avec la Grèce. Demain, je prendrai un bateau pour la Turquie, où rien ne se passera comme prévu. Hélas…
Infos pratiques
Le volcan de Nisyros
Le volcan reçoit la visite de 200 à 1.000 visiteurs environ chaque jour ! Heureusement, il est suffisamment vaste pour qu’on ne s’y bouscule pas et de toute façon, les visiteurs se concentrent sur le créneau 10h00-15h00 environ. En effet, la plupart d’entre eux viennent à la journée seulement, en provenance des îles voisines de Kos et Rhodes.
Le bon plan
Idéalement, il faut donc se rendre au cratère Stefanos en fin de journée :
Lorsque les bus de touristes sont partis, afin de bénéficier de la plus faible fréquentation possible ;
Et 1h00 – 1h30 avant le coucher du soleil, quand la lumière est la plus belle.
Si vous souhaitez également jeter un œil sur les cratères voisins, alors prévoyez d’arriver encore une heure plus tôt, voire deux si vous voulez prendre tout votre temps pour visiter.
Si vous êtes des lève-tôt, vous pouvez également arriver en début de matinée, avant l’arrivée des bus de touristes. Toutefois, la lumière est un peu moins belle le matin que le soir car les parois de la caldeira masquent plus le soleil quand il se lève que quand il se couche (elles sont plus hautes d’un côté que de l’autre).
Le prix : 5 euros ou gratuit !
L’entrée coûte désormais 5 euros par personne (et non plus 3 euros, comme on peut encore le lire un peu partout sur Internet).
Toutefois, elle est gratuite pour tous ceux qui s’y rendent… à vélo ou à pied !
Que faut-il apporter avec soi ?
Une paire de bonnes chaussures : on peut s’en passer mais le sol est boueux et brûlant dans toute la partie humide du cratère, donc de bonnes chaussures sont préférables. Si vous vous posez la question d’y aller en tongs, c’est possible mais déconseillé.
L’été : prévoir une bouteille d’eau ainsi que casquette et crème solaire, car le soleil peut taper très fort.
Commodités
Il y a un parking pour garer la voiture
Il y a également un snack avec terrasse ombragée et toilettes gratuites (accessibles à tout le monde, y compris aux non-clients du snack).
L’excursion à la journée depuis l’île voisine de Kos
En plus de mes deux nuits en bivouac tout seul dans la caldeira, j’ai dormi au Romantzo Hotel, réservé via Booking. Si vous cherchez un hôtel dans le centre de Mandraki, alors le Romantzo ne vous conviendra peut-être pas car il est légèrement excentré (il suffit néanmoins de 5 à 10 minutes de marche à peine pour s’y rendre). Par contre, si vous cherchez le calme, alors il est parfait.
La vue depuis le Romantzo Hotel
La terrasse des chambres
Les prix sont corrects (37 euros hors saison, début mai, lors de ma venue, petit déj’ inclus), la vue sur la mer est agréable, l’accueil est sympa et le petit déjeuner varié.
Trans-Dinarica : l’itinéraire de rêve pour les cyclistes
Je dois commencer par préciser que la Trans-Dinarica… ne passe pas par la Grèce ! Elle passe par les pays des Balkans situés juste au-dessus de la Grèce mais si je l’évoque quand même dans cet article, c’est parce que les cyclo-touristes se rendant en Grèce passent le plus souvent par les Balkans. Alors, si les infos suivantes peuvent les aider à trouver un bel itinéraire…
La Trans-Dinarica est un itinéraire cycliste qui relie les pays des Balkans occidentaux en traversant une superbe chaîne de montagnes, les Alpes Dinariques. Ce parcours a été conçu pour permettre aux cyclo-voyageurs qui s’aventurent par là de découvrir tout le patrimoine local : naturel, culturel, gastronomique…
La Trans-Dinarica en Croatie
Il passe par des villages, des forêts, des montagnes, ou encore par la mer. Il alterne entre routes bitumées très peu fréquentées et chemins de terre en pleine nature. Il traverse des parcs nationaux et des sites classés au patrimoine de l’humanité par l’Unesco.
Bivouac sur le parcours de la Trans-Dinarica
Tout au long du parcours, on découvre le sens de l’hospitalité des habitants des Balkans ainsi que les paysages à couper le souffle de cette superbe région méconnue, en plein cœur de l’Europe. Bref, quand on roule sur la Trans-Dinarica, on en prend plein les yeux et on se sent une âme d’aventurier !
Sur la Trans-Dinarica mais sous la pluie (Bosnie-Herzégovine)
La distance totale de la Trans-Dinarica approche les 6.000 kilomètres, et son dénivelé positif les… 100.000 mètres !
Les pays traversés sont la Slovénie, la Croatie, la Bosnie-Herzégovine, le Monténégro, l’Albanie, la Macédoine du Nord, le Kosovo et la Serbie.
La Trans-Dinarica passe par la rivière Drin (Albanie)
Pour se procurer le parcours précis ainsi que sa trace GPS, ce que j’ai fait, il suffit de se connecter au site officiel : Trans-Dinarica.
Bien sûr, ce n’est pas gratuit mais ce n’est pas très cher non plus et surtout, cela vaut tellement le coup : si, comme moi, vous êtes un.e cycliste amoureux.se de la nature, alors le rapport qualité-prix de ces packs est exceptionnel.
On peut se procurer le pack pour les huit pays à un tarif avantageux (à partir de 90 euros), ou bien choisir un pack par pays (de 8 à 23 euros selon le pays). Le lien : se procurer le pack de navigation de la Trans-Dinarica.
L’itinéraire de la Trans-Dinarica (Croatie)
Remarque : aucun lien de ce blog n’est sponsorisé, je ne perçois donc aucune commission, que vous cliquiez ou non !
Sur le parcours de la Trans-Dinarica (Croatie)
En préparant votre périple à vélo, si vous vous interrogez sur la Trans Dinarica, n’hésitez pas à me poser vos questions dans la rubrique « commentaires » (votre @dresse mail ne sera pas publiée, contrairement à votre question qui le sera avec un léger décalage, généralement de quelques heures) : c’est avec plaisir que j’essaierai d’y répondre 🙂
L’Albanie est la sixième étape d’un voyage à vélo effectué en 2025 à travers les Balkans, depuis la France et à destination de la Grèce.
Ce petit pays est surtout réputé pour ses paysages à couper le souffle, que ce soit le long du littoral ou au cœur des montagnes. Mais il compte un autre joyau : la générosité sans faille de ses habitants, qui savent accueillir les voyageurs avec un sens aigu de l’hospitalité.
Récit détaillé de ce voyage en immersion dans l’Albanie profonde…
Chaque fois que j’arrive dans un nouveau pays, la première chose que je fais consiste à apprendre à dire bonjour, merci et au revoir dans la langue locale. Je me suis rendu compte avec le temps que le s’il-te-plaît était souvent superflu car dans de nombreux pays, on ne l’utilise pas, ou que peu. Pour moi, ça fait un mot de moins à apprendre et c’est toujours ça de gagné.
En Albanie, non seulement il me faut apprendre ce nouveau vocabulaire mais en plus, il s’agit de mots à coucher dehors, difficiles à retenir : mirmengjesi, faleminderit et mirupovshim (respectivement bonjour, merci et au revoir selon Google Trad).
Ma première mosquée albanaise
Le premier albanais que je croise est à vélo. En le doublant, je le gratifie donc du mirmengjesi qui convient mais au lieu de me répondre, il me regarde avec des yeux ronds. Même chose avec mon second albanais, qui d’ailleurs est une albanaise. Je commence à douter vaguement de ce bonjour-mirmengjesi mais je ne m’attarde pas trop dessus car l’urgence du moment consiste à trouver un spot de bivouac. Je roule sur une ligne droite de plusieurs kilomètres et la route est bordée par des barrières des deux côtés. Derrière elles, le terrain ne se prête pas au bivouac et de toute façon, il y a régulièrement des maisons et des fermes dispersées un peu partout autour de la route. Impossible pour moi de poser discrètement la tente ici, à la vue de tous.
Pendant ce temps, le ciel se couvre de plus en plus, accélérant la tombée de la nuit. Heureusement, je finis par trouver un petit chemin montant, accessible depuis la route. Je m’y engouffre en poussant mon vélo jusqu’en haut. Là, je surplombe la vallée, au fond de laquelle sont éparpillées quelques fermes, villages et mosquées. Le paysage est cerné par les montagnes.
Ce spot de bivouac est assez basique mais sans trop savoir pourquoi, je m’y sens bien. Pourtant, pendant la nuit qui s’ensuit, je suis d’abord réveillé par le bruit de la pluie sur la tente, puis par les appels lointains du muezzin à la prière. Au petit matin, alors que je dors enfin comme un bienheureux, c’est le chant des oiseaux qui prend la relève de la pluie et du muezzin pour achever de rendre ma nuit entièrement blanche. Qu’importe, comme toujours quand je dors dans la nature, je suis heureux d’être là et de vivre ces moments dont je profite à fond, car je sais bien qu’ils vont passer trop vite.
Premier bivouac en Albanie
Le café chaud me sort vaguement de ma torpeur matinale et le petit déjeuner me remplit la panse, qui n’attendait que ça. Puis mon petit rituel quotidien se poursuit : démonter la tente, ranger toutes mes affaires dans les sacoches et attacher ces dernières sur le vélo. Tous les jours, entre le moment où j’ouvre un œil et celui où je donne le premier coup de pédale, il s’écoule au minimum deux heures si je suis en forme, et jusqu’à trois si le réveil est difficile. Aujourd’hui, c’est plutôt trois.
La mosquée de Fierza
Mon premier albanais du jour, c’est-à-dire le troisième que je rencontre depuis mon arrivée dans le pays hier, ne semble pas comprendre lui non plus mes salutations du matin, que je lui exprime encore et toujours via le fameux mirmengjesi de la veille. Aussi, quand je passe un peu plus tard à la hauteur d’un petit bar dans ma première grosse montée du jour, je m’y arrête pour poser la question qui me titille depuis hier : comment dit-on vraiment bonjour en albanais ?
Je peux échanger avec le patron du bar car, fait plutôt rare dans les montagnes albanaises, il connaît quelques mots de la langue de Shakespeare. Mais bizarrement, il a du mal à me traduire bonjour en albanais. En guise de réponse, il ânonne sans conviction un pershendetia dont la difficile prononciation me glace les oreilles : l’albanais ne comporterait-il donc aucun mot simple ? Pour nous aider, un client attablé juste à côté de nous devant son café fumant nous suggère un rugueux nietnyetta, qui n’est pas plus doux mais qui a au moins le mérite de répondre à cette dernière question : non, l’albanais ne comporte décidément aucun mot simple.
En tout cas, mes deux interlocuteurs sympas ne sont donc pas d’accord sur le mot qui convient pour saluer quelqu’un, et je trouve quand même dingue de ne pas savoir dire bonjour dans sa propre langue. Bref, le patron finit par valider le nietnyetta de son client. J’apprends qu’on peut aussi utiliser le diminutif nyetta mais que c’est un mot local, employé uniquement ici, dans le nord du pays. Adjugé, c’est ainsi que je dirai bonjour aux albanais, désormais, du moins tant que je serai dans le nord. Lorsque je descendrai vers le sud, il sera toujours temps d’apprendre un nouveau mot de vingt-cinq lettres pour dire bonjour en albanais.
La rivière Drin
Une poignée de kilomètres plus loin, j’expérimente ce nouveau mot, nyetta, pour saluer le premier venu. C’est un septuagénaire qui est en train de remplir des bidons de dix litres à une petite source d’eau, laquelle s’écoule de la montagne dont elle jaillit via un vieux tuyau sale.
Un remplisseur de bidons à la source
Le nyetta passe comme une lettre à la poste mais ce qui m’intéresse subitement, avant de remplir mes gourdes, c’est de savoir si cette eau douteuse est potable. Le monsieur m’assure que oui, tout en continuant à remplir ses gros bidons qu’il vendra plus tard, en ville. Modérément attiré par la perspective d’avoir la courante toute la journée à cause de cette eau suspecte, j’hésite à remplir mes bidons. Mais comme ils sont vides et que j’ai soif, je suis bien obligé de faire confiance à cet inconnu, qui détient sans le savoir l’avenir imminent de mes intestins.
Croisière sur la rivière Drin
Dans le coin, les vues plongeantes sur la rivière Drin valent le détour malgré le mauvais temps. Ce petit cours d’eau s’écoule lentement aux pieds des montagnes, entre lesquelles il fait serpenter sa couleur vert-émeraude.
La rivière Drin
Je continue à pédaler pendant un bon moment dans le sens de la montée, jusqu’à ce que je commence à ressentir un début de défaillance physique. Rien à voir avec l’eau que je viens de boire, c’est juste une petite baisse de tension, comme j’en ai régulièrement depuis l’adolescence. Le problème aujourd’hui, c’est que je suis tout seul dans la montagne et que pour l’instant, je dois faire pas mal d’efforts puisque ça monte en permanence. Et ma destination du jour, le minuscule village de Koman, est encore loin. Dans ces cas-là, habituellement je me repose un peu mais ici, ce n’est pas possible. Alors je fais une courte pause et je mange une poignée de biscuits pour reprendre quelques forces. Puis je remonte sur le vélo en ralentissant le rythme et par chance, cela correspond à peu près au moment où les descentes commencent à succéder aux montées.
La rivière Drin
Par ici, de nombreux engins de chantiers cassent littéralement la montagne pour élargir l’étroite route actuelle et la sécuriser. Tout en roulant, je passe à la hauteur d’une équipe d’ouvriers qui se dirigent vers le seul petit resto du coin, car c’est l’heure de leur pause déjeuner. L’un d’entre eux, qui s’avèrera être le rigolo de la bande, m’offre un coup à boire. Ne sachant pas dire non, je dis oui.
L’un de ses collègues ne travaille ici que temporairement car il vit en France, à Lille. Il fait donc office de traducteur. Quand je demande si je peux faire un selfie avec toute l’équipe, le seul qui refuse se propose en contrepartie de prendre la photo du groupe. Une fois l’image dans la boîte, je ne me souviens plus comment on dit merci. Le rigolo me vient en aide et me souffle un mot qui me permet de remercier le photographe, mais qui déclenche aussitôt l’hilarité générale : le lillois m’explique entre deux gloussements que le mot soufflé par le « rigolo » signifie non pas merci, mais dégage ! Bien sûr, la blague est plutôt drôle mais je m’empresse quand même de présenter mes excuses sincères au photographe. Il les accepte avec un sourire minimaliste puis s’éclipse. Je ne le reverrai plus.
Le soir, j’arrive à Koman. Du haut de ses deux cents habitants, le village est bien plus petit que je ne l’imaginais. Je passe la nuit dans un petit hôtel sympa mais miteux, en dormant dans mon sac à viande car les draps ont l’air sale : je ne suis visiblement pas le premier à dormir dedans, et sans doute pas le dernier non plus…
Si je suis venu à Koman, c’est parce que c’est paraît-il l’un des plus beaux coins d’Albanie. Pour la plupart des voyageurs qui viennent jusqu’ici, le but consiste à prendre un bateau sur la rivière Drin jusqu’au village de Fierza, afin d’admirer des paysages qui ont la réputation de ressembler à ceux des fjords norvégiens. Puis il faut ensuite se rendre par la route une cinquantaine de kilomètres plus loin, à Valbona, où la nature est censée offrir là aussi des paysages enchanteurs.
Départ de la croisière sur la Drin River
En haute saison, il y a plusieurs bateaux quotidiens qui circulent sur la rivière Drin pour relier les minuscules villages de Koman et Fierza. Mais nous sommes en basse saison et à cette époque de l’année, il n’y a qu’un seul aller – retour par jour.
Croisière sur la rivière Drin
Il ne s’agit d’ailleurs pas réellement d’une croisière, contrairement aux bateaux qui circulent l’été : l’hiver, il s’agit plutôt d’une petite navette fluviale qui transporte non pas les touristes (je suis le seul à bord) mais les habitants.
Kula, un passager albanais, va débarquer
Elle les dépose au fil des méandres de la rivière, en accostant sur la rive au beau milieu de nulle part et des rochers, dans des endroits où il n’y a pas la moindre maison. Le coin est aussi joli que reculé.
Le temps est couvert et durant les deux heures et demie de traversée, je me précipite sur mon appareil photo dès que le soleil réussit à transpercer les nuages, ce qui est assez rare dans l’ensemble.
Jelosh, le barreur du bateau
Mais lorsque sa lumière nous gratifie de sa présence, elle permet d’admirer l’étonnante couleur verte de l’eau, dans laquelle plongent les hautes montagnes karstiques.
La rivière Drin
Cette petite croisière est régulièrement élue par différents médias du monde entier, généralistes ou spécialisés dans le voyage, comme l’une des plus belles d’Europe. Et l’avantage par rapport à celles des fjords norvégiens, c’est qu’ici, il n’y a pas foule.
Deux heures et demie après avoir appareillé, le petit bateau accoste à Fierza. Il me reste une cinquantaine de kilomètres de vélo jusqu’à l’étape suivante, Valbona.
Mais encore une fois, c’est devenu une habitude depuis le début de mon périple, la météo s’annonce abominable sur mon itinéraire : on attend des chutes de neige en soirée à Valbona, puis pendant au moins trois jours sans discontinuer, avec des températures de moins neuf degrés !
Les pluies abondantes m’en ont bien fait baver pendant une quinzaine de jours entre l’Italie et, surtout, la Bosnie-Herzégovine, à tel point qu’ici, la perspective de ne pas arriver à Valbona avant la tombée de la neige m’effraie un peu, je dois bien l’avouer : il est déjà quatorze heures et j’ai une cinquantaine de kilomètre à parcourir avec beaucoup de dénivelé. C’est un peu trop : si je me retrouve à rouler sur les chemins pierreux difficiles qui m’attendent et que mon téléphone-GPS me lâche à cause de l’humidité (comme évoqué dans l’article la Bosnie-Herzégovine à vélo), je risque de passer un sale quart-d’heure avec des températures aussi froides pendant plusieurs jours, à chercher désespérément mon chemin enfoui sous la neige.
Les environs de Fierza
Pour la troisième fois depuis le début du périple, je me résous donc à modifier mon itinéraire : mais cette fois-ci, je vais carrément faire demi-tour, tant pis pour les beautés de Valbona que je ne verrai donc pas.
Dans l’immédiat, l’urgence consiste à manger un morceau. Puis je digèrerai tranquillement cet après-midi en me baladant à Fierza. Et ce soir, je bivouaquerai non loin du bateau, histoire d’être sur place tôt demain matin quand il appareillera, à sept heures.
Le bateau du retour amarré à Fierza, au petit matin
Les petites tours Eiffel bleues
Après une énième nuit pluvieuse, je me lève avant le soleil pour ne pas rater le bateau puiqu’il n’y en a qu’un seul par jour. Le temps maussade de bout en bout de la traversée ne me permettra pas d’admirer à nouveau la sublime rivière Drin qui, du coup, tire plus aujourd’hui sur le gris que le vert. Heureusement que j’ai pu en profiter un peu hier, entre deux nuages.
De retour à Koman, je roule jusqu’à un petit restaurant qui a l’air fermé, en espérant qu’il pourra quand même me proposer un petit quelque chose à me mettre sous la dent car comme toujours, je suis affamé. Je passe la tête par une porte dérobée et entrouverte située à l’arrière du bâtiment. A l’intérieur, une dame travaille dans la réserve. Elle me confirme que son resto est fermé et qu’il n’ouvrira que dans quelques jours, pour Pâques, qui correspond chaque année à l’arrivée des premiers touristes. Je la remercie quand même et retourne à mon vélo. Là, en entendant son pas léger approcher dans mon dos, je me retourne : elle me fait face, un grand sourire aux lèvres et une part de gâteau entre les mains, qu’elle m’offre généreusement ! Elle l’a sorti du four une heure plus tôt, il est encore tiède et il me remplit de bien-être.
Une albanaise adorable m’offre une part de gâteau
Car l’Albanie, en plus de la beauté folle de ses paysages naturels, possède une deuxième caractéristique qui crève les yeux du premier voyageur venu : l’incroyable sens de l’hospitalité de ses habitants.
A ce stade du récit, je dois apporter une précision (extraite de l’article : la Bosnie-Herzégovine à vélo, l’une des étapes précédentes de ce long voyage) : l’un des objectifs de mon périple, c’était de faire des rencontres. Ayant lu beaucoup de témoignages de voyageurs à vélo selon lesquels ils étaient parfois l’objet d’une grande attention et d’une grande générosité de la part des habitants des Balkans, j’espérais avant mon départ que je connaîtrais le même accueil qu’eux. Et je me disais que si c’était le cas, il faudrait que je puisse remercier ces habitants pour leur hospitalité, mais je ne savais pas comment faire : impossible d’emporter sur mon vélo des bouquets de fleurs où des bouteilles de vin à offrir, comme on le fait lorsqu’on va passer la soirée chez des amis.
J’avais alors pensé à un symbole de la France mondialement connu : la tour Eiffel. J’ai donc acheté sur Internet quelques dizaines de petites tour Eiffel bleues en porte-clés. Pourquoi bleues ? Je n’en sais rien, toujours est-il qu’elles ne sont pas bien lourdes et ne prennent aucune place sur mon vélo. En d’autres termes, le petit cadeau idéal.
Aussi, quand cette dame me donne cette part de gâteau, je m’empresse de lui offrir en retour une petite tour Eiffel bleue, et c’est à grands coups de faleminderit mutuels (merci) entrecoupés de grands éclats de rire que nous nous quittons.
En m’éloignant de Koman, je laisse définitivement derrière moi les paysages de Valbona qui me faisaient pourtant rêver, après avoir lu tant de descriptions féériques de ce site réputé. Je vais donc tourner le dos aux chutes de neige quotidiennes qui vont blanchir ces paysages septentrionaux, pour descendre vers la capitale Tirana. Je voulais à tout prix éviter cette ville plutôt grande pour coller à l’esprit de mon périple, résolument orienté vers la nature, mais le temps est si mauvais à Valbona que je n’ai pas vraiment le choix. Et comme il faut toujours voir le verre à moitié plein, je vais essayer de profiter quand même de mon nouvel itinéraire, qui passe à moitié par la côte et à moitié par les montagnes.
Quelques dizaines de kilomètres plus loin, je m’arrête dans une minuscule épicerie pour acheter de quoi remplir mon estomac. Le patron m’accueille tièdement, ce qui fait figure d’exception chez ce peuple si hospitalier. Mais dès que je déroule mon vocabulaire habituel dans sa propre langue (bonjour, merci et au revoir en albanais), il se déride aussitôt. Et au moment de partir, il m’offre carrément un café, puis une petite bouteille d’eau pour la route. Chassez le naturel, il revient au galop.
A peine remonté sur ma selle, je dois déjà en redescendre, interpellé par un habitant au bord de la route. Il s’appelle Emiliano et parle couramment le français car il vit au Luxembourg.
Emiliano
Il est en train de refaire le mur de clôture de la maison de ses parents avec son père et deux voisins. Il me demande d’emblée si je veux boire quelque chose mais sans attendre ma réponse, il part en courant dans sa maison. Il en ressort trente secondes plus tard pour m’offrir trois canettes : une bière, un coca et une boisson aux fraises.
Incroyables albanais : à ce rythme-là, je serai bientôt en rupture de petites tours Eiffel bleues…
Quand on traverse l’Albanie, il y a une curiosité que l’on remarque très vite : la multitude de petits bunkers qui sont éparpillés un peu partout dans le paysage. Le plus souvent en pleine nature, notamment dans les montagnes car elles représentent 80% du pays, mais aussi dans les villes et les villages. Ils ont été construits dans les années 1970-1980, pendant la dictature qui, à l’époque, avait fait du pays l’équivalent ou presque de ce qu’est la Corée du Nord aujourd’hui : l’un des pays les plus fermés du monde.
La folie paranoïaque du dictateur d’alors, Enver Hoxha, le conduisit à ordonner la construction de quelque 600.000 bunkers à des fins défensives, ce qui est colossal pour un si petit pays. Évidemment, ils n’ont jamais vraiment servi.
L’un des 600.000 petits bunkers albanais qui jalonnent le paysage
La capitale : Tirana
Je poursuis ma route qui passe désormais en partie par la côte. Le littoral albanais a beau être plutôt joli, je ne raffole pas vraiment du bétonnage en règle dont les villes côtières sont victimes. Une multitude d’immeubles y ont été construits sans aucune harmonie, ce qui donne l’impression de stations balnéaires à l’architecture complètement désordonnée.
Le tourisme se développant très vite dans la région, le seul objectif consiste à pouvoir accueillir un maximum d’estivants dans ces villes qui ont définitivement perdu tout charme. Je peux comprendre cette course à l’essor économique, en espérant qu’au moins il profitera aux habitants, mais je trouve cette précipitation regrettable.
La plage à Durrës
En poursuivant ma route vers Tirana, je parviens enfin à me procurer quelques Leks, la monnaie albanaise, ainsi qu’une carte SIM pour pouvoir communiquer normalement avec ma famille restée en France.
L’arrivée dans la capitale albanaise très animée constitue un petit choc pour moi, après avoir passé un bon mois bien au calme en pleine nature, au fil des pays traversés.
Immeuble avec la forme de la tête de Skanderbeg, héros national qui a résisté à l’Empire Ottoman
Après avoir loué une petite chambre chez l’habitante, je file manger un morceau dans un resto, la gastronomie n’étant pas la partie que je déteste le plus dans les voyages. Ma curiosité culinaire me fait pousser la porte d’un attrayant petit restaurant, spécialisé dans la cuisine typique albanaise. La carte que me tend le serveur n’étant traduite dans aucune langue, je n’y comprends rien, c’est pourquoi je lui demande de choisir le repas pour moi, avec pour seule consigne de me dégoter les plats albanais les plus traditionnels possible. Il choisit donc à ma place et je valide sans vraiment savoir ce qui m’attend, mais je lui fais confiance. C’est ainsi que je me retrouve un quart d’heure plus tard avec une banale salade verte accompagnée de tomates, concombre, œuf dur, jambon et mayonnaise en entrée, puis un steak – frites désespérément classique en guise de plat ! Si ça c’est la cuisine typique albanaise, alors en France j’ai souvent mangé albanais sans le savoir !
La Grande Mosquée de Tirana, ou mosquée de Namazgâh
En guise de digestion, une petite marche de quinze minutes à destination de la fameuse mosquée de Namazgâh ne me fait pas de mal. Située dans un quartier animé, elle est assez imposante. Avec ses quatre minarets, c’est le plus bel édifice religieux que je vois depuis le début du périple, à égalité avec l’église Saint-Jovan-Vladimir de Bar et ses grands dômes tout dorés, que j’ai vue au Monténégro.
Après un jour de repos mais aussi de pluie à Tirana, il est temps de repartir. La sortie de la capitale n’est pas facile. A l’heure où les gens vont tous au travail, je me retrouve à rouler au milieu d’une fourmilière de voitures et de bus pendant un long moment avant de pouvoir enfin sortir de la ville. Les files sont parfois si étroites qu’il n’y a pas de place pour rouler à deux de front, y compris pour un vélo. Je dois donc régulièrement m’imposer pour pouvoir passer même si évidemment, je m’incline humblement chaque fois qu’une voiture ou un bus force plus que moi : pour eux, ce n’est pas la priorité qui compte, c’est la solidité du véhicule. Mais globalement, cette cohabitation déséquilibrée entre ces grosses machines de ferraille et mon petit vélo vulnérable se passe bien, la plupart des conducteurs étant très respectueux, et une petite minorité seulement étant excitée et visiblement pressée d’aller travailler. Ces gens stressés, je les laisse filer car contrairement à eux, je suis zen et j’ai tout mon temps.
A la sortie de la ville, je longe une artère importante, elle aussi très fréquentée. Au total, il me faut une bonne vingtaine de kilomètres pour m’extraire enfin de ce trafic dense.
L’incroyable hospitalité albanaise
C’est à ce moment-là que, apercevant les montagnes enneigées au loin, je m’arrête sur le bord de la route pour faire quelques images. Une vieille Mercedes des années 80, qui roule encore mais péniblement, passe à ma hauteur. Elle est si vieille qu’elle a autant de mal que moi à grimper les côtes. Comme tous les albanais que je croise ou presque, son conducteur m’adresse un petit salut amical de la main. Mais lui s’arrête quelques mètres derrière moi, descend de sa voiture et avec un large sourire, m’offre une canette de boisson énergisante ! Je le remercie chaleureusement, il s’excuse de ne pas pouvoir discuter car il est pressé, il remonte vite dans sa Merco déglinguée et redémarre aussitôt. Même pressé, il a pris le temps de s’arrêter pour m’offrir ce qu’il avait sous la main. L’hospitalité albanaise dans toute sa splendeur.
La scène s’est déroulée si vite et cette générosité soudaine m’a tellement pris de court que je n’ai même pas eu le temps de penser à lui offrir une petite tour Eiffel bleue. Je m’en veux un peu. Pas grave, je me rattraperai sur le prochain albanais venu…
Les montagnes enneigées en toile de fond
Un peu plus tard, en début d’après-midi, alors que je traverse un village, un habitant m’interpelle sur le bord de la route. Il se trouve qu’il parle français car c’est un ancien migrant qui a passé cinq ans en France, dont deux en centre de rétention ! Après quoi il a préféré rentrer ici, dans son pays. Avec un tel vécu carcéral, il n’a ramené que des mauvais souvenirs de l’Hexagone. A l’exception d’un, mais pas le moindre : il a emporté dans ses bagages une française qu’il a ensuite épousée, et qui vit désormais ici, avec lui.
Je leur explique que je suis tombé sous le charme de ce pays magnifique et de ses habitants si généreux. Échaudé par les longs mois qu’il a passés en rétention au pays des droits de l’Homme, il se méfie quand même un peu de moi et me rétorque que les français n’aiment pas les albanais car selon lui, nous les prenons tous pour des voleurs et des délinquants ! Je lui réponds que ce n’est pas mon cas, au contraire je suis sous le charme de ce peuple si accueillant. J’ajoute que, si les français mettent selon lui tous les albanais dans le même sac, alors il est en train de faire la même chose avec nous les français : il décrète que tous les français détestent les albanais, ce qui n’est évidemment pas vrai. Ce n’est notamment pas mon cas, de plus, n’a-t-il pas épousé une française qui aime donc un albanais ? Ça a le mérite de le faire sourire. Sa méfiance initiale s’effondre et il devient alors aussi hospitalier que tout bon albanais qui se respecte, en m’offrant rapidement un coup de gnôle ! Il s’agit d’une eau-de-vie de raisin qu’il a faite lui-même selon une méthode traditionnelle locale, sans alambic me dit-il. Je m’attends alors au pire, à savoir un bon vieux digeo qui va bien m’arracher la gorge. Mais à ma grande surprise, son breuvage maison, clair et limpide, s’avère avoir du nez ainsi qu’un vrai goût de fruit, avec une teneur en alcool maîtrisée. Un petit délice. Décidément, ces albanais sont pleins de ressources.
Ainsi revigoré, je reprends la route sans faire trop de zigzags. En fin d’après-midi, je décide d’acheter quelques fruits, en version non liquide ceux-là, d’une part pour reprendre forces et vitamines, et d’autre part pour m’hydrater un peu car mes stocks d’eau sont critiques. Je m’arrête sur le bord de la route, dans une petite cahute qui déborde de fruits et légumes. Contrairement à ceux qui sont étalés dans les rayons de nos supermarchés, ceux-là n’ont pas été récoltés encore verts, afin de finir leur maturation au fond des cales du cargo qui les emmène en France. Ils ont été cultivés dans les champs du coin et n’ont été cueillis qu’une fois entièrement mûrs.
Je choisis deux oranges et au moment de les payer, le commerçant me fait comprendre qu’il me les offre ! C’est très gentil bien sûr mais un peu gênant car c’est quand même son gagne-pain. De plus, je peux bien m’offrir deux malheureuses oranges, a fortiori au prix dérisoire qui est le leur ici.
J’insiste donc un peu pour lui payer son dû mais cela fait perdre son sourire au gars, qui se lève et se met à me crier quelques mots incompréhensibles. Puis il termine sa tirade en exhibant de nouveau ses dents blanches dans un grand sourire éclatant, en me faisant bien comprendre que ces deux oranges sont offertes : ce n’est pas négociable. Devant une telle gentillesse, et cherchant à éviter tout incident diplomatique avec l’Albanie, je m’incline à grands coups de faleminderit (merci).
Encore un albanais au sens de l’hospitalité démesuré
Mes efforts sincères pour prononcer ce mot compliqué le font rire, puis il me crie « méllè, méllè » en me montrant un cageot de pommes rouges. Je comprends vite qu’il veut m’en offrir une, en plus des deux oranges mais je ne peux quand même pas décemment me servir moi-même. Devant mon hésitation, il se lève, tâte quelques pommes puis m’en donne une. Je le remercie en long, en large et en travers puis je lui demande de patienter un court instant, le temps d’aller chercher à mon vélo une petite tour Eiffel couleur Schtroumph.
Et alors que je fouille dans mes sacoches, il déboule avec une deuxième pomme, verte celle-là ! J’arrive enfin à extirper de tout mon bazar le petit symbole de l’Hexagone et le lui offre. Comme toujours quand je donne ce petit bout de France à quelqu’un, nous rions, nous nous remercions et nous nous quittons, le cœur léger.
Collecte de fruits offerts !
Sans doute ne suis-je qu’un grand sensible, ou bien un naïf, ou plus sûrement les deux à la fois, toujours est-il que cette hospitalité albanaise exacerbée, dont je bénéficie désormais plusieurs fois par jour, me touche profondément. Elle me fait plaisir, elle m’émeut, elle me rend heureux. Et en plus, côté pratique, elle me nourrit et m’abreuve ! Ces rencontres quotidiennes, qui sont simples mais assez intenses, me permettent de fraterniser avec de parfait.e.s inconnu.e.s. Ce sentiment improbable est plutôt déstabilisant, mais c’est bien pour vivre ce genre de moments que je fais ce voyage.
Et comme si les magnifiques paysages albanais traversés quotidiennement ne suffisaient pas, le bivouac du soir achève de rendre cette journée parfaite. Je plante ma tente juste au-dessus d’un joli lac bleu, dans un cadre naturel reposant.
Ce petit lac est cerné par les collines sauf à ma droite, où s’offre à moi une vue plongeante sur la vallée, les villages, la mer au fond et le coucher du soleil.
Épuisé par tant de beauté, humaine et naturelle, je me couche. Rideau.
S’il y a des gens avec qui le courant passe vraiment bien depuis le début de ce voyage, ce sont les bergers.
Ghezim, un berger, au milieu de ses brebis
J’en croise beaucoup sur mes petites routes de campagne et depuis mon vélo, j’en aperçois régulièrement au loin qui sont tout seuls dans leur champ, immobiles et impassibles face à leurs brebis. Chaque fois que j’observe cette scène récurrente, je me demande ce qu’ils peuvent bien ressentir en étant aussi isolés à longueur de journée, littéralement figés sur place à attendre que le temps passe, tout en fixant leur bétail sans broncher. J’imagine que chaque seconde qui s’écoule doit leur paraître une éternité mais je n’en sais trop rien, finalement. Peut-être au contraire savourent-ils cette quiétude au milieu de la nature qui les entoure. Et si c’était ça, la vraie vie ?…
Paolo fait redescendre son troupeau de la montagne
Alors évidemment, quand je déboule à proximité d’eux, ils sautent sur l’occasion inespérée que je représente de briser un peu leur solitude, autant que cela brise la mienne, d’ailleurs.
Discussion pastorale en vue…
Les échanges que j’ai avec ces bergers s’avèrent toujours très chaleureux. On discute comme on peut, ne parlant aucune langue commune, si ce n’est la seule langue universelle qui semble exister : le foot ! Ces bergers sont nombreux à me réciter fièrement et sans erreur des noms de joueurs français, qu’ils connaissent par cœur. Les pâtres les plus anciens me parlent de Platini et de ses coéquipiers géniaux des années 1980, avec une mémoire impressionnante : Rocheteau, Giresse, Tigana, Amoros… Tandis que les plus jeunes évoquent plutôt Mbappé, et que la génération intermédiaire m’envoie du Zidane avec nostalgie.
Un berger avec qui je partagerai de grands éclats de rire
C’est assez bluffant de voir à quel point les plus grands sportifs sont susceptibles de marquer des générations entières pendant plusieurs décennies, jusque dans les coins les plus reculés de la planète, comme ici au cœur des montagnes albanaises. Me retrouver confronté à cette universalité brute et originelle du sport, sans ses dérives actuelles, me fait du bien.
Les bergers m’accueillent toujours à bras ouverts…
Bref, avec les bergers, je me sens toujours bien. On rigole ensemble, on se serre la paluche, certains me prennent dans leurs bras au moment de se dire au revoir, comme si on se connaissait depuis toujours alors qu’on vient tout juste de se rencontrer. Mais dans tous les cas, une chose est sûre : ces gens-là sont aussi spontanés que sincères avec moi, et c’est cette authenticité que j’aime chez eux.
Et puis à la fin, nous finissons toujours par retourner chacun à notre solitude, eux au milieu de leur troupeau et moi sur mon vélo. Le chemin continue.
Avec Ghezim
Un pays sale
A propos de chemin, il y a une chose qui saute aux yeux quand on arrive en Albanie : la saleté le long des routes. Le sol est souvent jonché d’ordures que les automobilistes jettent par la fenêtre depuis des années.
Aucun nettoyage ne semble avoir lieu et les déchets s’accumulent donc par terre, y compris dans les endroits les plus natures qui soient.
Cette situation aberrante existe aussi dans les autres pays des Balkans que j’ai traversés, mais dans une moindre mesure. L’Albanie est le gros coup de cœur de mon périple mais je dois bien avouer que la saleté des routes est le gros point noir de ce si beau pays.
Amas exceptionnel d’ordures
Heureusement, la nature albanaise reste globalement somptueuse et tout au long de ma traversée du pays à la force des mollets, je trouve régulièrement des spots de bivouac enchanteurs, perdus en pleine nature dans des endroits où rien ne traîne par terre.
Le bivouac quotidien
La dernière rivière sauvage d’Europe : la Vjosa
Un jour, alors que je me dirige vers la Vjosa (qui se prononce « Viossa »), je m’arrête dans une petite station-service en bord de route pour faire le plein, mais d’eau. Je demande au patron si je peux remplir mes bidons mais c’est la voix de sa femme, juste au-dessus de nos têtes, qui me répond. Il m’invite à la rejoindre à l’étage pour me servir en eau. Mais sitôt arrivé là-haut, elle sort deux minuscules bouteilles de vingt-cinq centilitres du frigo contenant les boissons fraîches pour les clients, alors que je pensais juste remplir mes bidons au robinet des toilettes. Elle m’indique que ce n’est pas possible car selon elle, l’eau du robinet n’est pas bonne ici.
Je me dis que je trouverai de l’eau plus loin mais je décide de lui acheter quand même une petite bouteille car avec son mari, il se sont montrés sympas. Je prends quelques leks et lui demande le prix mais au lieu de me répondre, elle se sert carrément en attrapant quelques pièces dans ma main. Pas les petites pièces jaunes mais les grosses pièces blanches ! Au moment où elle s’apprête à les déposer dans la caisse, je lui demande de me les montrer car cela m’intrigue. Elle refuse ! J’insiste mais elle persiste dans son refus. La scène dure un peu avant qu’elle ne finisse par me les montrer enfin. Il s’avère qu’elle m’a pris cent cinquante leks, soit environ un euro cinquante pour un petit quart de litre d’eau seulement, ce qui ne doit pas être bien loin de l’eau la plus chère du monde, alors qu’elle ne provient quand même pas du fin fond du Sahara. Je lui demande de me rendre mes pièces car il est évident qu’elle abuse mais elle refuse et me contre-propose la micro-bouteille à un euro, ce que je refuse à mon tour. Elle descend alors royalement son prix à soixante centimes, soit une chute du cours de l’eau de 60% en dix secondes ! Je range la bouteille dans son frigo et lui demande une dernière fois mes pièces, qu’elle finit enfin par me rendre. Je la quitte d’un mirupovshim froidement poli (au revoir) puis je redescends.
Le pompiste me tend mes lunettes de soleil, que j’avais oubliées
Alors bien sûr, cela ne m’aurait pas ruiné de payer un euro cinquante pour trois gouttes d’eau, mais c’est le fait qu’elle m’ait pris à ce point pour un pigeon qui m’a dissuadé de le faire.
A peine redescendu, je vois que son mari est en train de lui parler. La discussion est assez vive et par les temps qui courent, je commence à craindre qu’elle ne lui raconte des mensonges sur ce qui vient réellement de se passer là-haut entre elle et moi. Mais quand je le vois la gronder comme une gosse qui vient de faire une bêtise, je comprends qu’elle lui a dit la vérité et qu’il n’est pas d’accord avec sa façon d’accueillir les voyageurs. C’est qu’on ne rigole pas avec le sens de l’accueil dans ce pays. Avec un air dépité et un sourire désolé, il m’emmène jusqu’à un robinet situé entre deux pompes à essence et m’invite à y remplir mes gourdes, ce que je m’empresse de faire. Je le remercie chaleureusement avant de reprendre ma route.
Cette anecdote n’est pas anodine car j’ai dû rencontrer là la seule albanaise dénuée de tout sens de l’hospitalité. L’exception qui confirme la règle, en quelque sorte. Son mari, par contre, s’est montré irréprochable, comme tous les albanais que je rencontre depuis que je sillonne ce beau pays. Il faut quand même préciser que cette dame avait raison sur un point : l’eau de ce robinet n’est vraiment pas bonne. C’est même la plus mauvaise que j’aie jamais bue : une infection ! Pas nocive, heureusement, mais immonde. C’est sûr, je change cette eau à la première occasion.
Pour ce soir, j’avais prévu de me trouver une petite auberge dans le village touristique de Tepelenë, surtout pour avoir la possibilité de prendre une bonne douche.
Mais en chemin, la nature autour de moi est trop tentante, elle semble me tendre les bras pour m’accueillir une nuit supplémentaire.
Alors tant pis pour la douche, elle attendra bien vingt-quatre heures de plus : ce soir j’en profite, je dors encore dehors, je m’y sens tellement chez moi. Mon hôtel pour cette nuit, ce sera la nature.
La rivière Vjosa
Je décide donc de contourner Tepelenë plutôt que de m’y arrêter. Pourtant, le village perché sur les hauteurs jouit d’une belle vue sur la vallée et les montagnes. Mais surtout, il comporte plusieurs sites d’intérêt, notamment la forteresse du célèbre Ali Pacha, ou encore les vestiges du camp dans lequel étaient internés les prisonniers politiques pendant la sombre période communiste. Beaucoup n’en sont jamais revenus.
Le village a donc beau avoir quelques attraits touristiques, la perspective de passer une nouvelle nuit dans la nature sublime de la région m’attire nettement plus que celle de dormir sous un toit au milieu des quatre mille habitants du coin. C’est dingue cette attirance croissante pour la nature au fil du voyage : j’ai de plus en plus l’impression de m’ensauvager…
Le pont suspendu de Tepelenë
Pour quitter cette cité dans laquelle je suis à peine entré, je dois traverser un pont, pittoresque mais d’un autre temps, suspendu au-dessus de la rivière Vjosa. Ce joli cours d’eau a la réputation d’être la dernière rivière sauvage d’Europe, hors Russie occidentale.
Le vieux pont rouillé m’inspire une confiance modérée mais après tout, s’il est là et qu’il est ouvert, c’est bien pour qu’on passe dessus. Alors allons-y.
J’y engage mon vélo et comme le tablier est en légère descente, mon bolide à deux roues prend tout de suite un peu de vitesse. Je dévale ainsi la passerelle, en prenant soin de slalomer entre les quelques lattes de bois qui ont plus ou moins été fixées au sol pour boucher les trous de certaines planches cassées…
Un peu plus loin, alors que je commence à chercher un spot de bivouac autour de moi, j’arrive à un croisement où je me retrouve nez-à-nez avec un sexagénaire local. Il me lance, en italien et dans un grand sourire : « Ciao ragazzo » (« salut garçon »). Je lui demande s’il est « ragazzo italiano », il me répond que non, il est « ragazzo albanese ». Je me présente alors comme un « ragazzo francese » pour clore cette discussion dans la langue de Dante, et il me répond avec les seuls mots qu’il connaît dans celle de Molière : « merci beaucoup » puis « je t’aime » !
Avec le ragazzo albanese
Un peu plus loin, alors que le soleil décline tranquillement en enrobant les paysages de sa lumière dorée du soir, je trouve un petit chemin tout cabossé qui descend à travers les champs. Je l’emprunte et j’ai de la chance, il termine sa course sur les berges de la Vjosa : le spot de bivouac idéal.
Mon spot de bivouac, sur les berges de la rivière Vjosa
Je pose ma tente au milieu des cailloux, face aux montagnes et à la rivière. Son cours tumultueux serpente à travers les gros rochers blancs et polis qui jalonnent son cours. Ici, la nature est sauvage, vivante, exaltée et devant ce spectacle naturel, j’ai l’impression de le devenir à mon tour.
Bivouac sur les berges de la Vjosa
Comme toujours quand je bivouaque, je suis aux première loges pour voir le soleil descendre et rougir pendant que je mange.
Ma petite tente face à la Vjosa
Quand je passe la nuit en pleine nature et que le petit matin arrive, nous nous levons souvent en même temps, le soleil et moi. L’un qui brille de mille feux et l’autre tout vaseux.
Përmet et le vieux pont ottoman
En quittant ce spot de bivouac sur la rivière, je réalise que la fin de mon séjour en Albanie est proche. Trop proche. Je la quitterai sans doute demain. D’ici là, il faut que j’en profite encore au maximum, aussi, je décide de transiter par le village de Përmet : ces derniers jours, plusieurs albanais m’ont conseillé d’aller y faire un tour. Avec ses huit mille habitants, il est situé sur cette fameuse rivière Vjosa.
La Vjosa
Lorsque j’arrive à Permët, je dois commencer par traverser un vieux pont rouillé en totalité, dont la solidité n’est pas la première chose qui saute aux yeux.
L’arrivée à Përmet
Malgré ça, je trouve qu’il a de la gueule avec toutes ces fleurs qui poussent juste à côté, cette rivière verte qui coule en dessous, et ces sommets encore enneigés en arrière-plan. On dirait un pont d’un autre temps, ou un pont du bout du monde. Ou plutôt les deux à la fois.
Mais je le trouve plutôt photogénique avec les montagnes au loin, aussi je prends le temps de l’immortaliser avant de m’engager dessus tout en poussant mon vélo.
Le vieux pont rouillé de Përmet
Je n’ai pas compté le nombre de jours depuis lesquels je ne me suis pas douché. Cela en fait trois ou quatre, je crois. Aussi, je décide d’arrêter là les frais et de prendre une petite chambre d’hôtel, la moins chère du village. C’est non pas son confort qui m’attire, mais juste la douche dont elle est dotée, car elle me permettra de remédier à ce petit déficit d’hygiène. Ce ne sera pas du luxe.
Quand je passe la porte d’entrée du petit hôtel, j’adresse le fameux pershendetia (bonjour) au patron, qui est assis au fond de la salle de restaurant. Il me répond comme un perroquet puis, sans un mot supplémentaire ni le moindre sourire mais avec une générosité typiquement albanaise, il me montre la bouteille de raki qui m’attend patiemment sur le comptoir, juste à côté de moi. Il me fait signe de me servir dans l’un des verres disposés un poil plus loin. C’est à peine le milieu de la matinée car j’ai très peu roulé aujourd’hui, ce n’est donc pas vraiment l’heure d’engloutir un verre d’alcool fort, mais puis-je décemment lui dire non ? Non. Car c’est important de respecter les coutumes locales. Je remplis donc deux verres sans trop me faire prier et je file m’asseoir avec lui tout au fond, à la fois pour lui prendre une chambre et pour trinquer.
Sa femme nous rejoint et me demande d’où je viens. De France. De France ? Mais c’est juste à côté de l’Allemagne, ça, où travaille justement leur fils aîné, me répondent-ils en chœur. Le papa, entre deux gorgées de raki, appelle aussitôt son rejeton en visio et à peine le fiston a-t-il décroché que son père me jette le téléphone entre les mains sans explication !
Un peu surpris, je dégaine comme je peux un guten morgen (bonjour dans la langue de Goethe) tout droit sorti de mes vieux souvenirs de lycée et me voilà donc, sans trop savoir comment, en train de discuter en anglais avec un inconnu albanais qui se trouve en Allemagne. Au bout de cinq minutes, après m’avoir donné quelques conseils sur les sites à visiter autour de Përmet, il s’excuse très poliment de devoir raccrocher mais c’est l’heure pour lui d’aller travailler. Je prends congé du fils, le papa et moi achevons notre verre de raki et la maman me montre ma chambre. Parfois, la vie est simple.
Je passe l’après-midi à me balader un peu dans Përmet. Le midi comme le soir, je déguste des plats typiques albanais dans un petit restaurant que j’ai déniché par hasard et par chance, délicieux et vraiment bon marché. Les deux fois, le patron m’offre son dessert fait maison. Et oui, c’est ça l’Albanie.
Le lendemain matin, je prends la direction d’un site dont tout le monde m’a parlé à Përmet : un vieux pont ottoman situé à une quinzaine de kilomètres. Pour y aller, je dois longer la Vjosa, qui est décidément une belle rivière sauvage que je ne me lasse pas d’admirer. Tantôt verte, tantôt bleue, elle est toisée par des montagnes dont les pentes sont fleuries et les cimes enneigées. Ma route est déserte et c’est tellement grisant de se sentir si seul au monde, tout en roulant tranquillement dans ce décor majestueux.
Le paysage de bord de route
J’arrive assez vite au fameux pont ottoman, le pont de Katiut. Il s’agit d’une vieille arche en pierres relativement bien conservée, construite par les ottomans au XVIIe siècle.
Le vieux pont ottoman de Katiut
Enjambant la rivière Lengarica, il est cerné par les montagnes, dont les plus proches sont transpercées par de petites grottes. L’endroit est pittoresque.
Mais ce joli site très nature est surtout connu pour ses sources thermales aux vertus thérapeutiques réputées. Les gens viennent se délasser et se soigner ici depuis l’Antiquité.
Une petite cascade aux pieds du pont ottoman
Pour rejoindre le principal bassin thermal, il suffit de traverser le pont puis de marcher une cinquantaine de mètres. La température de l’eau est de trente degrés y compris quand il neige, voire plus selon la saison.
Le principal bassin thermal, à proximité de Permët et Bënjë
En se délassant dans cette eau délicieusement tiède, on a une vue imprenable sur le pont d’un côté et les montagnes enneigées de l’autre.
La vue depuis le pont
Le site n’est pas très grand mais le bel écrin naturel dans lequel il est posé le rend particulièrement attrayant. Nous ne sommes que début avril mais il commence déjà à y avoir un peu de monde. L’été, le site, victime de son succès, est paraît-il pris d’assaut.
Le pont de Katiut dans son cadre naturel
Moi qui avais hésité ce matin à faire le petit détour nécessaire pour venir jusqu’ici, je ne regrette vraiment pas d’avoir pédalé ces quelques kilomètres supplémentaires malgré les montées. A bien y réfléchir, c’est l’un des endroits que j’aime le plus depuis le début de mon périple.
La route du pont de Katiut
Je reprends mon chemin sur une petite route où presque aucune voiture ne passe. Seul avec mon vélo, je traverse des paysages où les arbres en pleine floraison font face aux dernières neiges qui habillent encore le sommet des montagnes. Plus pour très longtemps.
Mon itinéraire rejoignant rapidement le cours de la Vjosa, je continue à en prendre plein les yeux.
La Vjosa aux pieds des montagnes
A chaque méandre de la rivière, les paysages changent. Son cours serpente au milieu de forêts plus ou moins denses, continue sa course dans des prairies fleuries puis irrigue quelques champs cultivés, toujours aux pieds des montagnes majestueuses.
La Vjosa
Rouler à vélo dans de tels paysages procure un sentiment de liberté très fort, bien plus que je ne l’aurais imaginé. Mais les plus belles choses ont une fin et à l’approche de la Grèce, je vois le cours de la Vjosa s’éloigner petit à petit.
Une heure ou deux après avoir quitté cette rivière si sauvage, j’atteins la frontière albano-grecque. En un mois passé dans les Balkans, c’est ma sixième et dernière frontière, mais c’est la première que je traverse sans qu’il pleuve ! Sans doute un dernier clin d’œil de ce pays si attachant que je quitte, et qui tient absolument à m’éblouir jusqu’à la dernière seconde. Il n’a pourtant pas besoin de ça puisque je suis totalement conquis depuis longtemps.
A l’heure du bilan, je dois bien dire que l’Albanie m’a profondément marqué. Je me sens même un peu sous le choc de quitter ce pays où la nature est si belle, et dont le peuple est si attachant, si généreux. Mais maintenant je vais entrer en Grèce, où j’espère bien avoir encore de nombreuses occasions de savourer pleinement ce périple qui, pour l’instant, dépasse largement toutes les attentes que j’avais placées en lui avant mon départ, il y a plus d’un mois.
Mirupovshim Shqipëria (au revoir l’Albanie)
Quand j’arrive au poste frontière, le douanier me fait passer avant une famille d’albanais, qui attend pourtant depuis un moment déjà l’autorisation d’entrer en Grèce. Les formalités prennent en effet plus de temps pour les citoyens non membres de l’Union Européenne. Gêné de leur passer ainsi devant, je leur dis tout le bien que je pense de leur pays, pour lequel j’ai eu un énorme coup de cœur au cours des onze jours que je viens d’y passer. Chacun d’entre eux me répond par un sourire à s’en décrocher la mâchoire. Quelques minutes plus tard, côté grec, ils me doubleront en voiture dans une côte que mon vélo et moi peinons à monter, avec un petit coup de klaxon pour m’encourager.
Il faut maintenant que j’apprenne les mots de base dans ce nouveau pays : ici, pershendetya se dit kalimera, faleminderit se dit efkaristo et mirupovshim se dit antio (respectivement bonjour, merci et au revoir).
Le coin du cycliste
Trans Dinarica : l’itinéraire de rêve pour les cyclistes
La Trans Dinarica est un itinéraire cycliste qui relie les pays des Balkans occidentaux en traversant une superbe chaîne de montagnes, les Alpes Dinariques. Ce parcours a été conçu pour permettre aux cyclo-voyageurs qui s’aventurent par là de découvrir tout le patrimoine local : naturel, culturel, gastronomique…
La Trans Dinarica en Croatie
Cet itinéraire passe par des villages, des forêts, des montagnes, ou encore par la mer. Il alterne entre routes bitumées très peu fréquentées et chemins de terre en pleine nature. Il traverse des parcs nationaux et des sites classés au patrimoine de l’humanité par l’Unesco.
Bivouac sur le parcours de la Trans Dinarica
Tout au long du parcours, on découvre l’hospitalité des habitants des Balkans ainsi que les paysages à couper le souffle de cette superbe région méconnue, en plein cœur de l’Europe. Bref, quand on roule sur la Trans Dinarica, on en prend plein les yeux et on se sent une âme d’aventurier !
Sur la Trans Dinarica, sous la pluie (Bosnie-Herzégovine)
La pépite : le site Trans Dinarica
La carte suivante montre sommairement le parcours de la Trans Dinarica (copie d’écran extraite du site Trans Dinarica).
En cliquant pays par pays, ce site propose également de nombreux itinéraires alternatifs : rejoindre le parcours depuis les grandes villes, faire des détours pour aller visiter des sites intéressants à proximité, etc.
A titre d’exemple, c’est l’un de ces détours que j’ai utilisé pour traverser l’île de Pag, qui s’est avérée l’un des plus beaux endroits visités lors de ma « Trans Europa » !
La Trans Dinarica passe par la rivière Drin (Albanie)
Pour se procurer le parcours précis ainsi que sa trace GPS, ce que j’ai fait, il suffit donc de se connecter au site officiel : Trans Dinarica.
Bien sûr, ce n’est pas gratuit mais ce n’est pas très cher non plus et surtout, cela vaut tellement le coup : si, comme moi, vous êtes un.e cycliste amoureux.se de la nature, alors le rapport qualité-prix de ces packs est carrément exceptionnel. On traverse des endroits tellement natures, isolés et sauvages sans jamais se perdre que ça vaut largement la peine, selon moi, de s’offrir ces packs.
A l’inverse, l’itinéraire de la Trans Dinarica traverse peu de villes. Aussi, si vous êtes attiré.e par les grandes métropoles, ces packs ne vous conviendront peut-être pas : privilégiez alors plutôt les itinéraires Eurovélo (lire plus bas), qui seront beaucoup plus adaptés à vos goûts citadins (capitales, monuments, musées, hébergements etc).
Pour résumer, la Trans Dinarica a plutôt tendance à fuir les zones touristiques et notamment la côte Adriatique, avec ses stations balnéaires souvent prises d’assaut, pour s’enfoncer dans les montagnes beaucoup moins fréquentées. Contrairement à Eurovélo, qui ne dévie à peu près jamais des itinéraires touristiques.
On peut se procurer le pack de la Trans Dinarica pour les huit pays à un tarif à mon avis avantageux (à partir de 90 euros), ou bien choisir un pack par pays (de 8 à 23 euros selon le pays). Le lien : se procurer le pack de navigation de la Trans Dinarica.
L’itinéraire de la Trans Dinarica (Croatie)
Remarque : au cas où vous vous posiez la question, aucun lien de ce blog n’est sponsorisé. Je ne perçois donc aucune commission, que vous cliquiez ou non !
Le long de la Trans Dinarica
En préparant votre périple à vélo, si vous vous interrogez sur la Trans Dinarica, n’hésitez pas à me poser vos questions dans la rubrique « commentaires » (votre @dresse mail ne sera pas publiée, contrairement à votre question qui le sera avec un léger décalage, généralement de quelques heures) : c’est avec plaisir que j’essaierai d’y répondre 🙂
Les itinéraires Eurovélo
Beaucoup plus connus que la Trans Dinarica encore confidentielle, les itinéraires Eurovélo ont fait leurs preuves depuis longtemps. Au nombre de dix-sept à ce jour, ils sillonnent l’Europe du Cap Nord à Malte, et de l’Irlande occidentale aux confins de l’Orient.
L’esprit est de constituer un réseau cohérent de grands itinéraires cyclables européens, en connectant les capitales et les grandes villes du continent. Le patrimoine naturel et culturel est mis en valeur tout en favorisant le tourisme durable.
Le réseau Eurovélo
Enfin, la sécurité des usagers est toujours prise en compte. Ainsi, les routes doivent être balisées et continues. Elles doivent également éviter les routes à fort trafic. Elles combinent donc pistes cyclables et routes secondaires, voire chemins balisés.
Le principal inconvénient, c’est que peu de ces routes Eurovélo sont totalement terminées.
Je suis attentivement l’évolution de certaines d’entre elles depuis cinq ans et pourtant, rien n’a bougé : elles en sont toujours au même stade (en général l’un des trois stades en rouge sur le tableau suivant) selon le site Eurovélo lui-même. Aucune évolution en cinq ans !
Percevoir les fonds européens, c’est bien, mais les utiliser pour procéder aux aménagements promis, ce serait mieux !
Les différents stades de développement des routes Eurovélo
J’enfonce un peu le clou : Eurovélo existe depuis 1995 mais trente ans plus tard (au 27 octobre 2025), une seule route est entièrement terminée ! Il s’agit de l’Eurovélo 19 : la route cyclable de la Meuse (1.050 km). Et cinq autres sont (enfin) à un état d’avancement supérieur à 90% :
Une seule route terminée en vingt ans, et cinq autres qui ne sont plus très loin de l’être, sur dix-sept routes en tout (les n° 16 et 18 n’existant pas encore), ce n’est quand même pas énorme. Bien sûr, il ne faut pas non plus cracher dans la soupe : ces dix-sept routes ont au moins le mérite d’exister, et Eurovélo reste un superbe projet pour les voyageurs à vélo.
Les automobilistes albanais
Pour les cyclistes qui recherchent une sécurité optimale sur la route, l’Albanie est un petit paradis. En effet, les automobilistes sont si respectueux des cyclistes qu’ils les doublent systématiquement en roulant sur la voie de gauche, y compris quand une voiture arrive en face d’eux ! J’ai pu le constater dès que j’ai passé la frontière depuis le Monténégro, puis quotidiennement pendant les onze jours que j’ai passés en Albanie.
A plusieurs reprises, j’ai carrément eu peur pour ces automobilistes car ils me doublaient sur la file de gauche alors qu’une voiture arrivait en face. Mais ceux qui arrivaient en face justement, fonctionnent de la même manière et ce sont donc eux qui se poussaient sur l’extrême bord de la route, parfois au ras du fossé, pour laisser passer la voiture en train de me doubler. Parfois ils se frôlaient, parfois ils devaient piler tous les deux pour ne pas se rentrer dedans, mais toujours ils passaient vraiment au large de moi, tout à gauche, donc.
Dans les pays que j’avais traversés précédemment (un peu en Italie et au Monténégro mais surtout en Croatie, et plus encore en Bosnie-Herzégovine), les voitures attendaient brièvement derrière moi lorsqu’une voiture arrivait en face, avant de me doubler. En Albanie, c’est différent : ils ne ralentissent pas, ils n’attendent pas derrière les cyclistes, ils passent, avec une grande marge de sécurité puisqu’ils doublent toujours sur la file de gauche et si quelqu’un arrive en face, c’est lui qui se pousse !
Je ne me suis donc absolument jamais senti en danger sur les routes albanaises. Le seul bémol concerne la capitale, Tirana où, comme indiqué dans l’article, quelques automobilistes pressés d’aller travailler à l’heure de pointe ont parfois un peu forcé le passage, mais sans jamais que je ne me sente vraiment en danger. Il me suffisait de les laisser passer dans les bouchons tiranais.
Petite queue de poisson à Tirana
En conclusion, les seules fois où j’ai eu peur sur les routes albanaises, c’était pour les automobilistes eux-mêmes, lorsqu’ils étaient à deux doigts de se percuter parce que l’un d’eux me doublait trop largement. Et pour tout dire, c’est anecdotique mais je me sentais tellement en sécurité que c’est dans ce pays que j’ai définitivement enlevé mon casque.
Infos pratiques
Où dormir à Përmet ?
J’ai dormi au Ramis Hotel & Outdoor Sports Center. C’est l’un des hôtels les moins chers de Përmet, il est propre, le confort est correct, les propriétaires sont accueillants et le petit déjeuner est copieux.
En plus de la partie hôtelière, l’établissement propose diverses activités, notamment la location de vélos et surtout, des sorties rafting sur la magnifique Vjosa. C’est l’un des fils des propriétaires qui assure l’encadrement de ces activités.
La Vjosa est un petit paradis naturel dans lequel de nombreuses activités sont possibles : le rafting est la plus prisée, mais on peut également descendre la rivière en bouée, faire des randonnées, du vélo (y compris électrique), du quad, de l’équitation…
Pour réserver ces activités, il y a plusieurs possibilités :
Demander des infos à votre hôtel, qui vous guidera ou, dans certains cas, qui vous proposera lui-même ses propres activités.
Après l’Italie, la Slovénie, la Croatie et la Bosnie-Herzégovine, le Monténégro est la quatrième étape d’un voyage à vélo effectué en 2025 entre la France et la Grèce.
Les étapes suivantes sont l’Albanie, la Grèce… et la Turquie !
La frontière montagneuse entre la Bosnie-Herzégovine et le Monténégro est l’un de ces endroits dont la géographie a le secret : située à environ 1.000 mètres d’altitude, je l’atteins après une longue montée pluvieuse côté bosnien, et je la quitte par une longue descente ensoleillée côté monténégrin. Le contraste est étonnant.
Au Monténégro, les arbres ont déjà commencé à verdir. Les champs sont en fleurs, le soleil brille et les couleurs explosent un peu partout, ce qui me change radicalement de la grisaille pluvieuse qui s’est montrée omniprésente pendant toute ma traversée de la Bosnie-Herzégovine. D’un côté de la frontière, c’est encore l’hiver et de l’autre, c’est déjà le printemps ! C’est fou comme les paysages peuvent être différents à seulement quelques kilomètres d’écart.
Je ne le sais pas encore mais cette étape marquera la disparition brutale de la pluie jusqu’à la fin de mon périple, à l’exception de quelques averses de temps en temps. Rien à voir avec tout ce que j’ai enduré ces derniers temps, à travers les Balkans depuis l’est de l’Italie. Désormais, c’est un autre voyage qui commence pour moi et la conséquence immédiate, c’est qu’après ces quinze jours de pluie quasi ininterrompue, mon moral se regonfle à bloc d’un seul coup.
L’entrée des bouches de Kotor
Vue sur la ville de Kotor
La baie de Kotor
En voyage, les destinations où je me régale le plus sont souvent celles où il n’y a rien à voir ! En effet, comme on n’y trouve généralement aucun visiteur, les habitants ne sont pas habitués aux fortes affluences touristiques et du coup, ils sont souvent encore plus ouverts qu’ailleurs. C’est pour cette raison que j’avais exclu la très fréquentée baie de Kotor de mon périple.
Notre-Dame-des-Anges, baie de Kotor
Mais le temps était si mauvais en Bosnie-Herzégovine que j’ai fini par adapter mon itinéraire à la météo : au lieu d’arriver au Monténégro par les montagnes du nord annoncées comme très pluvieuses, j’ai décidé de passer par la côte, au sud-ouest du pays, où la météo attendue est plus clémente. C’est là que se situent les bouches de Kotor, considérées comme la perle du pays.
Kotor est une petite ville fortifiée cernée par des montagnes vertigineuses qui se jettent brutalement dans la mer. Elle est située au cœur des bouches, que l’Unesco a classées au patrimoine de l’humanité.
Le lieu est très touristique mais j’ai la chance d’y être en plein mois de mars, c’est-à-dire en basse saison. Et je dois bien dire que le site vaut le déplacement.
La vieille ville de Kotor
Le but consiste à aller admirer la ville depuis les hauteurs, d’où la vue est réputée. Pour cela, il faut emprunter à pied un petit chemin escarpé qui serpente inlassablement dans la montagne. Il est constitué de nombreux lacets afin d’en faciliter l’ascension, mais j’en ai tellement bavé en gravissant à vélo les montagnes des balkans ces dernières semaines, que mes mollets désormais bétonnés prendraient presque cette petite escalade pour une promenade de santé.
Kotor
La côte monténégrine
Sur mon nouvel itinéraire, il fait désormais beau quasiment tous les jours et ça, après mon vécu apocalyptique des dernières semaines, ça n’a pas de prix. Moi qui avais initialement prévu de me perdre dans les montagnes septentrionales du pays, je me retrouve donc à longer la côte avec tous ses aménagements touristiques et pourtant, le soleil ambiant ne me fait pas regretter ce choix contraint.
La côte monténégrine
Je traverse à tour de rôle les différentes stations balnéaires qui se succèdent sur la côte : Budva, Sveti Stefan, Petrovac Na Moru, Bar…
L’île de Sveti Stefan
J’aurais clairement préféré rouler dans les montagnes du nord, comme initialement prévu. Mais le beau temps qui inonde toutes ces petites villes donnant sur la Grande Bleue contraste agréablement avec la pluie qui a submergé tous les paysages que j’ai traversés en Bosnie-Herzégovine. Alors ici, j’en profite car la côte est globalement jolie.
Un soir, après avoir roulé sensiblement plus longtemps que prévu et avec beaucoup de dénivelé, le temps ensoleillé du Monténégro change assez brusquement, cherchant visiblement à imiter celui de sa voisine bosnienne. Un froid inhabituel me tombe dessus en même temps que la fatigue du jour m’assaille. Je me mets alors à chercher un spot de bivouac que pour une fois je ne trouve pas, le littoral étant bétonné à peu près partout, et je me résous à prendre un petit hébergement pour la nuit, dans la station balnéaire de Bar.
L’église Saint-Jovan-Vladimir de Bar
En partant le lendemain, la béquille de mon vélo se met à trembloter quand je roule. C’est normal qu’au fil des kilomètres et des vibrations, elle finisse par se dévisser. J’essaie bien de la revisser mais c’est impossible car je n’ai pas les outils adéquats pour atteindre la tête de vis, que les concepteurs du vélo ont eu la lumineuse idée de rendre inaccessible. Par chance, je passe devant un garage à la sortie de la ville de Bar. Le mécano est très sympa mais à ma grande surprise, il n’arrive pas lui non plus à venir à bout de ce problème pourtant ridicule. Il m’envoie chez un mécano vélo, non loin de là. Alors bien sûr, je pourrais continuer à rouler sans utiliser la béquille mais elle m’est quand même bien utile pour immobiliser mon vélo en position debout chaque fois que je m’arrête sur le bord de la route. Je décide donc de prendre le temps de passer chez ce mécano vélo pour régler enfin ce petit problème. Je dois tourner un bon moment dans ce quartier désert avant de finir par le trouver, puisqu’il n’y a aucun panneau menant chez lui.
Le type en question s’appelle Novak Djinovic. Son petit atelier est situé dans le jardin de sa maison, dans un quartier résidentiel à la périphérie de Bar. Novak ne parle pas beaucoup et sourit peu. Par contre, il agit et je préfère ça plutôt que le contraire. A l’inverse de son voisin garagiste, il ne se laisse pas impressionner par cette modeste béquille, qu’il dévisse rapidement et sans problème. Puis il dévisage avec un air circonspect la vis qui la fixait au vélo, avant de m’expliquer sobrement qu’elle est trop courte, dans un anglais fortement marqué par son rude accent balkanique. Il fouille dans les petites boîtes posées un peu partout sur son établis jusqu’à ce qu’il trouve une vis qui convienne, deux fois plus grande. Il revisse la béquille et en dix minutes, mon problème est réglé.
En me montrant toutes mes sacoches posées par terre à l’entrée de son atelier, que j’avais démontées pour qu’il puisse manipuler mon vélo et le réparer, il me demande d’où je viens et où je vais à coups de pédales. Je lui explique donc mon voyage France – Grèce et il se montre si intéressé qu’au moment de payer, il me dit que c’est cadeau ! Bien sûr, il n’a pas passé énormément de temps à réparer et cela ne lui a coûté qu’une vis mais le geste est sympa quand même, car d’autres n’auraient pas hésité à me facturer trente ou cinquante euros pour une prestation similaire. J’insiste un peu pour payer en rassemblant mes quelques euros dans la main. Ignorant mes billets, il se contente de prendre trois pièces d’un euro et me dit en riant que ça lui paiera le café. Il m’explique qu’il est toujours heureux de dépanner les voyageurs à vélo puisque visiblement, je ne suis pas le seul à venir lui demander de l’aide dans ce coin pourtant perdu de la ville.
A partir de là, la langue mal pendue de Novak le taiseux se délie, et nous discutons ensemble pendant trois bons quarts d’heure. Il sourit désormais tout le temps et m’explique qu’à trente-neuf ans, il est ancien cycliste professionnel, comme en attestent toutes les coupes qui décorent un coin de son atelier. Les plus grosses et les plus prestigieuses trônent dans le séjour de sa maison. Pour le remercier de son aide, je lui offre une petite tour Eiffel bleue, qu’il place sur l’étagère du bas au milieu de ses trophées.
Novak Djinovic, ex-cycliste pro monténégrin
Nous faisons alors un selfie à sa demande car, me dit-il, il en fait avec tous les voyageurs à vélo qui lui rendent visite, son but étant à terme de décorer un mur entier de son atelier avec tous les selfies pris avec les cyclo-voyageurs rencontrés !
Je me sens plutôt honoré à l’idée de savoir qu’un jour, ma trombine contribuera à agrémenter le mur d’un atelier vélo au fin fond du Monténégro…
Avec Novak Djinovic
J’ai perdu pas mal de temps ce matin à chercher quelqu’un pour réparer ma béquille. La discussion qui s’en est suivie avec Novak ne m’a pas fait rattraper mon retard, mais ce n’est pas bien grave puisque c’est justement le genre de rencontres que je recherche en voyage.
Dans l’après-midi, alors que j’approche de la frontière albanaise, un type dans une camionnette arrêtée sur le bord de la route me fait de grands signes. En même temps que je m’arrête, il descend de son véhicule : c’est un policier en uniforme. Je n’ai pas l’impression d’avoir fait une boulette et je m’attends plutôt à une demande de bakchich mais heureusement pour moi, le bonhomme est hilare !
En le regardant s’approcher, son visage me dit quelque chose et pourtant, je ne le reconnais pas tout de suite car son uniforme perturbe mes souvenirs.
« Apartman dobra ? » me demande-t-il sans se départir de son rire, c’est-à-dire je crois : « l’appartement était bien ? » Ça me revient alors enfin : c’est le gars qui m’a loué le petit appartement la veille au soir, à la dernière minute et à prix bradé, alors que la nuit tombait et que pour une fois, je ne trouvais pas de bivouac. Mais il était en civil et c’est vrai qu’un uniforme, ça vous transforme un bonhomme ! Bref, il m’explique qu’il travaille pour la douane et contrôle les voyageurs en provenance de l’Albanie voisine.
C’est sur cette dernière rencontre inattendue et amicale que je quitte le Monténégro pour entrer dans un pays qui, je ne le sais pas encore, va me marquer profondément : l’Albanie…
Le coin du cycliste
Trans Dinarica : l’itinéraire de rêve pour les cyclistes
La Trans Dinarica est un itinéraire cycliste qui relie les pays des Balkans occidentaux en traversant une superbe chaîne de montagnes, les Alpes Dinariques. Ce parcours a été conçu pour permettre aux cyclo-voyageurs qui s’aventurent par là de découvrir tout le patrimoine local : naturel, culturel, gastronomique…
La Trans Dinarica en Croatie
Cet itinéraire passe par des villages, des forêts, des montagnes, ou encore par la mer. Il alterne entre routes bitumées très peu fréquentées et chemins de terre ou de pierres en pleine nature. Il traverse des parcs nationaux et des sites classés au patrimoine de l’humanité par l’Unesco.
Bivouac sur le parcours de la Trans Dinarica
Tout au long du parcours, on découvre l’hospitalité des habitants des Balkans ainsi que les paysages à couper le souffle de cette superbe région méconnue, en plein cœur de l’Europe. Bref, quand on roule sur la Trans Dinarica, on en prend plein les yeux et on se sent une âme d’aventurier !
Sur la Trans Dinarica, sous la pluie (Bosnie-Herzégovine)
La pépite : le site Trans Dinarica
La carte suivante montre sommairement le parcours de la Trans Dinarica (copie d’écran extraite du site Trans Dinarica).
En cliquant pays par pays, ce site propose également de nombreux itinéraires alternatifs : rejoindre le parcours depuis les grandes villes, faire des détours pour aller visiter des sites intéressants à proximité, etc.
A titre d’exemple, c’est l’un de ces détours que j’ai utilisé pour traverser l’île de Pag, qui s’est avérée l’un des plus beaux endroits visités lors de ma « Trans Europa » !
La Trans Dinarica passe par la rivière Drin (Albanie)
Pour se procurer le parcours précis ainsi que sa trace GPS, ce que j’ai fait, il suffit donc de se connecter au site officiel : Trans Dinarica.
Bien sûr, ce n’est pas gratuit mais ce n’est pas très cher non plus et surtout, cela vaut tellement le coup : si, comme moi, vous êtes un.e cycliste amoureux.se de la nature, alors le rapport qualité-prix de ces packs est carrément exceptionnel. On traverse des endroits tellement natures, isolés et sauvages sans jamais se perdre que ça vaut largement la peine, selon moi, de s’offrir ces packs.
A l’inverse, l’itinéraire de la Trans Dinarica traverse peu de villes. Aussi, si vous êtes attiré.e par les grandes métropoles, ces packs ne vous conviendront peut-être pas : privilégiez alors plutôt les itinéraires Eurovélo (lire plus bas), qui seront beaucoup plus adaptés à vos goûts citadins (capitales, monuments, musées, hébergements etc).
Pour résumer, la Trans Dinarica a plutôt tendance à fuir les zones touristiques et notamment la côte Adriatique, avec ses stations balnéaires souvent prises d’assaut, pour s’enfoncer dans les montagnes beaucoup moins fréquentées. Contrairement à Eurovélo, qui ne dévie à peu près jamais des itinéraires touristiques.
On peut se procurer le pack de la Trans Dinarica pour les huit pays à un tarif à mon avis avantageux (à partir de 90 euros), ou bien choisir un pack par pays (de 8 à 23 euros selon le pays). Le lien : se procurer le pack de navigation de la Trans Dinarica.
L’itinéraire de la Trans Dinarica (Croatie)
Remarque : au cas où vous vous posiez la question, aucun lien de ce blog n’est sponsorisé. Je ne perçois donc aucune commission, que vous cliquiez ou non !
Le long de la Trans Dinarica
Je dois préciser que le Monténégro est le seul pays dans lequel je n’ai pas emprunté la Trans Dinarica. A cause d’une météo exécrable, j’ai en effet dû changer d’itinéraire en quittant la Bosnie-Herzégovine, ce qui m’a amené à traverser le Monténégro par sa côte sud, plutôt que par les montagnes du nord, comme initialement prévu. Mais cet itinéraire cycliste vaut tellement la peine de rouler dessus que je le cite quand même dans cet article, pour tous ceux qu’il pourrait attirer…
Du coup, en préparant votre périple à vélo, si vous vous interrogez sur la Trans Dinarica, n’hésitez pas à me poser vos questions dans la rubrique « commentaires » (votre @dresse mail ne sera pas publiée, contrairement à votre question qui le sera avec un léger décalage, généralement de quelques heures) : c’est avec plaisir que j’essaierai d’y répondre 🙂
Les itinéraires Eurovélo
Beaucoup plus connus que la Trans Dinarica encore confidentielle, les itinéraires Eurovélo ont fait leurs preuves depuis longtemps. Au nombre de dix-sept à ce jour, ils sillonnent l’Europe du Cap Nord à Malte, et de l’Irlande occidentale aux confins de l’Orient.
L’esprit est de constituer un réseau cohérent de grands itinéraires cyclables européens, en connectant les capitales et les grandes villes du continent. Le patrimoine naturel et culturel est mis en valeur tout en favorisant le tourisme durable.
Le réseau Eurovélo
Enfin, la sécurité des usagers est toujours prise en compte. Ainsi, les routes doivent être balisées et continues. Elles doivent également éviter les routes à fort trafic. Elles combinent donc pistes cyclables et routes secondaires, voire chemins balisés.
Le principal inconvénient, c’est que peu de ces routes Eurovélo sont totalement terminées.
Je suis attentivement l’évolution de certaines d’entre elles depuis cinq ans et pourtant, rien n’a bougé : elles en sont toujours au même stade (en général l’un des trois stades en rouge sur le tableau suivant) selon le site Eurovélo lui-même. Aucune évolution en cinq ans !
Percevoir les fonds européens, c’est bien, mais les utiliser pour procéder aux aménagements promis, ce serait mieux !
Les différents stades de développement des routes Eurovélo
J’enfonce un peu le clou : Eurovélo existe depuis 1995 mais trente ans plus tard (au 27 octobre 2025), une seule route est entièrement terminée ! Il s’agit de l’Eurovélo 19 : la route cyclable de la Meuse (1.050 km). Et cinq autres sont (enfin) à un état d’avancement supérieur à 90% :
Une seule route terminée en vingt ans, et cinq autres qui ne sont plus très loin de l’être, sur dix-sept routes en tout (les n° 16 et 18 n’existant pas encore), ce n’est quand même pas énorme. Bien sûr, il ne faut pas non plus cracher dans la soupe : ces dix-sept routes ont au moins le mérite d’exister, et Eurovélo reste un superbe projet pour les voyageurs à vélo.
La cohabitation avec les automobilistes…
Si je ne me suis jamais senti réellement en danger sur les routes du Monténégro, c’était quand même la première fois que je voyais les voitures me doubler d’aussi près. La plupart des automobilistes, comme dans les pays précédents, faisaient très attention à moi et respectaient une bonne distance de sécurité en me doublant, mais pas tous. Il y en avait en effet quelques-uns qui passent assez près de moi et assez vite, ce qui ne m’était jamais arrivé dans les pays précédents (et qui ne m’arrivera plus non plus dans les pays suivants).
Il ne faut évidemment pas généraliser car globalement, en tant que cycliste, les routes monténégrines m’ont paru assez sûres, mais j’ai dû rester un peu plus vigilant que d’habitude.
La Bosnie-Herzégovine est la quatrième étape du voyage à vélo que j’ai effectué en 2025 entre la France et la Grèce après l’Italie, la Slovénie et la Croatie.
Les étapes suivantes sont le Monténégro, l’Albanie, la Grèce… et la Turquie !
Après une petite semaine de pluies diluviennes, qui ont commencé en Italie et m’ont harcelé à travers la Slovénie jusqu’en Croatie, j’ai eu la chance d’avoir un temps magnifique pendant un jour et demi sur l’île de Pag. Mais depuis que j’ai quitté ce petit coin de rêve, je suis à nouveau assailli par des trombes d’eau.
A la petite frontière bosnienne que j’atteins en plein cœur des montagnes, le jeune douanier m’informe que la météo prévoit encore deux jours de fortes pluies. Je ne le sais pas encore mais elles dureront finalement une semaine.
Mes premiers kilomètres en Bosnie-Herzégovine
C’est fou ce qu’une simple frontière peut changer les choses. En Croatie, je ne me suis pas senti spécialement dépaysé. Le pays a l’air développé grâce entre autres au tourisme, qui représente une manne financière importante.
Mais en Bosnie-Herzégovine, je n’ai pas du tout la même impression : je la trouve beaucoup moins développée que sa voisine croate. Ici, l’ambiance rurale est bien plus prégnante, et les villages me semblent restés figés plusieurs décennies en arrière. Les bolides de grandes marques allemandes tous plus onéreux les uns que les autres, si nombreux sur les routes croates, laissent la place en Bosnie-Herzégovine à des voitures beaucoup plus petites, beaucoup plus modestes et beaucoup moins rutilantes. En plus, il y a carrément de nombreuses épaves roulantes en circulation. Mais ce qui me marque le plus, c’est peut-être le nombre de maisons en ruine qui bordent les routes, vraisemblables vestiges de la guerre. Cette dernière a beau être terminée depuis trente ans, ces constructions délabrées font toujours partie du paysage.
Ici, ma nouvelle compagne depuis une semaine ne me lâche plus : cette pluie persistante redouble carrément d’intensité en Bosnie-Herzégovine. Elle transperce désormais avec une grande facilité tous mes vêtements techniques de cycliste itinérant. Pourtant censés être imperméables, ils s’avèrent être de véritables passoires : chaussures « protégées » par des guêtres, triple épaisseur de gants, surpantalon, double coupe-vent, ils laissent tous passer l’eau…
Du coup, le ciel sadique prend un malin plaisir à me cracher dessus de toutes les façons possibles : bruine fine et légère, fortes pluies à grosses gouttes, averses orageuses… Son imagination n’a pas de limites pour m’arroser et il me détrempe des pieds à la tête à longueur de journée. Et le puissant vent de face qui est désormais son allié achève la besogne en me congelant jusqu’aux os.
Une semaine de vélo sous une pluie battante dans les montagnes de Bosnie-Herzégovine
Ces conditions difficiles ne m’empêchent pas d’éprouver une certaine sympathie pour ce pays et ses habitants, car je ne cesse de penser à tous les massacres qui ont été perpétrés ici il y a trente ans. Les gens ont alors tellement souffert, parfois au-delà de l’imaginable, que je ne vais quand même pas me plaindre pour quelques gouttes de pluie.
Squatter une maison en ruine
Au soir de ma troisième journée dans le pays, je suis tellement mouillé que je décide de poser ma petite tente non pas en pleine nature, laquelle est pourtant propice au bivouac tellement elle est sauvage par ici, mais dans l’une de ces petites maisons en ruine qui bordent la route un peu partout.
En effet, depuis ma dernière nuit dans une auberge, cela fait deux jours que je trempouille dans mes guenilles imbibées. Dormir sous un toit, même abandonné, évitera à ma tente de prendre l’eau, et cela me permettra également de faire sécher mes vêtements pendant la nuit. Car si je devais remettre ces fringues détrempées demain matin à la sortie de mon duvet chaud et douillet, elles me réfrigèreraient aussitôt, et reprendre la route par zéro degré ainsi accoutré ne serait vraiment pas une partie de plaisir.
C’est ainsi qu’au milieu de nulle part, sur l’une de ces petites routes de montagnes où presque jamais personne ne passe, je finis par trouver mon bonheur. Il s’agit d’une petite maisonnette abandonnée, dont la façade est toute taguée.
Squatter une maison en ruine
A l’intérieur, il ne fait pas bien chaud avec ce vent fort qui circule, les portes et les fenêtres ayant disparu depuis longtemps. L’avantage de ce gruyère, c’est que l’air qui s’y balade devrait permettre à tous mes vêtements de sécher pendant la nuit. Toujours voir le verre à moitié plein. Pour l’occasion, j’utilise mon vélo polyvalent en mode étendoir.
A l’intérieur, tout est dévasté : le sol est jonché de briques et de tuiles en miettes, mais aussi de détritus de toutes sortes, notamment des cadavres de bouteilles cassées et de canettes, sans compter quelques excréments desséchés que je soupçonne être d’origine humaine. Je ne perds pas trop de temps à réfléchir à cette question et, après avoir fait un ménage minimaliste à l’aide d’un morceau de tuile cassée, je monte ma tente dans le recoin qui est à la fois le moins sale et le plus abrité possible du vent, lequel traverse continuellement ma nouvelle maison, entre l’ouverture de la porte et celle d’une fenêtre.
Après avoir enfilé des vêtements secs et dévoré un plat de pâtes chaudes, je me surprends à constater que lorsqu’on vit dans un certain dénuement, un petit rien peut se transformer en véritable luxe : cette maisonnette en ruine qui, après avoir longtemps servi de squat est devenue un véritable repoussoir, je la vois plutôt, moi, comme un petit palace qui va me permettre de passer enfin une nuit bien au sec. Quand on est trempé et frigorifié huit heures par jour, un petit taudis qui abrite devient vite un luxe appréciable.
Dans ces montagnes reculées, il n’y a aucun réseau et je n’arrive donc pas à joindre ma petite femme, qui commence à me manquer sérieusement, pour lui donner ma position et lui dire que tout va bien. Nous avons discuté de cette éventualité avant mon départ : je lui avais bien dit que si un jour elle n’avait pas de nouvelles de moi, elle ne devrait pas s’inquiéter. Car s’il devait y avoir un problème grave, elle en serait forcément informée par quelqu’un, que ce soit les autorités ou quiconque d’autre. A cet effet, je porte toujours sur moi ses coordonnées de façon très accessible.
Malgré tout, je sais pertinemment qu’elle va passer la nuit à s’inquiéter alors que pour moi finalement, tout va bien. Cela m’empêche de trouver le sommeil malgré la fatigue due au pédalage de la journée si bien qu’au milieu de la nuit, je décide de me lever pour aller marcher sur la route située non loin. Je m’y retrouve à déambuler dans le noir absolu, car l’épais plafond de nuages absorbe la moindre lueur provenant de la lune et des étoiles : aucune once de lumière céleste ne peut parvenir jusqu’à moi. Sous une bruine fine et mouillante, je marche sur cette route d’un noir d’encre à la recherche d’un peu de réseau que je ne trouverai jamais. Je pense très fort à elle et je sais qu’elle pense très fort à moi mais la modernité n’ayant pas poussé jusqu’ici, l’absence de réseau ne me permettra pas de lui donner des nouvelles rassurantes avant demain.
Quelques heures plus tard au petit jour, il me suffira de rouler trois ou quatre kilomètres pour accrocher brièvement un peu de réseau et la rassurer par messages.
Déluge dans les montagnes
Une poignée de kilomètres plus loin, mon GPS me fait quitter le bitume routier pour un petit chemin sauvage montant dans les cailloux. La journée est l’une des plus pluvieuses depuis le début du périple, le chemin est boueux et ses innombrables pierres particulièrement glissantes. Le GPS m’indique que je vais devoir affronter dix kilomètres de montées, et donc de galères vu la météo exécrable, avant de retrouver enfin une route asphaltée.
Ce chemin monte tellement et les pierres sont si glissantes que je dois régulièrement pousser mes cinquante-quatre kilos de vélo. Je n’ai jamais progressé aussi lentement. Il pleut toujours autant, le paysage est complètement bouché par la brume qui m’entoure, et je suis trempé et gelé. J’ai tellement mais tellement hâte d’en finir avec ces dix kilomètres pour retrouver enfin un peu de bitume.
Quand mon GPS m’indique enfin que je vais rejoindre la route, la réalité s’avère tout autre : il n’y a pas le moindre bitume autour de moi, juste ce tortionnaire de petit chemin qui continue encore et toujours à perte de vue derrière l’horizon. Il serpente à travers la montagne puis traverse des bouts de forêts et des plaques de neige. Il fait froid et un brouillard de plus en plus épais m’entoure. Il se lève bien un peu de temps en temps mais le plus souvent, je n’y vois pas grand-chose. Les conditions sont vraiment difficiles et pourtant, je n’ai pas de quoi me plaindre tant que je ne vois aucun ours amaigri après plusieurs mois d’hibernation surgir du bois pour me débouler dessus.
C’est le moment que choisit l’écran de mon téléphone pour faire des siennes. Ça m’est déjà arrivé une fois avec un téléphone précédant, au cours d’une rando humide (décidément) en montagne : l’écran avait subitement changé de couleurs en tirant sur un vert, un rose et un bleu un peu fades, avant de rendre définitivement l’âme à cause de l’humidité. Je réalise donc que si ça se reproduit ici, je n’aurai plus de GPS. Et même s’il n’y a un vague croisement que tous les deux ou trois kilomètres sur ce chemin désespérément isolé, sans GPS, je finirai forcément par me perdre.
Depuis que j’ai quitté la route, je n’ai aperçu, même au loin, aucune maison, aucune route, aucun poteau électrique, bref, aucun signe de vie humaine. Pas le moindre. Si mon téléphone-GPS me lâche, je n’aurai plus aucun moyen de sortir de ces montagnes. Il ne me restera plus qu’à me réfugier sous ma tente, qui finira forcément par prendre l’eau à un moment ou à un autre avec tout ce qui tombe. J’ai bien de quoi manger pour deux jours car j’ai toujours deux sachets lyophilisés en réserve ainsi que du riz, mais je ne vois vraiment pas comment je pourrai sortir d’ici sans GPS et sans personne alentour pour m’aider, sauf improbable coup de chance.
Je retire donc immédiatement mon téléphone de la petite sacoche soi-disant étanche dont la vitre plastifiée me permettait jusque-là de voir mon chemin sur l’écran, et je le mets dans l’une de mes quatre grandes sacoches étanches de porte-bagages. Il pleut tellement que pendant l’opération, l’eau a le temps de pénétrer dans la sacoche. Je décide de ne plus penser à l’hypothèse d’un décès de mon téléphone-GPS : pour l’instant, il fonctionne donc tout va bien. S’il rend l’âme, il sera toujours temps d’aviser…
Avant de l’enfermer à peu près au sec, je regarde bien le parcours qui m’attend dans les prochains kilomètres en essayant de mémoriser les croisements à venir, et la route qu’il faudra prendre alors, puisque je n’aurai plus l’écran sous les yeux.
Conditions de vélo hivernales
Le temps ne passe pas vite et les kilomètres défilent lentement. De temps en temps, afin de vérifier ma route, j’enlève mes trois paires de gants imbibées pour attraper mon téléphone du bout de mes doigts trempés, ce qui n’arrange pas son problème d’humidité. Mais comme toutes mes affaires sont mouillées, je n’ai aucune possibilité de m’essuyer les mains. Je vérifie juste que je suis toujours sur le bon itinéraire et je range rapidement ce petit appareil qui est désormais mon meilleur ami, à l’intérieur de ma sacoche mi-sèche, mi-humide, et en croisant les doigts qui sont tout fripés.
Au moment où je repense à ces ours affamés que je n’ai toujours pas croisés, ce qui me rappelle au passage que la situation peut toujours être pire, trois ou quatre chiens me fondent dessus en aboyant. Leurs copains arrivent peu à peu et ils finissent par être sept. En approchant, tous aboient à m’en péter les tympans, pourtant, aucun n’entre dans ma bulle d’un bon mètre de diamètre. J’essaie de les amadouer mais rien n’y fait. Ils n’ont pas l’air bien méchant mais leurs aboiements persistants et très sonores sont insupportables. Il y en a surtout un qui de toute évidence ne m’aime pas du tout car il aboie en boucle, et c’est celui qui s’approche le plus souvent de mes mollets dodus. Il me suivra pendant plus d’une demi-heure sans jamais arrêter d’aboyer. Impressionnant.
Pour la première fois du périple qui sera aussi la dernière, je m’affale par terre. Trop occupé à surveiller ces canidés déchaînés vociférer derrière moi, je n’ai pas vu une grosse pierre contre laquelle bute ma roue avant, et je m’effondre comme un gros étron au milieu de tous ces cailloux. Sans gravité mais décidément, sale journée.
Au final, je mettrai cinq heures et demie pour faire dix-neuf misérables kilomètres avec mon vélo et rejoindre enfin une petite route bitumée, certes défoncée mais tellement salvatrice. A titre de comparaison, un marcheur moyen parcourt entre vingt-cinq et trente kilomètres dans le même laps de temps ! J’ai beau être un adepte des sports de grande endurance et donc habitué à ce type d’efforts longs et difficiles, je n’ai pas le souvenir d’avoir vécu une journée d’activité sportive aussi exigeante physiquement et dure moralement de toute ma vie.
A la fin de ce chemin démoniaque, il ne me reste plus qu’une vingtaine de kilomètres jusqu’à Mostar, avec essentiellement des descentes en perspective. Toutefois, par sécurité, je ne les dévale pas à fond car tout est mouillé, aussi bien le bitume que mes freins. Je n’attends donc pas le dernier moment pour freiner, et je commence à les actionner bien avant chaque virage, histoire de ne pas terminer cette magnifique journée au fond d’un ravin alors que le plus dur est enfin passé.
La route est inondée dans le premier petit village que je traverse, où quelques voitures garées trempent dans l’eau jusqu’au milieu des roues. Quand mon vélo se hasarde à rouler dans ces immenses flaques, mes pieds se retrouvent totalement immergés jusqu’aux chevilles à chaque coup de pédale, mais qu’importe finalement puisqu’ils sont déjà tout fripés depuis des heures.
Mostar
Lorsque j’arrive enfin au paradis, Mostar, je décide de prendre une chambre dans une petite auberge familiale aux prix modiques, carrément pour trois nuits. La météo ne prévoit en effet aucune amélioration au cours des prochains jours, excepté une brève éclaircie pendant quelques heures le lendemain. Inutile de remonter sur mon vélo au petit matin pour revivre des galères comme celles d’aujourd’hui. Trois nuits dans un lit confortable avec une couette propre, ainsi que deux jours de repos ne me feront pas de mal. Je repartirai le troisième jour tout frais et reposé, avec un moral en béton…
La propriétaire de l’auberge, Inga, se montre extrêmement accueillante si bien qu’en trois jours, nous avons le temps de sympathiser.
En me mettant au lit pour ma première nuit à Mostar, je savoure la douceur des draps propres qui glissent contre ma peau, si adoucie par ma première douche depuis trois jours. Et quand je repense à la nuit précédente que j’ai dû passer au milieu d’immondices dans un nid à rats, je considère que la petite auberge chaleureuse d’Inga vaut largement un hôtel douze étoiles.
Le lendemain de mon arrivée, elle me demande non pas si ça va bien mais si ça va mieux. Sa question me surprend un peu car je ne lui ai jamais dit que ça n’allait pas. Elle m’avoue alors qu’elle a eu très peur en me voyant arriver dégoulinant la veille, tellement j’avais l’air dévasté par la fatigue. Et elle insiste bien sur l’apparence épuisée que j’avais alors : les joues creuses et le tour des yeux noir, paraît-il ! Je suis sidéré d’entendre ça car de mon point de vue, j’étais tellement heureux d’arriver dans son auberge chauffée et conviviale, après la journée si difficile que je venais de vivre, que je ne pensais vraiment pas dégager une image de moi aussi pitoyable. Elle ajoute qu’en rentrant chez elle, elle a même fait part à son mari de son inquiétude sur mon état de santé ! Et moi qui pensais être souriant, cool et détendu…
Qu’est-ce que ça fait du bien de flâner dans les rues sans avoir rien à faire ! Rien, c’est vite dit : avant de partir à la découverte de cette ville-martyre, je dois quand même m’acquitter de mes tâches habituelles à chacune de mes escales en ville : faire une lessive manuelle de mes vêtements sales et boueux, recharger les batteries de tous mes appareils (téléphone, appareil photo, caméras, batterie externe…), faire sécher ma tente au milieu de ma petite chambre etc. Mais ensuite, déambuler tranquillement dans les ruelles de Mostar s’avère vraiment régénérant. Je profite des seules minutes de la semaine où un peu de soleil se fraiera un petit passage entre les nuages dans le ciel de l’Herzégovine, pour faire quelques images de la ville, avant le retour au galop de la pluie et de la pénombre.
Certains bâtiments de Mostar comportent toujours des trous d’obus au milieu de façades criblées de balles. La guerre qui a fait rage il y a plus d’un quart de siècle, dans cette ville aux profondes divisions ethniques, a laissé des cicatrices qui sont toujours visibles un peu partout aujourd’hui.
Mostar : trou d’obus et impacts de balles, trente ans après…
L’ambiance de la ville est assez difficile à décrire. D’une part, je la trouve lourde, avec ses habitants qui ne discutent guère entre eux et ne semblent même pas savoir rire. Ils se croisent et se côtoient mais ils ne dégagent aucune chaleur entre eux. D’autre part, je trouve à Mostar un côté hypnotique et fascinant qui m’attire irrésistiblement : je ne sais pas trop pourquoi mais j’aime cette ville. Je ne suis qu’un voyageur de passage donc bien sûr, ce ressenti très personnel ne vaut que pour moi. La réalité, c’est que de l’avis de tous, habitants comme experts, il suffirait aujourd’hui d’une petite étincelle pour que la situation explose à nouveau entre bosniaques musulmans, croates catholiques et serbes orthodoxes, qui se partagent la ville. Certains observateurs se demandent même, non pas si de nouveaux affrontements vont survenir, mais quand…
Amin, artisan graveur
L’immense croix érigée en 2000 par les catholiques sur les hauteurs de la cité, vécue comme une véritable provocation par les non catholiques en général et les musulmans en particulier, n’a fait qu’ajouter de l’huile sur ce feu qui ne s’est jamais vraiment éteint malgré trente ans de paix. Souvent considérée comme un symbole de domination religieuse, cette grande croix est également perçue par beaucoup comme un obstacle à la réconciliation entre les différentes communautés.
Objectivement, je dois dire que lorsqu’on lève la tête vers les montagnes depuis Mostar, on ne peut vraiment pas rater cet énorme symbole religieux…
La veille de mon départ, Inga frappe à la porte de ma chambre. Toujours aussi souriante, elle m’offre une part du gâteau qu’elle vient de réaliser. Elle est passionnée de pâtisserie et ce gâteau aux fruits rouges est aussi élaboré qu’un vrai gâteau de pâtissier. Elle l’a fait à l’occasion de l’anniversaire de son mari. Pauvre homme : alors qu’il ne me connaît même pas, le voilà obligé de partager ce succulent dessert avec moi !
Inga m’offre son gâteau
L’un des objectifs de mon périple, c’était de faire des rencontres. Ayant lu beaucoup de témoignages de voyageurs à vélo selon lesquels ils étaient parfois l’objet d’une grande attention et d’une grande générosité de la part des habitants des Balkans, j’espérais avant mon départ que je connaîtrais le même sort. Et je me disais que si c’était le cas, il faudrait que je puisse remercier ces habitants pour leur accueil, mais je ne savais pas comment faire : impossible d’emporter sur mon vélo des bouquets de fleurs où des bouteilles de vin à offrir.
J’avais alors pensé à un symbole de la France mondialement connu : la tour Eiffel. J’ai donc acheté sur Internet quelques dizaines de petites tour Eiffel bleues en porte-clés.
Pourquoi bleues ? Je n’en sais rien, toujours est-il qu’elles ne sont pas lourdes et ne prennent aucune place sur mon vélo. En d’autres termes, le petit cadeau idéal.
Inutile de dire que lorsqu’Inga m’offre une part de cette pâtisserie haut-de-gamme qui me change radicalement de mes pâtes quotidiennes au réchaud, je m’empresse de lui donner en retour, ainsi que pour l’ensemble de son accueil, l’une de ces petites tours Eiffel bleues. Elle a alors la même réaction que tous les gens à qui j’en offre une : elle marque d’abord un bref étonnement avant d’éclater de rire avec moi, puis de me remercier chaleureusement.
Ce n’est pas grand-chose bien sûr mais c’est une petite marque de reconnaissance sincère qui me tient à cœur, et que je destine à tous les gens que je rencontre au cours de ce périple et qui me donnent un coup de main quelconque. Et c’est vrai que ce modeste souvenir, qui fait systématiquement son petit effet, nous permet toujours de passer un bon dernier moment ensemble juste avant de nous quitter.
L’emblème de Mostar : son fameux pont
Après deux jours entiers de remise à neuf, je reprend gaiement la route. Il pleut toujours abondamment et sur ces routes bosniennes inondées, les nombreuses voitures qui me doublent dans les flaques à la sortie de Mostar m’arrosent à tour de rôle. Les conditions sont pourtant moins difficiles qu’il y a trois jours même si, avec ces paysages aquatiques, j’ai quand même une impression de déjà-vu.
La nécropole de Radimlja, patrimoine de l’humanité
Dans les Balkans, quelques milliers de stecci sont éparpillés dans la nature. Les stecci, ce sont des pierres tombales médiévales monumentales. On en trouve un peu partout : dans les forêts, dans les champs, le long des rivières… Avec 60.000 spécimens, c’est la Bosnie-Herzégovine qui en compte le plus.
Pour la première fois depuis je ne sais plus combien de jours, la pluie baisse soudain d’intensité au moment précis où je passe à hauteur de la nécropole de Radimlja, classée par l’Unesco au patrimoine de l’humanité. J’en profite pour y faire une brève halte et me balader dans ce cimetière impressionnant tout droit sorti du Moyen-Âge.
Stecci de la nécropole de Radimlja
Le chevalier défunt représenté avec son arc
Trahi par le GPS
Komoot est un excellent GPS vélo. La plupart du temps, il m’emmène soit sur des petites routes très peu fréquentées, soit carrément sur des petits chemins déserts à travers la nature. Ces endroits sont parfois si isolés que j’ai alors l’impression d’être arrivé au bout du monde. C’est tout ce que j’aime. Mais parfois aussi, je dirais peut-être une fois par semaine, Komoot est subitement et inexplicablement atteint de folie. Et dans ces moments-là, il peut m’emmener absolument n’importe où.
Ce jour-là donc, après avoir roulé trois bonnes heures après Mostar sur ces routes et chemins perdus à travers les bois, je finis par me retrouver en pleine campagne. Les nuages sont toujours aussi noirs et le ciel ne cesse de pleurer des torrents. Mon itinéraire se poursuit sur un petit chemin inondé qui rétrécit de plus en plus. Il traverse des champs si verts qu’à l’évidence, ils ne connaissent pas l’existence du mot sécheresse.
Komoot m’enverra au milieu de ces champs sur un chemin inexistant
A un moment, Komoot m’indique qu’il faut tourner à gauche mais il n’y a en réalité aucun croisement. Pourtant, le GPS est précis au mètre près. Je décide donc de tourner quand même à gauche comme il l’indique et de rouler dans l’herbe du vaste champ qui se trouve là, tout en suivant exactement le tracé de l’itinéraire GPS sur mon écran. Car au fond de moi, je pense que le chemin finira sans doute par réapparaître un peu plus loin. Mais au bout de quelques centaines de mètres, toujours rien, sauf un fossé bordé par un talus qui me barrent tous les deux la route. N’ayant pas le choix, je fais demi-tour.
La pluie n’arrête toujours pas de tomber, mon GPS m’a planté, je suis complètement perdu et le coin est désert, sans personne pour m’aider.
Je reviens donc sur mes pas jusqu’à ce que je retrouve un chemin carrossable. Là, mon cerveau ramolli ne me propose pas de meilleure idée que d’attendre sous la pluie, ce que je fais donc comme un misérable. Au bout d’une dizaine de minutes et comme souvent depuis le début du voyage, la chance choisit son camp. Mais pour une fois, c’est le mien !
Un homme arrive en effet dans ma direction, abrité sous un parapluie rosâtre qui égaye un peu la grisaille ambiante. Il est accompagné d’un chien qui semble tout content de me voir alors que nous ne nous connaissons pourtant pas.
Rencontre providentielle sous la pluie
Après avoir gratifié ce monsieur du traditionnel dobar dan (bonjour), je lui demande la direction de ma prochaine étape, la ville de Trebinje. Avec une grosse voix et dans sa langue à couper au couteau, il se lance dans un monologue auquel je ne comprends pas un traitre mot.
Pourtant, il a une vraie envie de m’aider et grâce aux gestes qu’il fait pour accompagner ses explications, je finis par comprendre que je dois aller tout droit jusqu’à un bled inconnu nommé Mosko ; puis tourner à droite et continuer droit devant jusqu’à Trebinje.
Faute de GPS, je suivrai ses indications et en fin de journée, j’aurai la double surprise, d’une part d’arriver à Trebinje sans encombre et d’autre part, de rouler les derniers kilomètres sous… quelques rayons de soleil !
Moralité : il vaut toujours mieux écouter les conseils incompréhensibles d’un inconnu bosniaque, que faire confiance au plus moderne des GPS.
Trebinje sous un rayon de soleil
L’église du Saint-Archange Michel, à Trebinje
Le lendemain, le soleil décide d’honorer ma dernière matinée dans le pays en me gratifiant de sa présence. Alors bien sûr, il ne restera qu’une petite heure et demie avant de repartir au galop se cacher derrière les nuages, une pluie vengeresse lui succédant immédiatement, mais ce bref moment de lumière me permet enfin de voir un peu à quoi ressemble la Bosnie-Herzégovine !
Mais maintenant, direction le Monténégro…
Info pratique – La Trans Dinarica : l’itinéraire de rêve pour les cyclistes
La Trans Dinarica est un itinéraire cycliste qui relie les pays des Balkans occidentaux en traversant une superbe chaîne de montagnes, les Alpes Dinariques. Ce parcours a été conçu pour permettre aux cyclo-voyageurs qui s’aventurent par là de découvrir tout le patrimoine local : naturel, culturel, gastronomique…
La Trans Dinarica en Croatie
Cet itinéraire passe par des villages, des forêts, des montagnes, ou encore par la mer. Il alterne entre routes bitumées très peu fréquentées et chemins de terre en pleine nature. Il traverse des parcs nationaux et des sites classés au patrimoine de l’humanité par l’Unesco.
Bivouac sur le parcours de la Trans Dinarica
Tout au long du parcours, on découvre l’hospitalité des habitants des Balkans ainsi que les paysages à couper le souffle de cette superbe région méconnue, en plein cœur de l’Europe. Bref, quand on roule sur la Trans Dinarica, on en prend plein les yeux et on se sent une âme d’aventurier !
Sur la Trans Dinarica, sous la pluie (Bosnie-Herzégovine)
La pépite : le site Trans Dinarica
La carte suivante montre sommairement le parcours de la Trans Dinarica (copie d’écran extraite du site Trans Dinarica).
En cliquant pays par pays, ce site propose également de nombreux itinéraires alternatifs : rejoindre le parcours depuis les grandes villes, faire des détours pour aller visiter des sites intéressants à proximité, etc.
A titre d’exemple, c’est l’un de ces détours que j’ai utilisé pour traverser l’île de Pag, qui s’est avérée l’un des plus beaux endroits visités lors de ma « Trans Europa » !
La distance totale de la Trans Dinarica approche les 6.000 kilomètres, et son dénivelé positif les… 100.000 mètres !
Les pays traversés sont la Slovénie, la Croatie, la Bosnie-Herzégovine, le Monténégro, l’Albanie, la Macédoine du Nord, le Kosovo et la Serbie.
La Trans Dinarica passe par la rivière Drin (Albanie)
Pour se procurer le parcours précis ainsi que sa trace GPS, ce que j’ai fait, il suffit donc de se connecter au site officiel : Trans Dinarica.
Bien sûr, ce n’est pas gratuit mais ce n’est pas très cher non plus et surtout, cela vaut tellement le coup : si, comme moi, vous êtes un.e cycliste amoureux.se de la nature, alors le rapport qualité-prix de ces packs est carrément exceptionnel. On traverse des endroits tellement natures, isolés et sauvages sans jamais se perdre que ça vaut largement la peine, selon moi, de s’offrir ces packs.
A l’inverse, l’itinéraire de la Trans Dinarica traverse peu de villes. Aussi, si vous êtes attiré.e par les grandes métropoles, ces packs ne vous conviendront peut-être pas : privilégiez alors plutôt les itinéraires Eurovélo (lire plus bas), qui seront beaucoup plus adaptés à vos goûts citadins (capitales, monuments, musées, hébergements etc).
Pour résumer, la Trans Dinarica a plutôt tendance à fuir les zones touristiques et notamment la côte Adriatique, avec ses stations balnéaires souvent prises d’assaut, pour s’enfoncer dans les montagnes beaucoup moins fréquentées. Contrairement à Eurovélo, qui ne dévie à peu près jamais des itinéraires touristiques.
On peut se procurer le pack de la Trans Dinarica pour les huit pays à un tarif à mon avis avantageux (à partir de 90 euros), ou bien choisir un pack par pays (de 8 à 23 euros selon le pays). Le lien : se procurer le pack de navigation de la Trans Dinarica.
L’itinéraire de la Trans Dinarica (Croatie)
Remarque : au cas où vous vous posiez la question, aucun lien de ce blog n’est sponsorisé. Je ne perçois donc aucune commission, que vous cliquiez ou non !
Le long de la Trans Dinarica
En préparant votre périple à vélo, si vous vous interrogez sur la Trans Dinarica, n’hésitez pas à me poser vos questions dans la rubrique « commentaires » (votre @dresse mail ne sera pas publiée, contrairement à votre question qui le sera avec un léger décalage, généralement de quelques heures) : c’est avec plaisir que j’essaierai d’y répondre 🙂
Les itinéraires Eurovélo
Beaucoup plus connus que la Trans Dinarica encore confidentielle, les itinéraires Eurovélo ont fait leurs preuves depuis longtemps. Au nombre de dix-sept à ce jour, ils sillonnent l’Europe du Cap Nord à Malte, et de l’Irlande occidentale aux confins de l’Orient.
L’esprit est de constituer un réseau cohérent de grands itinéraires cyclables européens, en connectant les capitales et les grandes villes du continent. Le patrimoine naturel et culturel est mis en valeur tout en favorisant le tourisme durable.
Le réseau Eurovélo
Enfin, la sécurité des usagers est toujours prise en compte. Ainsi, les routes doivent être balisées et continues. Elles doivent également éviter les routes à fort trafic. Elles combinent donc pistes cyclables et routes secondaires, voire chemins balisés.
Le principal inconvénient, c’est que peu de ces routes Eurovélo sont totalement terminées.
Je suis attentivement l’évolution de certaines d’entre elles depuis cinq ans et pourtant, rien n’a bougé : elles en sont toujours au même stade (en général l’un des trois stades en rouge sur le tableau suivant) selon le site Eurovélo lui-même. Aucune évolution en cinq ans !
Percevoir les fonds européens, c’est bien, mais les utiliser pour procéder aux aménagements promis, ce serait mieux !
Les différents stades de développement des routes Eurovélo
J’enfonce un peu le clou : Eurovélo existe depuis 1995 mais trente ans plus tard (au 27 octobre 2025), une seule route est entièrement terminée ! Il s’agit de l’Eurovélo 19 : la route cyclable de la Meuse (1.050 km). Et cinq autres sont (enfin) à un état d’avancement supérieur à 90% :
Une seule route terminée en vingt ans, et cinq autres qui ne sont plus très loin de l’être, sur dix-sept routes en tout (les n° 16 et 18 n’existant pas encore), ce n’est quand même pas énorme. Bien sûr, il ne faut pas non plus cracher dans la soupe : ces dix-sept routes ont au moins le mérite d’exister, et Eurovélo reste un superbe projet pour les voyageurs à vélo.
Après avoir quitté le pays des ours, la Slovénie, je passe en Croatie.
Les frontières étant une invention purement humaine, elles ne s’appliquent pas aux ours. Dans les forêts montagnardes que je traverse, je continue comme en Slovénie à guetter ces grosses boules de poils griffues et dentues pendant plusieurs heures. Mais tuons le suspense tout de suite : je n’apercevrai pas le moindre nounours de tout mon périple…
La forêt croate
Pendant que je roule, mon vélo décide de faire des siennes. De petits sauts de chaînes de plus en plus fréquents accompagnent mon pédalage dans chaque montée, ne me donnant pas le choix : la chaîne en question est plus usée que prévu et il va falloir que je la fasse changer.
Je décide donc de modifier mon itinéraire. Je vais quitter les jolies montagnes croates pour faire une escale dans ce que je fuis depuis le début du périple : la ville ! La plus proche est Rijeka, sur la côte croate.
Rijeka sous un ciel d’encre
Une fois sur place, je laisse mon vélo à un réparateur et j’en profite pour aller acheter un billet de bateau vers ma prochaine étape : l’île de Pag.
Le réparateur m’a dit que Rijeka était la ville la plus pluvieuse de Croatie. Je ne sais pas si c’est vrai mais en tout cas, depuis trois jours maintenant, le ciel se vide de manière impressionnante. Ici encore plus qu’à Trieste, les rues sont inondées. Les voitures projettent d’énormes gerbes d’eau sur les trottoirs, où les quelques piétons qui ont osé braver les éléments s’abritent comme ils peuvent. Sous un abribus, un avant-toit… Moi, j’opte plutôt pour aller prendre un cappuccino bien au sec et au chaud en attendant que ça se calme. Le billet de bateau peut bien attendre un peu.
Une heure plus tard, le déluge ne semblant pas près de s’arrêter, je file au port pour acheter mon billet de bateau mais là, c’est la douche froide. Car on m’informe que le ferry pour l’île de Pag ne prend pas les vélos. Il prend bien les motos, les voitures, les camions, à peu près tout ce qui roule et même les piétons, mais allez savoir pourquoi, pas les vélos. Derrière son guichet, l’employée de la compagnie maritime arbore une tête de bouledogue qui me dissuade de poursuivre la discussion. Tant pis, je ferai deux cents bornes supplémentaires à vélo, en direction du sud jusqu’à Prizna. Il s’agit d’un port minuscule où les ferries qui font la brève traversée jusqu’à l’île de Pag acceptent bien, eux, les vélos.
Le village de Bakar
Deux jours de pédalage plus tard, mon vélo réparé et moi arrivons sur les hauteurs de Prizna juste avant que le soleil ne se couche. En réalité, il ne s’est jamais vraiment levé puisqu’il a passé toute la journée bien caché derrière une grosse épaisseur de nuages pluvieux, qui ne se sont jamais levés eux non plus. Depuis Trieste, la dernière ville italienne que j’ai traversée, le ciel vomit des trombes d’eau quasiment sans arrêt. Cette météo exécrable est de nature à démoraliser le plus optimiste des cyclo-voyageurs. Mais je rêve de ce périple depuis cinq ans, alors ce ne sont pas les quelques tonnes d’eau s’abattant lâchement sur ma tête qui vont me démotiver. Malgré le déluge, je suis toujours heureux de vivre ce périple. Un jour, il fera beau à nouveau.
Une petite route croate
La meute de chacals
Le soir venu, je profite d’une rare accalmie pour poser ma tente. Une heure plus tard, je dors déjà d’un sommeil profond, celui qui emmène loin les cyclistes harassés par huit heures de vélo. Mais j’en suis extirpé par ce qui ressemble à des sirènes de Police. Elles sonnent un peu bizarrement par rapport à leurs homologues françaises mais peu importe. Le son s’amplifie au fur et à mesure qu’elles approchent. Jusqu’à ce que mon esprit encore embrumé réalise que j’ai posé ma tente tellement à l’écart de la route qu’aucune voiture ne peut arriver jusqu’ici ! Je l’ai montée dans un petit champ jonché de gros cailloux, perdu en pleine nature et cerné par d’anciens murets de pierres. Ils ont été construits il y a longtemps par les paysans du coin, pour abriter leurs cultures du vent provenant de la mer voisine.
C’est là que je comprends enfin ce qui se passe : ce ne sont pas des sirènes de Police, ce sont les hurlements d’une meute de chacals dorés ! Ils sont si près de la tente que leurs cris me font mal aux oreilles. Vraiment. Mais ils partent aussi vite qu’ils sont arrivés. Le temps que j’attrape mon téléphone pour enregistrer leurs complaintes plutôt mélodieuses, ils se sont déjà pas mal éloignés. Ont-ils été attirés par l’odeur de chacal qui m’accompagne après deux jours sans douche ? Pas impossible.
Si j’ai fini par identifier ces animaux sans les voir c’est grâce à toutes les infos que j’avais prises sur Internet en préparant ce voyage. Je m’étais en effet renseigné sur les animaux potentiellement dangereux que je risquais de rencontrer au cours de mon périple : ours, loups, serpents, scorpions et araignées. J’étais alors tombé sur des articles évoquant les chacals. Je ne m’étais pas attardé dessus à partir du moment où j’avais lu qu’ils ne présentaient aucun danger pour les humains. J’avais juste écouté leurs cris sur internet pour pouvoir les identifier au cas où j’en entendrais pendant mon voyage. Et dire que cette nuit, je viens de les confondre avec des sirènes de Police !
Je n’en prendrai conscience que plus tard mais cette brève rencontre avec les chacals va constituer un tournant dans mon périple : il y avait un avant, il y aura un après.
Car c’est la première fois depuis mon départ que je me sens à ce point en harmonie avec la nature qui m’entoure. Déjà, ce spot de bivouac se trouve très isolé, beaucoup plus que d’habitude : il est situé loin de la route et il n’y a aucun village alentour. Cela m’a permis de passer la nuit loin de toute zone civilisée. Et pendant que ces chacals vagabondaient à gorge déployée autour de ma tente, je me suis régalé à les écouter chanter.
Depuis deux semaines maintenant que je suis parti, j’ai passé le plus clair de mon temps dans la nature, de jour comme de nuit. Mais ce soir, cette meute de canidés a fini de balayer les derniers repères de confort que j’avais conservés de ma vie citadine.
A partir de maintenant, j’ai un peu l’impression de faire partie intégrante de la nature : c’est toute la magie de ce voyage qui est en train de me tomber dessus.
L’île de Pag
Le lendemain matin, je rejoins Prizna, sous un soleil matinal qui ne va pas tarder à s’enfuir.
Là, je prends le billet d’un bateau qui, contrairement à ceux qui appareillent depuis Rijeka, ne fait aucune discrimination à l’encontre des vélos. Après une courte traversée de trente minutes, je me retrouve enfin sur l’île de Pag.
Mes premiers kilomètres sur l’île de Pag
Longue d’une soixantaine de kilomètres, elle est relativement grande. C’est une île sauvage, aride et battue par les vents, c’est d’ailleurs à cause de ça que pas grand-chose n’y pousse. Quant à sa population, elle est essentiellement composée de… moutons ! On en croise un peu partout et ça lui donne un certain charme. Ma découverte de l’île, très fréquentée l’été mais vide de touristes l’hiver, va constituer pour moi un véritable coup de cœur. Le premier du voyage, mais pas le dernier…
Le soir venu, je descend dans une petite pension afin de pouvoir prendre une bonne douche et tant pis si après ça, mon effluve naturelle n’attire plus aucun chacal.
La propriétaire septuagénaire des lieux, Sofia, m’accueille chaleureusement. Installée ici depuis quarante-cinq ans, elle est bosniaque. Elle est polyglotte mais nous ne pouvons pas communiquer pour autant : elle ne parle que des langues et dialectes croates, bosniaques et serbes. Moi pas.
Avec Sofia
Dotée d’un sens aigu de l’hospitalité, elle passe un bon moment dans sa cuisine pour me préparer un café turc dans les règles de l’art. Nous le dégustons ensemble malgré des freins linguistiques à la compréhension mutuelle. Mais nous prenons tout notre temps et nous passons une petite heure à échanger comme nous pouvons. Les silences qui s’immiscent parfois dans la discussion sont bienveillants. Le moment est tellement paisible. Peu productif en termes de compréhension mutuelle mais tellement paisible. J’arrive quand même à comprendre quelques bribes de ses propos, notamment qu’elle a beaucoup souffert de la guerre dans son pays, dans les années 90.
L’arrivée de sa fille anglophone fait subitement progresser nos échanges. Elle m’explique notamment pourquoi sa mère est encore si marquée par ce conflit, pourtant terminé depuis un quart de siècle : deux de ses frères y ont perdu la vie. Le premier a sauté sur une mine à l’âge de vingt-quatre ans, le corps du deuxième n’a jamais été retrouvé.
L’histoire est dramatique et me touche profondément. Pourtant, j’aime ce genre de rencontres où nous échangeons nos tranches de vies, si amicalement alors que nous ne nous connaissons même pas.
Pag à l’aube
Le lendemain matin, je mets le cap sur le sud de l’île. Il y a là un pont qui la relie au continent et qui m’évitera de prendre à nouveau un bateau. Normalement, je serai de l’autre côté ce soir.
Pour la première fois depuis cinq ou six jours, il ne tombe plus des cordes. Le temps est même passé d’un extrême à l’autre puisqu’il fait désormais un soleil éclatant et que le bleu du ciel n’est souillé d’aucun nuage. Du coup, les jolis paysages de l’île retrouvent toutes leurs couleurs, qui explosent.
Au fond, la Croatie continentale vue depuis Pag
Mon GPS vélo me fait traverser Pag en quittant le bitume de la route principale pour emprunter de petits chemins entièrement déserts, à travers une jolie nature sauvage et battue par les vents.
Au fond, la Croatie continentale vue depuis Pag
Ces chemins de terre, de pierres et de boue ne sont absolument pas roulants et mes mollets en bavent un peu, mais les vues plongeantes sur la mer et les montagnes en valent la peine.
Pendant une bonne partie de la journée, je ne croise pas un chat. Par contre, beaucoup de moutons. Il y en a partout. Quand je ne les vois pas brouter, je les entends bêler.
Dans l’après-midi, je croise enfin une présence humaine.
C’est celle de Luka, un jeune pèlerin croate sympa, qui se rend à pied dans l’ouest de l’Herzégovine, à Medjugorje. Ce petit village constitue un lieu de pèlerinage important pour les catholiques, à tel point que ses deux mille habitants accueillent chaque année plus de deux millions de pèlerins.
Avec Luka et son bâton de pèlerin
Nous échangeons sur les conditions difficiles de voyage et de bivouac que nous rencontrons tous les deux depuis quelques jours, à cause de ce temps à ne pas mettre un voyageur dehors. Et quand il m’explique que sa tente, visiblement moins étanche que la mienne, s’est retrouvée inondée en pleine nuit, nous nous marrons comme des bossus. Moi qui dors au sec, de quoi me plains-je ?
Champs inondés par la pluie des derniers jours
La journée passe et les paysages enchanteurs défilent, dans une ambiance à la fois champêtre et marine. Je m’arrête si souvent pour prendre des photos, filmer et tout simplement profiter de la vie, que je n’avance pas beaucoup.
Mon itinéraire et son dénivelé
Autoportrait !
Je pensais quitter cette île dans l’après-midi en rejoignant le continent par le pont sud mais à cause de ces si nombreux arrêts photos, je ne progresse pas assez vite pour y arriver avant la nuit. Je décide donc de profiter un peu plus que prévu de Pag, en bivouaquant ici plutôt que sur le continent.
Bien calé entre une petite route peu fréquentée et la mer calme, un vaste terrain boisé me tend les bras pour planter ma tente.
Encore un spot de bivouac très nature
Il est assez isolé et semble en friche, avec son herbe haute, humide et jaunie, et débouche sur de jolies petites criques désertes.
Une petite crique face à la tente
La Croatie étant la maison de nombreux reptiles, dont plusieurs variétés de vipères, je suis conscient que ces herbes hautes peuvent cacher des serpents venimeux. Je descends donc de mon vélo et le pousse en tapant des pieds pour faire fuir ceux qui flemmarderaient éventuellement par ici. En effet, n’ayant pas d’oreilles, les serpents sont sourds et n’entendent donc pas les humains approcher. Quand ils détectent enfin leur présence, c’est souvent trop tard et ils sont tellement surpris qu’ils se croient attaqués, donc ils mordent pour se défendre. C’est pourquoi il faut taper des pieds : cela permet de provoquer dans le sol des vibrations auxquelles ils sont très sensibles, ce qui les fait fuir avant qu’on n’arrive sur eux.
Une fois le meilleur emplacement trouvé pour ma tente, à proximité de quelques conifères, j’aplatis toutes les herbes de la zone pour me rassurer : si un serpent déboule, je l’apercevrai plus facilement.
Bivouac sur l’île de Pag
Cette journée est la plus belle depuis le début du périple, et elle s’achève par le spectacle classique mais toujours efficace du soleil rougeoyant qui s’effondre dans la mer. Comme lui, je finis par me coucher. Demain, je quitterai Pag.
Coucher de soleil face à la tente
La Croatie profonde et sauvage
Ma vie nomade m’impose une triple quête quotidienne : trouver suffisamment d’eau pour tenir jusqu’au lendemain, trouver une poubelle où jeter mes ordures puis le soir, trouver un spot de bivouac pour dormir comme un bienheureux.
Ainsi, à peine de retour sur la Croatie continentale, je dois déjà remplir mes gourdes qui sont vides. Mon itinéraire m’a fait quitter la côte, où les villes et villages n’étaient pas rares, pour m’enfoncer dans les terres montagneuses de l’intérieur, beaucoup moins habitées. Là, pendant un bon moment, je ne traverse pas le moindre village.
L’un des rares signes de vie que je rencontre se présente sous la forme d’un motard. Il s’arrête à un croisement pour me laisser passer, alors qu’il aurait largement la place de me doubler puisqu’à part nous deux, cette petite route de montagne est entièrement déserte. Nous nous saluons brièvement de la main puis, une fois passé devant lui, je m’attends à l’entendre accélérer et le voir me doubler en trombe. Mais non. Il arrive au pas puis roule à ma hauteur, à vingt kilomètres à l’heure au lieu de cent cinquante. Nous discutons comme ça quelques minutes tout en roulant au milieu de la route. Il est allemand et va en Inde. Quand je lui dis que pour ma part, je vais en Grèce, il observe avec étonnement tout mon chargement, me fait un grand sourire et me dit « respect ». Nous faisons un check, toujours en roulant, puis il pousse une accélération qui me laisse sur place. A ce rythme-là, il arrivera sur la terre de Gandhi avant que je n’atteigne celle d’Aristote.
Cette discussion sympa n’a pas résolu mon problème d’eau. Je finis par arriver dans un minuscule hameau, constitué d’à peine quatre ou cinq vieilles maisons de pierre. Tout est calme, la petite route qui le traverse est déserte et à part un aboiement lointain de temps en temps, le silence règne.
Par chance, un habitant travaille dans son jardin.
Après lui avoir exprimé le tiers de mon vocabulaire croate, à savoir dobar dan qui veut dire bonjour, je lui demande sans la moindre illusion s’il parle anglais. Dans un hameau aussi reculé, c’est quasi-impossible.
Mais il me répond « english, french » : il se trouve qu’il parle couramment le français ! C’était improbable. Il s’appelle Danilo et il a vécu et travaillé cinq ans à Paris.
Avec Danilo
Quand je lui demande où je peux trouver de l’eau, il me propose immédiatement celle de son puits. Nous discutons pendant qu’il remplit mes gourdes, puis il me fait visiter son potager d’un côté, et son verger de l’autre : salades, choux, figuiers, pruniers, vignes, rien ne manque ici pour que son jardin prospère, à part la chaleur estivale.
Après avoir fait le tour du propriétaire, j’étale fièrement les deux tiers restants de mon vocabulaire croate, à savoir hvala puno qui signifie merci beaucoup, puis do vidjenia pour au revoir. Mon accent pas terrible lui arrache un sourire et nous nous quittons là-dessus.
Alourdis de trois kilos grâce à l’eau du puits de Danilo, mon vélo et moi reprenons la route. Tout en le propulsant à la vitesse d’un escargot dans ces montées qui n’en finissent pas, je réalise que depuis mon départ de France, j’ai déjà grimpé près de 10.000 mètres de dénivelé positif. C’est-à-dire sensiblement plus que l’altitude de la reine des montagnes, l’Everest.
Ciel croate menaçant
Une nuit, je me rends compte que contrairement à ce que je pensais jusque-là, les villes n’ont pas forcément le monopole des troubles du voisinage ni du tapage nocturne. Car bien qu’ayant monté ma tente en pleine nature, dans un petit bois de conifères délicatement odorants, je suis réveillé à plusieurs reprises par mes voisins. Il s’agit d’un troupeau d’ânes qui passent la nuit dans le champ d’à côté. De temps en temps, ils poussent de grands cris qui taillent en pièces le silence profond de la montagne. Dès que l’un d’entre eux beugle comme un âne, il se trouve toujours un de ses congénères pour lui répondre, quelque part au loin. A un moment, ces ânes exubérants finissent par réveiller un coq qui, complètement désorienté, se met à chanter au beau milieu de la nuit. Décidément, quand ce ne sont pas des chacals qui me réveillent, ce sont les ânes et les coqs ! Mais à vrai dire, je savoure ces moments rares d’immersion en pleine nature.
Demain matin, je leur rendrai visite pour leur dire ma façon de penser.
Une fois le jour levé et mes affaires rangées sur le vélo, je vais voir d’un peu plus près ce troupeau d’ânes bruyants. Dès qu’ils me voient, ils se figent tous en m’observant pour me jauger. Mais plus j’approche, plus ils se montrent curieux. Ne décelant aucun danger chez le voyageur pacifique que je suis, ils viennent jusqu’à moi pour se faire caresser le bout du museau, en se bousculant les uns les autres pour passer devant les copains. Ceux qui sont derrière hi-hanent haut et fort pour affirmer quand même un peu leur présence. Je finis par prendre congé de mes voisins herbivores afin de poursuivre ma route.
Par ici, la nature croate est belle et sauvage. Je traverse de vastes forêts dépouillées de leurs feuilles en cette fin d’hiver, je longe de petites rivières qui se terminent en grosses cascades, je monte péniblement les pentes des montagnes qui m’encerclent avant de les descendre joyeusement de l’autre côté…
Bref, je savoure de plus en plus ce voyage très nature qui m’emmène à tour de rôle sur des petites routes désertes et des sentiers perdus. Je me sens loin, tellement loin de la ville et de son bruit, de sa pollution, de son stress.
Les chutes de la rivière Zrmanja à Bilisane
Ici règnent le chant des oiseaux, les senteurs de la forêt et cette incroyable sensation de liberté. Il faut que j’en profite car dans quelque temps, à l’issue de mon congé sabbatique de six mois qui sera forcément trop court, je devrai retourner au travail chez moi à Bordeaux, en pleine ville : la paisible nature croate me manquera alors tellement…
Les chutes de la Zrmanja
A vélo, l’une de mes obligations consiste à me procurer quotidiennement de quoi manger. Aussi, peu avant de passer en Bosnie-Herzégovine, dans la petite ville croate de Sinj, je m’arrête comme souvent dans une minuscule épicerie de bord de route. J’y suis accueilli à bras ouverts par la gérante, qui est une petite femme dynamique et joviale.
Elle est sans filtre et nous plaisantons très vite comme si nous nous connaissions depuis toujours, alors que nous nous sommes rencontrés il y a trois minutes. Son humour implacable s’attaque d’emblée à mon pauvre crâne dégarni, lequel n’avait rien demandé mais je dois l’avouer, elle me fait bien rire.
Le courant passe si bien qu’elle m’offre vite de quoi me sustenter : charcuterie maison et fromage, avec morceaux de pain et petits biscuits. Ce festin est destiné à tous ses clients mais comme je suis le seul dans le magasin, elle m’oblige à me resservir plusieurs fois ! Mon estomac de cycliste toujours affamé ne se fait pas prier. Je dévaste l’assiette et je reprends la route.
Avec Ana et Milanka
Ce sera ma dernière rencontre en Croatie. La panse désormais bien remplie, je prends la direction de la Bosnie-Herzégovine toute proche mais auparavant, j’ai un dernier site à voir dans le pays : l’œil de la Terre ! Il s’agit de la source d’une rivière très connue dans le pays, la Cetina, qui se présente sous la forme d’un gigantesque trou rempli d’une eau très colorée.
L’œil de la Terre
Le coin du cycliste
Trans Dinarica : l’itinéraire de rêve pour les cyclistes
La Trans Dinarica est un itinéraire cycliste qui relie les pays des Balkans occidentaux en traversant une superbe chaîne de montagnes, les Alpes Dinariques. Ce parcours a été conçu pour permettre aux cyclo-voyageurs qui s’aventurent par là de découvrir tout le patrimoine local : naturel, culturel, gastronomique…
La Trans Dinarica en Croatie
Cet itinéraire passe par des villages, des forêts, des montagnes, ou encore par la mer. Il alterne entre routes bitumées très peu fréquentées et chemins de terre en pleine nature. Il traverse des parcs nationaux et des sites classés au patrimoine de l’humanité par l’Unesco.
Bivouac sur le parcours de la Trans Dinarica
Tout au long du parcours, on découvre l’hospitalité des habitants des Balkans ainsi que les paysages à couper le souffle de cette superbe région méconnue, en plein cœur de l’Europe. Bref, quand on roule sur la Trans Dinarica, on en prend plein les yeux et on se sent une âme d’aventurier !
Sur la Trans Dinarica, sous la pluie (Bosnie-Herzégovine)
La pépite : le site Trans Dinarica
La carte suivante montre sommairement le parcours de la Trans Dinarica (copie d’écran extraite du site Trans Dinarica).
En cliquant pays par pays, ce site propose également de nombreux itinéraires alternatifs : rejoindre le parcours depuis les grandes villes, faire des détours pour aller visiter des sites intéressants à proximité, etc.
A titre d’exemple, c’est l’un de ces détours que j’ai utilisé pour traverser l’île de Pag, qui s’est avérée l’un des plus beaux endroits visités lors de ma « Trans Europa » !
La Trans Dinarica passe par la rivière Drin (Albanie)
Pour se procurer le parcours précis ainsi que sa trace GPS, ce que j’ai fait, il suffit donc de se connecter au site officiel : Trans Dinarica.
Bien sûr, ce n’est pas gratuit mais ce n’est pas très cher non plus et surtout, cela vaut tellement le coup : si, comme moi, vous êtes un.e cycliste amoureux.se de la nature, alors le rapport qualité-prix de ces packs est carrément exceptionnel. On traverse des endroits tellement natures, isolés et sauvages sans jamais se perdre que ça vaut largement la peine, selon moi, de s’offrir ces packs.
A l’inverse, l’itinéraire de la Trans Dinarica traverse peu de villes. Aussi, si vous êtes attiré.e par les grandes métropoles, ces packs ne vous conviendront peut-être pas : privilégiez alors plutôt les itinéraires Eurovélo (lire plus bas), qui seront beaucoup plus adaptés à vos goûts citadins (capitales, monuments, musées, hébergements etc).
Pour résumer, la Trans Dinarica a plutôt tendance à fuir les zones touristiques et notamment la côte Adriatique, avec ses stations balnéaires souvent prises d’assaut, pour s’enfoncer dans les montagnes beaucoup moins fréquentées. Contrairement à Eurovélo, qui ne dévie à peu près jamais des itinéraires touristiques.
On peut se procurer le pack de la Trans Dinarica pour les huit pays à un tarif à mon avis avantageux (à partir de 90 euros), ou bien choisir un pack par pays (de 8 à 23 euros selon le pays). Le lien : se procurer le pack de navigation de la Trans Dinarica.
L’itinéraire de la Trans Dinarica (Croatie)
Remarque : au cas où vous vous posiez la question, aucun lien de ce blog n’est sponsorisé. Je ne perçois donc aucune commission, que vous cliquiez ou non !
Le long de la Trans Dinarica
En préparant votre périple à vélo, si vous vous interrogez sur la Trans Dinarica, n’hésitez pas à me poser vos questions dans la rubrique « commentaires » (votre @dresse mail ne sera pas publiée, contrairement à votre question qui le sera avec un léger décalage, généralement de quelques heures) : c’est avec plaisir que j’essaierai d’y répondre 🙂
Les itinéraires Eurovélo
Beaucoup plus connus que la Trans Dinarica encore confidentielle, les itinéraires Eurovélo ont fait leurs preuves depuis longtemps. Au nombre de dix-sept à ce jour, ils sillonnent l’Europe du Cap Nord à Malte, et de l’Irlande occidentale aux confins de l’Orient.
L’esprit est de constituer un réseau cohérent de grands itinéraires cyclables européens, en connectant les capitales et les grandes villes du continent. Le patrimoine naturel et culturel est mis en valeur tout en favorisant le tourisme durable.
Le réseau Eurovélo
Enfin, la sécurité des usagers est toujours prise en compte. Ainsi, les routes doivent être balisées et continues. Elles doivent également éviter les routes à fort trafic. Elles combinent donc pistes cyclables et routes secondaires, voire chemins balisés.
Le principal inconvénient, c’est que peu de ces routes Eurovélo sont totalement terminées.
Je suis attentivement l’évolution de certaines d’entre elles depuis cinq ans et pourtant, rien n’a bougé : elles en sont toujours au même stade (en général l’un des trois stades en rouge sur le tableau suivant) selon le site Eurovélo lui-même. Aucune évolution en cinq ans !
Percevoir les fonds européens, c’est bien, mais les utiliser pour procéder aux aménagements promis, ce serait mieux !
Les différents stades de développement des routes Eurovélo
J’enfonce un peu le clou : Eurovélo existe depuis 1995 mais trente ans plus tard (au 27 octobre 2025), une seule route est entièrement terminée ! Il s’agit de l’Eurovélo 19 : la route cyclable de la Meuse (1.050 km). Et cinq autres sont (enfin) à un état d’avancement supérieur à 90% :
Une seule route terminée en vingt ans, et cinq autres qui ne sont plus très loin de l’être, sur dix-sept routes en tout (les n° 16 et 18 n’existant pas encore), ce n’est quand même pas énorme. Bien sûr, il ne faut pas non plus cracher dans la soupe : ces dix-sept routes ont au moins le mérite d’exister, et Eurovélo reste un superbe projet pour les voyageurs à vélo.
La cohabitation vélos – voitures en Croatie
Sur mon itinéraire, la Croatie était le pays qui m’inquiétait le plus en termes de risques d’accidents de la route. Car j’avais lu de nombreux témoignages de voyageurs à vélo, sur des blogs et forums, qui disaient tous invariablement la même chose, et ça faisait peur : les Croates conduisent comme des fous, ils s’amusent à frôler les cyclistes à grande vitesse, ils doublent comme des malades tout en klaxonnant sans la moindre raison, certains font carrément des bras d’honneur en passant, etc.
Alors disons-le tout de suite : j’ai vécu exactement le contraire sur les routes croates ! En dix jours passés à rouler dans ce pays, aucun automobiliste (ni poids lourd etc.) ne m’a jamais mis en danger. Pas une seule fois.
Les automobilistes croates m’ont toujours doublé à distance très respectable. Quand il n’y avait pas la place de passer sans me frôler, ils restaient derrière moi et attendaient qu’il n’y ait plus de voiture en face pour passer, sans énervement ostensible.
C’est vrai que les grosses voitures allemandes sont très répandues en Croatie (Audi, Porsche, Mercedes, BMW…) mais pour ce que j’en ai vu, les croates en ont toujours fait un usage respectueux et sécurisé par rapport au cycliste que je suis.
Pourtant, je fais plutôt confiance à tous les témoignages évoqués plus haut. Alors pourquoi une telle différence de ressenti ?
D’une part, j’ai traversé la Croatie à vélo mi-mars, c’est-à-dire en basse saison, à une période de l’année où les locaux ne sont pas encore envahis par les nuées de cyclotouristes passant par là.
D’autre part, j’ai pédalé à l’intérieur des terres sur une bonne partie de mon itinéraire, contrairement à la plupart des voyageurs à vélo qui traversent le pays du nord au sud en longeant la côte. Là, il est possible que les locaux soient excédés l’été sur ces petites routes étroites mais très fréquentées qui les empêchent de doubler les nombreux vélos roulant au ralenti.
En tout cas, si vous avez lu les mêmes témoignages alarmistes que moi, alors un conseil : attendez d’être là-bas pour vous faire votre propre idée.
Moi, j’ai juste une chose à dire aux automobilistes croates : hvala puno (merci beaucoup) !
La Slovénie est le deuxième pays que j’ai traversé lors d’un voyage à vélo effectué en 2025 entre la France et la Grèce. Contrairement aux autres pays, le passage en Slovénie fut très court (dix-huit kilomètres seulement), donc cet article aussi !
Ce matin-là, mes premiers coups de pédales de la journée sont aussi les derniers que je donne en Italie, et une petite montée m’emmène vers le pays des ours : la Slovénie.
La frontière italo-slovène
Sitôt la frontière passée, tout seul sur cette route peu fréquentée, je fouille du regard l’épaisse forêt qui m’entoure, avec le petit espoir mais la grosse trouille d’apercevoir l’un de ces gros plantigrades.
Je repense alors à Mike Horn, qui décrivait ainsi l’odorat très développé des ours : « si je pète ici, l’ours qui est à cinquante kilomètres va le sentir »
Je m’empresse aussitôt de faire le nécessaire pour que les ursidés du coin détectent olfactivement ma présence. Peine perdue : aucun ne sortira son museau si performant du bois.
La forêt autour de la frontière italo-slovène
Sans transition, le paradoxe du jour après avoir essuyé quarante-huit heures de pluies abondantes, c’est que je n’ai plus d’eau : mes gourdes sont vides. C’est à ce moment-là que j’arrive dans mon premier village slovène, où j’aperçois autant de gens dans les rues que d’ours dans la forêt voisine.
Je me dirige donc vers le cimetière pour m’approvisionner en eau mais là, aucune goutte ne jaillit du robinet. Sans doute l’eau a-t-elle été coupée pour ne pas geler dans les canalisations pendant l’hiver ? En tout cas, c’est totalement bredouille que je remonte sur mon vélo mais il faut toujours voir le bon côté des choses : je ne l’alourdirai pas de trois kilos supplémentaires.
Dix-huit kilomètres plus loin, j’arrive déjà à une autre frontière, croate celle-là. Je ne pensais pas traverser la Slovénie aussi vite. Bilan : je n’y aurai vu aucun humain, aucun ours et aucune goutte d’eau, à part celles dégoulinant du ciel. C’est donc aussi frustré que mouillé que je quitte le pays.
Trans Dinarica : l’itinéraire de rêve pour les cyclistes
La Trans Dinarica est un itinéraire cycliste qui relie les pays des Balkans occidentaux en traversant une superbe chaîne de montagnes, les Alpes Dinariques. Ce parcours a été conçu pour permettre aux cyclo-voyageurs qui s’aventurent par là de découvrir tout le patrimoine local : naturel, culturel, gastronomique…
La Trans Dinarica en Croatie
Cet itinéraire passe par des villages, des forêts, des montagnes, ou encore par la mer. Il alterne entre routes bitumées très peu fréquentées et chemins de terre en pleine nature. Il traverse des parcs nationaux et des sites classés au patrimoine de l’humanité par l’Unesco.
Bivouac sur le parcours de la Trans Dinarica
Tout au long du parcours, on découvre l’hospitalité des habitants des Balkans ainsi que les paysages à couper le souffle de cette superbe région méconnue, en plein cœur de l’Europe. Bref, quand on roule sur la Trans Dinarica, on en prend plein les yeux et on se sent une âme d’aventurier !
Sur la Trans Dinarica, sous la pluie (Bosnie-Herzégovine)
La pépite : le site Trans Dinarica
La carte suivante montre sommairement le parcours de la Trans Dinarica (copie d’écran extraite du site Trans Dinarica).
En cliquant pays par pays, ce site propose également de nombreux itinéraires alternatifs : rejoindre le parcours depuis les grandes villes, faire des détours pour aller visiter des sites intéressants à proximité, etc.
A titre d’exemple, c’est l’un de ces détours que j’ai utilisé pour traverser l’île de Pag, qui s’est avérée l’un des plus beaux endroits visités lors de ma « Trans Europa » !
La Trans Dinarica passe par la rivière Drin (Albanie)
Pour se procurer le parcours précis ainsi que sa trace GPS, ce que j’ai fait, il suffit donc de se connecter au site officiel : Trans Dinarica.
Bien sûr, ce n’est pas gratuit mais ce n’est pas très cher non plus et surtout, cela vaut tellement le coup : si, comme moi, vous êtes un.e cycliste amoureux.se de la nature, alors le rapport qualité-prix de ces packs est carrément exceptionnel. On traverse des endroits tellement natures, isolés et sauvages sans jamais se perdre que ça vaut largement la peine, selon moi, de s’offrir ces packs.
A l’inverse, l’itinéraire de la Trans Dinarica traverse peu de villes. Aussi, si vous êtes attiré.e par les grandes métropoles, ces packs ne vous conviendront peut-être pas : privilégiez alors plutôt les itinéraires Eurovélo (lire plus bas), qui seront beaucoup plus adaptés à vos goûts citadins (capitales, monuments, musées, hébergements etc).
Pour résumer, la Trans Dinarica a plutôt tendance à fuir les zones touristiques et notamment la côte Adriatique, avec ses stations balnéaires souvent prises d’assaut, pour s’enfoncer dans les montagnes beaucoup moins fréquentées. Contrairement à Eurovélo, qui ne dévie à peu près jamais des itinéraires touristiques.
On peut se procurer le pack de la Trans Dinarica pour les huit pays à un tarif à mon avis avantageux (à partir de 90 euros), ou bien choisir un pack par pays (de 8 à 23 euros selon le pays). Le lien : se procurer le pack de navigation de la Trans Dinarica.
L’itinéraire de la Trans Dinarica (Croatie)
Remarque : au cas où vous vous posiez la question, aucun lien de ce blog n’est sponsorisé. Je ne perçois donc aucune commission, que vous cliquiez ou non !
Le long de la Trans Dinarica
En préparant votre périple à vélo, si vous vous interrogez sur la Trans Dinarica, n’hésitez pas à me poser vos questions dans la rubrique « commentaires » (votre @dresse mail ne sera pas publiée, contrairement à votre question qui le sera avec un léger décalage, généralement de quelques heures) : c’est avec plaisir que j’essaierai d’y répondre 🙂
Les itinéraires Eurovélo
Beaucoup plus connus que la Trans Dinarica encore confidentielle, les itinéraires Eurovélo ont fait leurs preuves depuis longtemps. Au nombre de dix-sept à ce jour, ils sillonnent l’Europe du Cap Nord à Malte, et de l’Irlande occidentale aux confins de l’Orient.
L’esprit est de constituer un réseau cohérent de grands itinéraires cyclables européens, en connectant les capitales et les grandes villes du continent. Le patrimoine naturel et culturel est mis en valeur tout en favorisant le tourisme durable.
Le réseau Eurovélo
Enfin, la sécurité des usagers est toujours prise en compte. Ainsi, les routes doivent être balisées et continues. Elles doivent également éviter les routes à fort trafic. Elles combinent donc pistes cyclables et routes secondaires, voire chemins balisés.
Le principal inconvénient, c’est que peu de ces routes Eurovélo sont totalement terminées.
Je suis attentivement l’évolution de certaines d’entre elles depuis cinq ans et pourtant, rien n’a bougé : elles en sont toujours au même stade (en général l’un des trois stades en rouge sur le tableau suivant) selon le site Eurovélo lui-même. Aucune évolution en cinq ans !
Percevoir les fonds européens, c’est bien, mais les utiliser pour procéder aux aménagements promis, ce serait mieux !
Les différents stades de développement des routes Eurovélo
J’enfonce un peu le clou : Eurovélo existe depuis 1995 mais trente ans plus tard (au 27 octobre 2025), une seule route est entièrement terminée ! Il s’agit de l’Eurovélo 19 : la route cyclable de la Meuse (1.050 km). Et cinq autres sont (enfin) à un état d’avancement supérieur à 90% :
Une seule route terminée en vingt ans, et cinq autres qui ne sont plus très loin de l’être, sur dix-sept routes en tout (les n° 16 et 18 n’existant pas encore), ce n’est quand même pas énorme. Bien sûr, il ne faut pas non plus cracher dans la soupe : ces dix-sept routes ont au moins le mérite d’exister, et Eurovélo reste un superbe projet pour les voyageurs à vélo.
Le jour J rêvé depuis des années est enfin arrivé. J’ai posé ma petite tente, mon duvet et mes sacoches en vrac sur le trottoir, tout autour de mon vélo qui s’apprête à les transporter pendant les prochains mois.
Avec ma petite femme, nous sommes à Villefranche, à la sortie de Nice, et dans quelques minutes, nous nous dirons au revoir. La revoyure en question est espérée dans plus ou moins quatre mois, c’est-à-dire quand mon vélo, lentement propulsé par mes mollets plus tout jeunes, m’aura fait traverser les redoutables montagnes des Balkans.
Ces trente-sept kilos de bagages sont à peine chargés sur mon vélo, lequel en affiche lui-même dix-sept sur la balance, qu’il est l’heure de faire un bisou à ma moitié ; le dernier avant longtemps.
Mes premiers coups de pédales ne sont pas évidents pour maîtriser ce vélo lourd de 54 kilos, parmi la floppée de voitures qui me doublent en continu. Et ils m’éloignent lentement de ma petite femme : au fil des mètres qui défilent sous mes roues, je la vois rétrécir dans mon rétro, jusqu’à ce qu’elle en disparaisse complètement. A cet instant précis, je la sais triste et je le deviens donc à mon tour.
Villefranche-sur-Mer
En essayant de me concentrer sur mon pédalage pour ne pas trop y penser, je rencontre une anomalie : mon appli GPS pour vélos a décidé d’ignorer ma destination finale et orientale, la Grèce, pour m’envoyer sans prévenir plein ouest, c’est-à-dire à l’exact opposé de là où je vais !
Je décide malgré tout de lui faire confiance car il est paramétré pour choisir les itinéraires optimaux pour les vélos, à savoir les routes à faible trafic, où l’on croise peu de voitures.
Il me fait ainsi traverser Nice rapidement puis il m’emmène sur les hauteurs de la ville, au prix de gros efforts pour hisser tout là-haut mon enclume à deux roues.
Mon voyage de plusieurs mois a commencé depuis à peine une heure, et je n’ai donc parcouru qu’une poignée des milliers de kilomètres qui m’attendent, que je suis déjà exténué ! Le soleil d’hiver me chauffe comme si c’était l’été, il fait ruisseler la sueur sur mon crâne dégarni et il commence déjà à vider mes jambes de leurs quelques forces . J’avais rêvé meilleurs débuts.
Sur les hauteurs de Nice
C’est à ce moment-là que je fais ma première rencontre providentielle du long voyage qui commence. Ce ne sera pas la dernière…
Un habitant du coin qui passe par là, sans doute compatissant en me voyant cracher mes poumons dans les pentes sadiques qui dominent sa ville, me demande où je vais, si lourdement chargé. « En Grèce », que je lui réponds fièrement, tout en dégoulinant.
Sans doute saisi par un léger doute quant à mes capacités à emmener ce lourd vélo aussi loin, il enchaîne en me demandant d’où je viens. « De Villefranche« , lui réponds-je tout penaud. Car en effet, c’est juste à côté de l’endroit où nous sommes, et à l’opposé de la direction d’Athènes, où je vais. C’est sûr, il me prend pour un fou.
Je lui montre alors l’itinéraire sur mon GPS vélo, qui m’envoie vers la grande corniche, à 500 mètres d’altitude, sur les hauteurs de Nice, moi qui suis parti du niveau de la mer. Toujours aussi compatissant, il me conseille vivement de prendre la prochaine à droite, dans quelques centaines de mètres, car elle me fera légèrement redescendre jusqu’à la moyenne corniche. Il faut toujours écouter les locaux, je cause donc une infidélité a mon GPS.
Cette toute première rencontre du périple me dispense donc de terminer mon interminable ascension vers la grande corniche. Ça m’apprendra aussi à mieux préparer mes itinéraires, la prochaine fois…
A partir de là, regonflé à bloc comme un pneu de vélo grâce à ce passant, j’enfile enfin les kilomètres comme des perles, malgré un dénivelé en montagnes russes. Quand ça ne monte pas ça descend, et inversement. Contrairement au vocabulaire de la Belgique, celui de la région est amputé du mot « plat ».
Menton
Monaco
Je traverse la Principauté, après m’être perdu un bon moment dans les petites ruelles escarpées du centre-ville. En effet, à l’entrée de Monaco, je n’ai pas vu qu’il fallait prendre à gauche et mon cerveau, aveuglé par la feignantise, a préféré me diriger à tort vers la droite, où une délicieuse descente s’offrait à mes jambes fatiguées. Le temps de réaliser mon erreur, je suis déjà en bas. Or, qui dit descente dit que pour retrouver la bonne route, à un moment où à un autre, il va bien falloir que je remonte…..
Une demi-heure plus tard, après m’être enfin extirpé de ce piège monégasque, je peux enfin reprendre la direction de l’Italie.
Monaco
Tout au long de la route, le littoral azuréen fait plonger ses collines verdoyantes dans la mer profondément bleue. Ces vues qui se succèdent expliquent pourquoi cet itinéraire côtier est si prisé des cyclo-voyageurs de passage même si, en cette fin d’hiver, je suis tout seul à pédaler dans le coin.
L’Italie
La frontière italienne franchie, j’arrive dans l’un des bastions du cyclisme italien dont les transalpins sont si fiers : San Remo. Mon itinéraire passe par le fameux tunnel de Capo Nero, long de 1700 mètres. Il est réservé aux cyclistes (ainsi qu’aux piétons) et constitue un véritable hommage à l’un des Cinq Monuments du cyclisme mondial : la course mythique Milan – San Remo (les quatre autres Monuments sont Paris – Roubaix, Liège – Bastogne – Liège, le Tour des Flandres et, encore en Italie, le Tour de Lombardie).
Mais lorsque mon appli GPS vélo m’emmène à l’entrée de ce tunnel, il n’y a rien. J’ai beau chercher partout en roulant un peu tout autour, aucun tunnel à l’horizon.
C’est alors que je fais la deuxième rencontre providentielle du périple : c’est un géomètre italien, cette fois-ci. Ne me tenant pas rigueur de le soustraire à son travail, bien au contraire, il m’indique patiemment l’entrée recherchée. Elle est située en contrebas, à plusieurs centaines de mètres d’ici, après une petite descente agréable (ce qui est un pléonasme : pour un cycliste, une descente est toujours agréable).
En effet, avec le géomètre italien, nous nous trouvons à flanc de colline, à la verticale du tunnel. Nous ne pouvons donc pas le voir puisqu’il est situé sous nos pieds ! Mon appli montre juste que je me situe bien sur le tracé du tunnel mais sans mentionner cette différence d’altitude : je me trouve en réalité dix ou vingt mètres au-dessus de lui. Son entrée est située quelques centaines de mètres plus loin, en contrebas.
Le fameux tunnel cyclable de Capo Nero
La Méditerranée
Cette petite mésaventure me sera souvent utile pour la suite du périple, dans des circonstances similaires où deux routes semblant se croiser selon Komoot, seront en réalité situées à des hauteurs différentes, l’une passant par dessus l’autre ou par dessous, sans aucune jonction entre les deux…
En fin de journée, alors que le soleil décline et que la nuit tombe, je n’ai toujours pas trouvé d’endroit où poser ma tente.
En effet, le littoral est bétonné partout et, pour moi qui aime bien bivouaquer discrètement, aussi bien pour ne pas déranger les habitants que pour ma tranquillité personnelle, la première nuit du périple s’annonce déjà compliquée, faute d’endroit où dormir.
Et c’est au moment où je commence à envisager de chercher un petit hôtel que je dégote enfin, dans la pénombre, un petit coin non bétonné. Sur un talus, une minuscule zone de buissons sépare la ville de la mer.
Les vaguelettes viennent se briser sur de grands rochers horizontaux qui, contrairement à la route que j’ai arpentée toute la journée, sont plats : l’endroit parfait où poser ma tente, malgré la noirceur de la nuit qui a maintenant fini de tomber.
Le premier bivouac du périple, en bord de mer
Ma première journée s’achève ainsi. Je suis déçu de n’avoir parcouru que 67 kilomètres, mais les 1.000 mètres de dénivelé positif que j’ai grimpés avec mon vélo si lourd m’aident à sombrer rapidement dans un sommeil à découper au couteau.
Le clapotis des vagues toute la nuit, le cri des mouettes au petit matin puis le petit déjeuner à dix mètres de la mer : la deuxième journée du périple commence de manière plus agréable que la première, avec ses corniches. Mais une fois le séant posé sur la selle, le dénivelé du littoral italien me ramène vite à la réalité : ici aussi ça monte.
Plus tard dans la journée, je tourne à gauche. Insignifiant ? Pas tant que ça car cette fois-ci, cette bifurcation d’apparence anodine qui m’emmène vers le nord, me fait tourner le dos à la mer pour un bon moment : je ne reverrai la Grande Bleue que dans une dizaine de jours.
Porto Maurizio
Les montagnes du nord
En attendant, je vais occuper mes trois prochaines journées à franchir des montagnes. Des vraies cette fois-ci. En d’autres termes, la grande corniche niçoise que j’ai trouvée si difficile à grimper hier, n’était en réalité qu’une gentille mise en bouche. Ça promet…
D’ailleurs, mon vélo chargé est si lourd que je me questionne déjà sur ma capacité à franchir tous ces cols en pédalant : ne me serais-je pas surestimé ?
Zuccarello, un petit village de montagne
En cette fin d’hiver, je me retrouve donc à transpirer malgré le froid, car l’effort à produire pour grimper là-haut est intense.
La chance ayant choisi son camp, à savoir pas le mien, je me retrouve en prime avec un gros vent glacial de face. Parfois, je ne le sens pas trop car je suis à l’abri de la montagne. Mais dès que je passe de l’autre côté du versant, il me souffle lâchement en pleine poire.
Au fil de la montée, je me rends compte qu’au-dessus de ma tête, le sommet est constellé d’éoliennes. Ce n’est donc pas une vue de l’esprit, la zone est bien connue pour être venteuse.
Ces conditions difficiles seront néanmoins une bonne leçon pour moi : je fais du vélo tout au long de l’année et plutôt en mode sportif mais là, dans ces montagnes sur lesquelles Éole passe son temps à vider ses poumons, j’apprends la patience. Je découvre qu’on peut aussi rouler autrement que comme un forcené. Je prends ainsi le temps d’avancer seconde après seconde, minute après minute : chaque mètre gagné demande sa dose d’effort, chaque mètre gagné se mérite.
Dans ces conditions de montagnes exigeantes, je pense régulièrement à la Grèce, ma destination finale : comment est-il possible d’aller si loin en avançant si lentement ?
Le temps passe quand même et mon vélo avance malgré tout. Pas vite, mais il avance. Je prends du plaisir à admirer le paysage qui, comme toujours en montagne, vaut le coup d’œil.
Les montagnes italiennes
Et puis je me vois progresser sur mon GPS, ce qui est motivant. Outre l’itinéraire, il dessine sommairement les montagnes et m’indique, par un petit point rouge qui me représente, le niveau où je me situe dans la pente : d’abord en bas, puis au milieu et enfin, félicité suprême, tout en haut.
Visualiser sur mon écran de téléphone ce minuscule point écarlate, c’est-à-dire moi, au sommet de ces colosses alpins qui se succèdent, quel plaisir ! Quel bonheur, quelle satisfaction ! C’est difficile à décrire et un peu gênant à avouer mais dans ces moments-là, je me sentirais presque invincible.
Je ne reste jamais bien longtemps au sommet car le vent y souffle en général très fort, puis je dévale ma récompense : la descente.
Ce rythme montagnard sera le mien pendant trois jours, au cours desquels je progresserai quotidiennement de 77 kilomètres en moyenne, pour un peu plus de 900 mètres de dénivelé positif chaque fois.
Pour un cycliste sportif averti, ce n’est pas le Pérou mais pour un girondin qui ne pédale habituellement que dans sa région désespérément plate, cette moyenne n’est pas mauvaise, a fortiori avec un vélo aussi chargé. A ce rythme-là, tout le chocolat que j’ai ingurgité pendant trois mois va bien finir par fondre, et ma bedaine avec…
Le périple continue et une petite routine s’installe déjà. Le soir, je pose ma tente entre deux villages de montagne. Je dors dans la nature et je prends le temps de savourer ces moments. Au petit matin, je retrouve ma tente verte toute blanchie. Le givre qui la recouvre et les températures matinales sont de saison : entre -1° et +1° la plupart du temps.
Au fil des jours et des nuits qui passent, je commence à prendre toute la mesure d’un tel périple : je pédale à longueur de journée et en même temps je médite puisque, voyageant seul, je n’ai rien d’autre à faire, à part regarder le paysage qui globalement est beau.
De temps en temps, je passe quand même une nuit dans un petit hôtel, le moins cher que je dégote car peu m’importe son niveau d’inconfort, pourvu qu’il soit doté d’une douche : c’est la seule chose qui m’intéresse. Le but n’est pas de passer enfin une nuit dans un lit confortable ou sous un toit étanche (ce que ma tente n’est pas toujours complètement quand il pleut). C’est plutôt de chasser cette effluve qui m’accompagne parfois, après plusieurs nuits passées sous la tente sans jamais voir le moindre bout de savon.
Bon, j’exagère un peu car ma chance, c’est qu’on est encore en hiver, qu’il fait froid et que je transpire donc assez peu. Je réfléchirai plus tard à une organisation plus hygiénique, quand je dégoulinerai sous l’écrasant soleil grec à l’approche de l’été…
L’un des objectifs de ce voyage, c’est de faire des rencontres. Ce n’est pas en Italie que je pense en faire le plus mais quand même, je croise déjà des gens très sympas. A commencer par la grande confrérie des cyclistes.
Parmi eux, Levy, qui en est à sa troisième crevaison consécutive ! Il a déjà utilisé ses deux chambres à air de secours et n’a plus rien pour réparer. Je lui donne une rustine dont il m’est si reconnaissant qu’il me propose de m’héberger chez lui, sa maison étant située plus loin sur ma route. J’hésite un peu mais je finis par décliner sa proposition, préférant rouler encore quelques heures.
Avec Levy et Yolanda
Sur ces petites routes de montagnes qui ne cessent de grimper, si certains cyclistes m’ignorent royalement, d’autres me crient régulièrement leur admiration relative à coups de « grande, grande« , en me doublant néanmoins à la vitesse de l’éclair, sur leurs vélos de course vides qui pèsent à peine 7 kilos.
L’un d’entre eux me hurlera carrément un « grandissimooo« , en me souriant à s’en décrocher la mâchoire et en brandissant son poing en guise d’encouragement.
Moi, grandissimo ? Juste parce que je grimpe avec tout ce farda ? Bof. Ce qu’ils ne savent pas, c’est qu’ils sont sans doute bien meilleurs cyclistes que moi et que par conséquent, si j’arrive à faire tout ça, ils y parviendraient eux aussi sans problème. Mais ces encouragements sont toujours agréables à recevoir, et je me contente donc de leur répondre à chaque fois par un grand sourire agrémenté d’un simple « grazie mile » (mille merci).
Mais je rencontre aussi des gens qui n’ont pas de vélo sous les fesses. Leur préoccupation principale consiste invariablement à savoir d’où je viens, et où je vais. Échangeant en anglais, je leur réponds « Greece« . Est-ce mon accent ? Je ne sais pas mais cette réponse fait systématiquement apparaître sur leur visage une impassibilité trahissant leur incompréhension. Je précise alors « Albania, Greece… » et là, leur réaction est toujours la même : leurs yeux s’arrondissent subitement d’étonnement, puis leurs questions fusent à propos d’un tel périple, qui semble les impressionner. Je n’ose imaginer ce qu’ils pourraient bien penser si, comme tant d’autres voyageurs à vélo, j’avais la chance et le temps de pouvoir faire un tour du monde…
Avec Giuseppe
Quand ce sont des cyclistes qui m’arrêtent pour discuter, ils me posent eux aussi cette question et ma réponse ne varie pas : je vais toujours en Grèce (Albanie, Grèce). Mais contrairement aux non-cyclistes, ils ne sont ni étonnés, ni impressionnés : quand on fait du vélo, on sait pertinemment que couvrir de longues distances en pédalant est beaucoup moins difficile que ne le croient la plupart des gens.
Avant de terminer ma traversée des montagnes italiennes, j’atteins le sommet d’une colline d’où la vue panoramique donne sur une immense chaîne de montagnes au loin. Vues d’ici, elles sont blanches des pieds à la tête. Ce sont les Alpes et elles sont majestueuses.
La plaine du Pô
C’est à partir de là que mon itinéraire décide enfin de s’aplanir. Normal, j’arrive dans la plaine du Pô. Le Pô, c’est ce fleuve qui serpente dans le nord de l’Italie et qui, en imbibant les sols, les rend extrêmement fertiles. Son importance est telle qu’il génère, directement ou indirectement, quasiment la moitié des emplois du pays.
Sur plusieurs centaines de kilomètres, je traverse donc désormais une infinité de champs cultivés. Les tracteurs et les machines agricoles en tout genre sont partout, les fermes aussi. D’innombrables oiseaux parsèment les champs, trop heureux de pouvoir picorer tous ces vers qui sortent imprudemment la tête de la terre fraîchement labourée.
De même, il y a des lièvres partout, je n’en ai jamais vu autant. Dans les forêts, dans les champs. En général, ils s’enfuient à mon approche. Parfois, quand ils sont plus loin, ils se roulent par terre et se sautent dessus, comme des lionceaux.
Le soir, en pleine nature, je cuisine au réchaud devant ma tente, face au soleil qui se couche. Et dire que dans certains hôtels et restaurants, plus la vue est belle, plus les prix augmentent. Face à la tente, elle est toujours gratuite.
J’aperçois également beaucoup de lièvres. Je n’en ai même jamais vu autant. Dans les forêts, dans les champs… Certains s’amusent comme des lionceaux : ils se sautent dessus, se roulent par terre…
Pour un amoureux naïf de la nature comme moi, même si ce spectacle est sans doute basique, je lui trouve un petit côté enchanteur et je ne m’en lasse pas. Idem pour les couchers du soleil que j’admire tous les soirs, en cuisinant au réchaud devant ma tente.
Le spectacle quotidien au moment du bivouac
Et dire que dans certains hôtels et restaurants, plus la vue est belle, plus les prix augmentent ! Face à la tente, elle est toujours gratuite.
Le coucher du soleil depuis la tente
Un matin, je me réveille péniblement sur un spot de bivouac que j’avais trouvé in extremis la veille au soir, juste avant que la nuit ne lui tombe dessus. Situé entre une grosse rivière et des champs labourés à perte de vue, le sol n’était horizontal nulle part. N’ayant pas d’autre choix vu l’heure tardive, j’avais quand même fini par poser ma petite maison de toile sur ce terrain pentu. Ce n’est jamais très agréable pour dormir car je passe alors la nuit à rouler vers le bas, pour finir immanquablement par m’écraser contre les parois humides de la tente. Mais au fil du temps, j’ai fini par trouver mes repères dans ce genre de situations : je cale mes grosses chaussures de rando sous mon petit matelas afin de compenser la pente : c’est aussi simple qu’efficace.
Ce matin-là donc, c’est à moitié endormi que je me lève et, en mettant mon nez gelé dehors, un gros bruissement de feuilles me sort brusquement de ma torpeur. C’est un lièvre qui a eu peur en m’entendant sortir et qui s’enfuit en courant. C’est-à-dire très vite, puisque c’est un lièvre. Il a dormi là paisiblement, à quelques mètres de moi.
Je n’ai même pas le temps de me dire que la journée commence bien qu’en jetant un œil par-dessus le talus qui protège ma tente du vent froid, je découvre les champs noyés dans la brume matinale, d’où seule la cime des arbres émerge. Très vite, en passant à son tour par-dessus ce brouillard posé au fond des champs, le soleil rougeâtre enflamme les couleurs du paysage.
C’est pour vivre ce genre de moments et voir ce genre d’endroits que je fais ce voyage.
Les jours qui suivent s’écoulent paisiblement, dans la monotonie des paysages agricoles de cette plaine du Pô qui, à force, deviendrait presque insipide.
Les champs de la plaine du Pô à perte de vue
L’Adriatique
A l’approche de l’Adriatique, ils varient enfin un peu. Je retrouve la Grande Bleue qui, en huit jours, a changé de couleur : elle est désormais toute grise ! Il faut dire qu’ici, il pleut comme vache qui pisse. Il n’y a ni un rayon de soleil, ni un coin de ciel bleu. Ce dernier est désespérément gris et se vide sur les voyageurs de passage.
Je suis donc détrempé puisque la pluie incessante transperce mes vêtements. J’ai pourtant investi un peu d’argent dans ces fringues très techniques, pour être sûr de pouvoir rouler justement sous la pluie sans me mouiller, mais non : mes espoirs de rester au sec sont douchés par la première averse un peu persistante. Je me suis fait avoir par le type qui m’a vendu ces vêtements soi-disant imperméables, autant qu’un électeur écoutant les promesses d’un politique.
Pour ma dernière nuit au pays de la dolce vita, sous ma tente que j’ai posée dans une forêt quelque part entre Trieste et la frontière slovène, l’humidité ambiante est devenue aussi forte que sous les tropiques. Avec la chaleur en moins et le froid en plus. Toutes mes affaires se retrouvent mouillées, y compris à l’intérieur de mes sacoches, que j’ai eu l’imprudence de laisser ouvertes toute la nuit : l’humidité s’est installée à l’intérieur et a tout détrempé. C’est comme ça qu’on se forge sa propre expérience : désormais, je fermerai mes sacoches tous les soirs sous la tente.
Trieste
Tout-à-l’heure, j’arriverai, en Slovénie…
Le coin du cycliste
La cohabitation vélos – voitures en Italie
Contrairement à leur réputation, les automobilistes que j’ai croisés en Italie ont toujours fait attention à moi en tant que cycliste. En douze jour passés à rouler dans le pays, pas une seule fois ils ne m’ont mis en danger : ni en ville, ni dans les montagnes, ni à la campagne.
Le réseau cyclable italien
Moins développé qu’en France, il est toutefois correct, du moins d’après ce que j’ai pu voir en Italie du nord, mais j’ai parfois eu du mal à trouver des voies cyclables sur les grands axes.
En ville, les pistes cyclables sont souvent désagréables car aménagées sur les trottoirs. Elles comportent régulièrement des bosses et des trous, et beaucoup m’ont paru vieillissantes et peu entretenues. Sans compter les piétons…
Une piste cyclable flambant neuve
Les routes Eurovélo
Les principales routes cyclables italiennes, du moins les trois plus connues, sont les véloroutes européennes : carte Eurovélo en Italie.
Elle date de 2022 et ne recense donc pas les dernières voies cyclables mais elle est très pratique malgré tout.
S’approvisionner en eau
Il est très simple de remplir ses gourdes en Italie si l’on ne veut pas acheter d’eau en bouteille :
Les villes ainsi qu’à peu près tous les villages comportent des fontaines d’eau potable. Dans les villages, elles sont souvent situées autour de l’église ou autour de la place centrale du village (mairie etc.)
Il y a des points d’eau dans tous les cimetières, lesquels sont omniprésents dans le pays.
On trouve parfois des fontaines sur le bord des routes, notamment en montagne.
A noter que, contrairement à d’autres pays, je n’ai trouvé aucun robinet ni aucune fontaine fermée l’hiver à cause du gel, dans le nord de l’Italie.
Nisyros est une petite île somptueuse mais heureusement, elle est bien cachée. Située à une bonne vingtaine d’heures de bateau d’Athènes, son éloignement des côtes grecques dissuade la plupart des touristes de s’y rendre. C’est ce qui en fait une île hors des sentiers battus.
Alors bien sûr, la fréquentation touristique augmente en haute saison (juillet-août), mais la plupart des visiteurs commettent alors l’erreur de ne pas y rester : ils viennent souvent à la journée, en provenance des îles voisines de Rhodes et Kos, beaucoup plus connues mais tellement plus fréquentées. L’objet de leur visite ? Le volcan de Nisyros, et notamment le cratère Stefanos.
Conséquence : il n’y a pas foule sur Nisyros avant 11h00 (heure d’arrivée de la plupart de ces touristes qui viennent juste à la journée), ni après 15h00 ou 16h00 (heure à laquelle ils en repartent).
Le bon plan : puisque ces voyageurs pressés vont tous au volcan entre 10h30-11h00 et maximum 16h00, alors l’idéal consiste à visiter le volcan en dehors de ce créneau pour être tranquille, c’est-à-dire en début de matinée avant leur arrivée, ou en fin d’après-midi après leur départ. Et à l’inverse, sur le reste de l’île, on ne croisera quasiment jamais ce flot de touristes éphémères entre 10h30 et 16h00 : on est alors tranquille pour découvrir les plages volcaniques de Nisyros, ses villages pittoresques, ou encore ses montagnes verdoyantes avec des vues à couper le souffle…
C’est le plus jeune volcan de la mer Égée. Même si sa dernière éruption date de 1888, il n’est pas considéré comme éteint. D’ailleurs, en 1995, la chambre magmatique située sous le volcan a grossi au point de provoquer une crise sismique dans toute la zone.
La caldeira de Nisyros, d’un diamètre de quatre kilomètres, comporte six cratères (et non pas un seul, comme le croient la plupart des visiteurs). Le plus connu d’entre eux, qui est aussi la principale attraction de l’île, est le cratère Stefanos.
Le cratère Stefanos et, plus ou moins visibles, les cinq autres cratères (l’un à sa gauche, les autres en arrière-plan)
Le cratère Stefanos
J’ai eu la chance de pouvoir visiter Nisyros hors-saison (début mai) à une période où il y avait donc très peu de touristes.
Je suis arrivé au cratère en fin d’après-midi, à vélo. Il n’y avait plus personne pour tenir le guichet d’entrée, et une seule voiture était garée là : celle du gérant du petit snack situé juste après le guichet. Nous étions les deux seules personnes présentes sur tout le site.
L’arrivée au cratère Stefanos (sur le sommet du fond : le petit village de Nikia – voir plus bas)
Je suis alors descendu dans le cratère, où je me suis retrouvé absolument seul pendant toute la durée de ma visite (près d’une heure). Un privilège.
Le cratère Stephanos, vide de touristes…
Dans ce cratère, la première chose qui attire le regard, ce sont les couleurs. Ses parois sont jaunies par les dépôts de soufre.
Au début du petit chemin qui mène au fond du cratère, un panneau nous rappelle que le site est potentiellement dangereux.
Juste avant d’arriver dans le cratère principal, on passe devant un cratère beaucoup plus petit, le cratère Andreas (appelé également Mikros Stefanos, par opposition à son illustre voisin, Megalos Stefanos, celui que tout le monde visite).
Le cratère Andreas (ou Mikros Stefanos)
Arrive alors le moment attendu, celui où l’on peut fouler le sol bouillonnant du cratère principal de Nisyros.
Au fond du cratère
Reliés par de fines cordes, des piquets délimitent les zones auxquelles il est interdit d’accéder, pour des raisons de sécurité évidentes. Car par ici, la terre chauffe, voire surchauffe. Et disons-le carrément : elle bouillonne, elle fume et elle brûle ! Dans ces zones interdites d’accès, l’eau bout en effet en permanence au fond de sortes de petites marmites naturelles.
Une petite marmite naturelle d’eau bouillonnante
Un peu partout, de petites colonnes de fumée s’élèvent dans le ciel, rappelant elles aussi au visiteur qu’il est bien sur un site naturel d’exception.
Les fumerolles au fond du cratère
Se rendre au volcan juste avant le coucher du soleil permet de l’admirer éclairé par une jolie lumière : les fameuses golden hours, si prisées des photographes.
Les parois soufrées du cratèreLe cratère Stefanos pendant les golden hours
Bivouac de rêve au milieu des cratères
Étant un amoureux de la nature, j’ai terminé ma journée de visite de ce joli volcan par une nuit de rêve, puisque j’ai dormi sur cette terre volcanique, sous ma tente posée au beau milieu des cratères !
Dormir à quelques dizaines de mètres du cratère
J’ai passé la nuit complètement seul à proximité du cratère principal, mais apparemment seul aussi dans toute la caldeira, puisqu’elle n’est pas habitée et qu’il n’y a aucune maison. Cette nuit-là, la sensation de plénitude fut totale.
Bon, je dois quand même rappeler qu’en Grèce, contrairement à tant d’autres pays, le bivouac est interdit. Les contrevenants s’exposent à des amendes pouvant aller jusqu’à 300 euros.
Si je me suis permis de braver souvent cette interdiction, à Nisyros comme ailleurs en Grèce, c’est pour plusieurs raisons :
Je bivouaque toujours discrètement afin de ne déranger personne ;
Je n’allume mon réchaud qu’en l’absence totale de risque (par exemple, pas de végétation à proximité, ou alors mouillée) ;
Je ne laisse absolument aucune trace de mon passage dans cette nature que j’aime, et j’emporte donc tous mes déchets ;
Et en prime, lorsqu’il y a déjà des déchets par terre dans la zone où je pose ma tente, je les ramasse et je les emporte pour les jeter dans la première poubelle que je trouve, histoire que les lieux soient plus propres après mon passage qu’avant.
Alors bien sûr, cette façon respectueuse de bivouaquer ne m’autorise pas pour autant à dormir là, toutefois, en procédant de cette manière, tout le monde est gagnant :
les autorités émettrices de cette interdiction abusive, puisque je nettoie ces zones à leur place ;
La nature, parce qu’elle est plus propre après mon bivouac qu’avant ;
Et moi-même bien sûr, tellement je me régale à passer ainsi mes nuits en pleine nature.
Bref, quitte à braver la réglementation, autant le faire proprement…
Ce que je ne savais pas en revanche en posant ma tente au-dessus du cratère Stefanos, c’est qu’en Grèce, le bivouac est sanctionné beaucoup plus sévèrement lorsqu’il a lieu dans les zones touristiques : jusqu’à 3000 euros d’amende et trois mois d’emprisonnement ! Je ne l’ai appris que plus tard.
Lever de soleil face au volcan
Les autres cratères de Nisyros
Si la plupart des visiteurs croient qu’il n’y a qu’un seul cratère à Nisyros, il s’avère qu’en réalité, il y en a… six !
Comme indiqué précédemment, il y a donc les deux cratères décrits ci-dessus : le cratère principal Stefanos (ou Megalos Stefanos), et son petit voisin Andreas (ou Mikros Stefanos). Voici les quatre autres.
Les cratères Megalos Polyvotis et Mikros Polyvotis
Pour se rendre aux deux plus accessibles, il suffit de passer le guichet d’entrée puis le snack situé juste après, et de prendre ensuite le petit chemin situé à droite (au lieu de celui de gauche, qui mène à Stefanos).
Le petit chemin qui mène aux quatre autres cratères, notamment Mikros et Megalos Polyvotis.
On rejoint alors deux nouveaux cratères : le magnifique Megalos Polyvotis, et son petit voisin, Mikros Polyvotis.
Ils sont situés au bout du chemin, où a été érigé un petit poste d’observation. De là, on domine le plus grand cratère, Megalos Polyvotis, lequel est jauni par le souffre et toisé par la paroi rougeâtre de la caldeira.
Le cratère Megalos Polyvotis
Les photos écrasent un peu la sensation de grandeur qu’on ressent lorsqu’on admire ce somptueux cratère aux pieds des parois de la caldeira, à côté desquelles on se sent minuscule.
Megalos Polyvotis
Si l’on poursuit en descendant vers la droite (où le chemin n’est plus balisé), on arrive à son petit frère : Mikros Polyvotis.
Le cratère Mikros Polyvotis
Il a beau être moins impressionnant et moins joli, il est possible de descendre au fond de ce cratère, au milieu de petites fumerolles, contrairement à son voisin Megalos Polyvotis qui, lui, n’est pas accessible. En n’oubliant pas, toutefois, les risques que cela peut présenter, notamment si le sol s’avère instable…
Les cratères Alexandre (ou Flegethron) et Logothetis
Ces deux cratères ne sont indiqués nulle part.
Profusion de couleurs
Souhaitant quand même les découvrir, je me suis dirigé au hasard vers ce qui me semblait être les parois de cratères. Toujours à pied, et depuis les deux cratères de Polyvotis, situés juste à côté.
Direction les deux derniers cratères
Pour cela, il faut sortir du chemin menant aux deux cratères Polyvotis. On se retrouve alors à marcher dans des amas de pierres, beaucoup moins praticables que le chemin en question.
Mon point de repère, c’était les zones de souffre, visibles de loin car très jaunes. C’est donc vers elles que je me suis dirigé. Là, de près, on remarque tout de suite la présence de multiples petites bouches de souffre fumantes, alors qu’on ne les distingue pas de loin.
De là, on a également une jolie vue sur la plaine de Lakki (le fond plat de la caldeira), qu’on domine à 180°.
Sitôt passée la zone de souffre, le sol de pierres disparaît pour laisser place à la paroi du cratère, nue. Et là, ça commence à monter de manière nettement plus abrupte.
Au bout d’une dizaine de mètres à peine, il m’a semblé que mes pas résonnaient. J’ai donc frappé le sol du pied pour vérifier et là, petite frayeur : non seulement ça résonnait bel et bien mais en plus, ça tremblait ! Ce qui signifiait que sous mes pieds, le sol était creux et pas forcément très solide, donc potentiellement écroulable !
Comme je venais tout juste de la zone où de multiples petites fumerolles bouillantes s’échappaient des bouches de souffre, il était évident que le sous-sol était carrément brûlant dans le coin ! Je ne me suis donc pas éternisé et j’ai fait demi-tour, sans pouvoir observer de plus près les deux derniers cratères.
Infos pratiques volcan
Le volcan reçoit la visite de 200 à 1.000 visiteurs environ chaque jour ! Heureusement, il est suffisamment vaste pour qu’on ne s’y bouscule pas et de toute façon, comme indiqué précédemment, ils se concentrent sur le créneau 10h00-15h00 environ.
Le bon plan
Idéalement, il faut se rendre au cratère Stefanos en fin de journée :
Lorsque les bus de touristes sont partis, afin de bénéficier de la plus faible fréquentation possible ;
Et 1h00 – 1h30 avant le coucher du soleil, quand la lumière est la plus belle.
Si vous souhaitez également jeter un œil sur les cratères voisins, alors prévoyez d’arriver encore une heure plus tôt, voire deux si vous voulez prendre tout votre temps pour visiter.
Si vous êtes des lève-tôt, vous pouvez également arriver en début de matinée, avant l’arrivée des bus de touristes. Toutefois, la lumière est un peu moins belle le matin que le soir car les parois de la caldeira masquent plus le soleil quand il se lève que quand il se couche (elles sont plus hautes d’un côté que de l’autre).
Le prix : 5 euros ou gratuit !
L’entrée coûte désormais 5 euros par personne (et non plus 3 euros, comme on peut encore le lire un peu partout sur Internet).
Toutefois, elle est gratuite pour tous ceux qui s’y rendent… à vélo ou à pied !
Que faut-il apporter avec soi ?
Une paire de bonnes chaussures : on peut s’en passer mais le sol est boueux et brûlant dans toute la partie humide du cratère, donc de bonnes chaussures sont préférables. Si vous vous posez la question d’y aller en tongs, c’est possible mais déconseillé.
L’été : prévoir une bouteille d’eau ainsi que casquette et crème solaire, car le soleil peut taper très fort.
Commodités
Il y a un parking pour garer la voiture
Il y a également un snack avec terrasse ombragée et toilettes gratuites (accessibles à tout le monde, y compris aux non-clients du snack).
L’excursion à la journée depuis l’île voisine de Kos
Cette excursion inclut une brève visite du village de Mandraki.
Le prix d’entrée dans le volcan (5 euros), le repas du midi et les boissons ne sont pas inclus.
Le site internet incontournable : Géoparc
Si vous êtes curieux, voici un site Internet à ne pas rater : le site géoparc de Nisyros.
Tout y est : carte interactive, cratères, chemins de randos, biodiversité, mais également l’histoire de l’île et de ses habitants…
Les villages de Nisyros
L’île ne comptant qu’un petit millier d’habitants, les villages ne sont pas nombreux. Mais quels villages ! Les quatre principaux sont Mandraki, Nikia, Emporios et Pali.
Mandraki
Quand on arrive sur l’île, c’est dans le petit port de Mandraki qu’on accoste.
Une ruelle de Mandraki
Ce qui frappe d’emblée, ce sont ses agréables petites ruelles, dont les façades de maisons sont blanchies à la chaux.
Une ruelle de Mandraki
En haut de la colline qui surplombe le village se trouve le Paleokastro. Il s’agit de la ville ancienne de Nisyros, qui était alors fortifiée. Depuis ces ruines, la vue sur le village en contrebas, la mer et les îles voisines vaut le détour.
Mandraki, vu depuis le Paleokastro
Un peu plus bas, mais toujours au-dessus du village, se situe le monastère Panagia Spiliani (Notre-Dame de la Caverne).
Le monastère Panagia Spiliani domine le village de Mandraki
Ce joli petit monastère vaut le coup d’œil même si, pour ma part, je n’ai pas pu visiter l’intérieur car il a rapidement fermé lors de ma venue.
Si l’on descend quelques marches depuis le monastère, on arrive à un autre point de vue sur Mandraki, moins élevé que depuis le Paleokastro, mais offrant lui aussi une jolie vue d’ensemble sur le village.
Enfin, pour parfaire le tableau de ce joli petit village, ajoutons que Mandraki dispose de nombreux petits commerces et restaurants sur le front de mer.
Nikia
Pour ma part, j’ai eu un vrai coup de cœur pour ce petit village, perché sur la crète des montagnes qui dominent le volcan.
Nikia
Pour l’anecdote, j’y suis arrivé à vélo, après avoir grimpé les montagnes du centre de l’île, dont certaines côtes atteignent les 15%. Avec mon vélo de 54 kilos, sacoches comprises, et le soleil qui tapait fort, je n’avais qu’une seule envie : m’asseoir à l’ombre, sur la terrasse d’un café et dévaliser le frigo !
Mais pour arriver là, il fallait passer par les petites ruelles du village. Et là, j’ai eu un vrai coup de foudre.
Une ruelle de Nikia
Du coup, je me suis arrêté tous les dix mètres pour photographier et filmer, repoussant à plus tard le moment pourtant tant attendu de me rafraîchir…
Certaines ruelles sont très étroites, ce qui ajoute à leur charme.
La principale attraction de ce petit village, c’est sa place centrale. Elle est pavée d’une mosaïque qui a la réputation, dans toute la Grèce, d’être l’une des plus belles du pays.
Impossible de la photographier en entier le jour de ma venue car elle était en partie remplie de tables de restaurants, mais c’est vrai qu’elle est jolie et surtout, très agréable. Idéale pour prendre un verre et/ou un bon repas…
La fameuse place de Nikia et sa mosaïque de cailloux au sol
Enfin, il faut noter que, depuis le cratère Stefanos, c’est ce petit village blanc que l’on aperçoit tout là-haut, au loin, juché sur la crête de la caldeira. Et à l’inverse, on a une vue plongeante sur le volcan depuis le village.
Pali
Comme Mandraki, Pali est situé sur la côte.
L’église de Pali
Il s’agit d’un petit village de pêcheurs, qui s’anime un peu l’été avec la venue de quelques touristes.
Le port de Pali
Le village est tout petit, il est surtout animé grâce à son port de pêche et de plaisance, et à ses bars et restaurants. Mais c’est également un point de chute parfait pour pouvoir rayonner sur l’île, et sur les plages de sable volcanique noir situées juste à côté.
Mohamed, pêcheur à Pali
Enfin, Pali dispose d’une plage, raison pour laquelle certains visiteurs la préfèrent à Mandraki pour séjourner sur Nisyros.
Emporios
Comme Nikia, Emporios est un petit village situé dans l’intérieur de l’île et sur le rebord de la caldeira. Il a été déserté au fil des années pour ne plus compter aujourd’hui qu’une trentaine d’habitants ! Puisque très peu de touristes s’y rendent, l’avantage, c’est qu’il a su conserver toute son authenticité.
Emporios
A noter que peu avant l’entrée du village, au bord de la route, se trouve une petite grotte qui, grâce à l’activité volcanique du sous-sol de l’île, fait office de sauna naturel pour les visiteurs.
En plus de mes deux nuits en bivouac tout seul dans la caldeira, j’ai dormi au Romantzo Hotel, réservé via Booking. Si vous cherchez un hôtel dans le centre de Mandraki, alors le Romantzo ne vous conviendra peut-être pas car il est légèrement excentré (il suffit néanmoins de 5 à 10 minutes de marche à peine pour s’y rendre). Par contre, si vous cherchez le calme, alors il est parfait.
Le Romantzo Hotel est situé face à la mer
La terrasse des chambres
Les prix sont corrects (37 euros hors saison, début mai, lors de ma venue, petit déj’ inclus), la vue sur la mer est agréable, l’accueil est sympa et le petit déjeuner varié.
Plages volcaniques et montagnes verdoyantes
Les plages
Bien qu’elles vaillent le coup, on ne vient généralement pas à Nisyros pour ses plages.
Une plage volcanique, à l’est de Pali
Les plus réputées d’entre elles sont essentiellement situées sur la côte est, et les plus accessibles pullulent sur la côte nord, juste après le village de Pali (en direction de l’est) : là, elles se succèdent sur des centaines et des centaines de mètres, avec leur sable noir d’origine volcanique.
Une plage à l’est de Pali
Nisyros n’est pas forcément synonyme d’île de rêve pour tout le monde. En effet, certains habitants m’ont expliqué que régulièrement, on trouvait sur les plages de Nisyros des affaires, notamment des vêtements, appartenant à des migrants qui échouent parfois ici avec leur radeau de fortune.
Et en effet, il n’y a pas besoin de chercher bien longtemps pour trouver traces de ces objets gisant sur les plages, qui témoignent du vécu dramatique de ces miraculés de la mer.
Les montagnes
Lorsqu’on s’aventure dans les montagnes de l’île en direction du volcan, on passe par de nombreux points de vues sur la mer.
On croise régulièrement des vaches au milieu de la route, mais aussi des chèvres dans les arbres ! Elles y grimpent avec une agilité de singes pour déguster les feuilles !
Les bus qui emmènent les touristes à la journée visiter le volcan passent par cette route mais ils ne prennent pas le temps de s’arrêter en chemin, alors que les vues successives sur la mer en valent pourtant la peine.
Au final, que vaut Nisyros ?
Dans cet article, je n’ai pas encore répondu à la question posée dans le titre : « Nisyros : la plus belle île de Grèce ?… » Et pour cause : n’ayant pas visité chacune des 9.000 îles que compte le pays, difficile de les comparer !
A l’inverse, beaucoup de blogs et de sites Internet ne s’embarrassent pas autant, et ils nous pondent des classements sur les dix, quinze ou vingt plus belles îles de Grèce (ce qui, en général, correspond tout simplement à la liste plus ou moins longue des quelques îles grecques qu’ils ont eu le temps de visiter !)
C’est ainsi que Nisyros n’apparaît que très rarement dans ces classements des plus belles îles du pays : notre jolie petite île volcanique étant située trop loin pour que les auteurs de ces articles y aient mis les pieds, ils ne la connaissent pas et ne peuvent donc pas la prendre en compte dans leur classement !
Qu’en pensent les grecs ?…
Le signe qui ne trompe pas, c’est l’opinion des locaux, et tous ceux que j’ai rencontrés ont été unanimes : selon eux, Nisyros est une superbe petite île dont ils sont généralement fiers, l’une des plus belles de leur pays selon eux.
Je partage cette opinion : Nisyros est magnifique, c’est même la plus belle île de toutes celles que j’ai visitées en Grèce au fil des années, en cinq voyages au pays d’Aristote.
Avec sa douceur de vivre, sa faible fréquentation touristique, ses vues à couper le souffle et son volcan, c’est réellement une destination à ne pas rater…
Il ne vous reste donc plus qu’à vous y rendre pour vous faire votre propre point de vue…
Chargement…
Une dernière petite salve d’images pour terminer…
Dans la caldeira
Le monastère Panagia Spiliani, à Mandraki
Autoportrait !Les parois du cratère recouvertes de soufreL’un des nombreux points de vues sur la merDans le volcanLe coucher du soleil vu depuis Mandraki
Congé sabbatique pour périple à vélo : de la France à la Grèce…
J’en ai longtemps rêvé, j’ai fini par le faire : prendre un congé sabbatique pour voyager pendant plusieurs mois !
Voici le compte-rendu de ce périple hors-normes, à vélo, en solo et en bivouac, qui m’a emmené dans les coins les plus reculés des Balkans. Pour moi, le but était de fuir les villes pour privilégier au maximum la nature, les lieux à peu près vierges de tourisme et les rencontres avec les habitants.
Ce voyage fut tellement fort émotionnellement qu’une fois arrivé à destination, la Grèce, j’ai décidé de continuer un peu au lieu de faire demi-tour : direction la Turquie !
Le petit village de BakarL’île de Krk sous les nuages.Île de PagTraversée de l’île de PagLe coucher du soleil vu depuis la tente. Île de Pag.
La Bosnie-Herzégovine
Mostar et son fameux pont
Le Monténégro
La baie de KotorTrebinje
L’Albanie
La Grande Mosquée de Tirana, ou mosquée de NamazgâhLe vieux pont suspendu et rouillé de PërmetLe vieux pont ottoman, dans les environs de PërmetA proximité du village de PërmetLa Vjosa, considérée comme le dernier long fleuve sauvage d’Europe (hors Russie)
La Grèce
Dans la caldeira de l’île de Nisyros (Dodécanèse)Athènes
Le petit village de Nikia (île de Nisyros, Dodécanèse)
Vue sur le cratère de Stefanos (île de Nisyros, Dodécanèse)Le cratère de Stefanos (île de Nisyros, Dodécanèse)En route vers le volcan (île de Nisyros, Dodécanèse)Le village de Mandraki (île de Nisyros, Dodécanèse)
La Turquie
Le lac de Milas
Quelques rencontres…
Avec Giuseppe (Italie)
Vanessa, une allemande, son compagnon hollandais Albert et leur fillette de 11 mois Alva (île de Pag, Croatie)
Sofia, une bosniaque, m’offre son délicieux café turc fait maison (île de Pag, Croatie)
Luka, un pèlerin croate qui marche vers la ville de Medjugorje, dans le sud de l’Herzégovine (île de Pag, Croatie)
Danilo remplira gentiment mes gourdes avec l’eau de son puits (Croatie)
A Sinj, pendant mes courses dans une toute petite épicerie, Ana et Milanka m’offrent à manger (Croatie)
Inga, passionnée de pâtisserie, m’offre une part du succulent gâteau qu’elle a préparé… Une tuerie ! (Mostar, Bosnie-Herzégovine)
Novak Djinovik, ex-cycliste professionnel, me fait cadeau de la brève réparation de mon vélo (Bar, Monténégro)
Sur un chantier, des ouvriers m’offrent un soda pendant leur pause de midi (Albanie)
Koula, rencontré pendant une traversée féérique sur la rivière Drin (Albanie)
Un grand-père me complimente sur mon voyage à vélo, avec son fils et son petit-fils, à Fierza (Albanie)
Lorsque je passe à vélo devant lui, Emiliano (ici avec son père et des voisins) m’arrête et m’offre un verre, puis quand je repars, une canette de soda pour la route (Albanie)
A Koman, cette dame, à qui je demande simplement un renseignement, m’offre une part du gâteau qu’elle vient juste de préparer (Albanie)
A Koman (Albanie)
Le monsieur de gauche, curieux sur mon voyage, remplira gentiment mes gourdes d’eau (Albanie)
Ce vendeur de fruits d’une incroyable gentillesse refuse que je paye deux oranges : il me les offre… et ajoute deux pommes (Albanie)
Ces messieurs me bombardent de questions sur mon voyage et me félicitent en boucle (Albanie)
Longue discussion en bord de route avec un berger, devant ses brebis au loin (Albanie)
Ce monsieur me dira les seuls mots qu’il connaît en français : « je t’aime ! » (Albanie)
A court d’eau, assoiffé par l’effort et la chaleur, je me vois offrir deux petites bouteilles d’eau (Grèce)
Rencontre de deux pêcheurs (Grèce)
Chris et son père Alexandros m’offrent le café à Corinthe (Grèce)
Pendant la longue traversée vers Nisyros (20 h), je sympathise avec un couple franco-hollandais, Michelle et Peter (Grèce)…
… et je sympathise également avec Adonis, un skipper grec qui a navigué sur toutes les mers du monde ! (Grèce)
Avec le pope du monastère Panagia Spiliani à Mandraki (île de Nisyros, Grèce)
Mohamed exhibe fièrement une petite partie de sa pêche du jour à Pali (île de Nisyros, Grèce)
Avec Mohamed sur son chalutier (île de Nisyros, Grèce)
Avec Simplet (c’est celui de gauche, je précise…) à Athènes
Avec Sono, un indien Sikh, sur l’île de Kos (Grèce)
Avec Sono et un couple d’allemands, sur l’île de Kos (Grèce)
Au moment de payer un Fanta au patron d’un petit bar-resto à Yatagan, il me l’offre ! (Turquie)
Olgun, un prof d’anglais, devant son collège à Turgut (Turquie)
Fathi se balade tous les dimanches avec son scooter pour admirer les jolis paysages du coin (Turquie)
Patrick, architecte à la retraite, rencontré à Gènes lors de mon retour en France (Italie)
Si la Crète regorge de jolies plages, la plupart d’entre elles sont prises d’assaut par les touristes, notamment l’été.
Ce n’est pas le cas de celle de Kedrodasos, qui est pourtant l’une des plus jolies et des plus sauvages de l’île.
C’est peut-être bien l’un des derniers sites hors des sentiers battus en Crète, c’est pourquoi il faut vite y aller et profiter de sa beauté avant qu’elle ne devienne à son tour à la mode. Ce qui ne saurait tarder…
Kedrodasos
Après avoir garé la voiture sur le parking (ou y être arrivé/e en bus), on arrive à cette plage au prix d’une petite marche d’une dizaine de minutes, sur un chemin rocailleux légèrement descendant et sans difficulté particulière.
Puis on traverse une agréable zone de genévriers qui bordent la plage. Ces vieux arbres aux formes parfois tourmentées ont une croissance lente, quelques centimètres par an seulement : vu leur taille actuelle, on imagine leur âge vénérable…
L’arrivée sous les genévriers
Ces vieux arbres ont le mérite d’offrir de l’ombre aux estivants.
On se baigne dans des eaux translucides couleur turquoise, dans une zone qui alterne sable et rochers.
Les eaux de Kedrodasos
En réalité, Kedrodasos est une succession de plages et de criques. La plage principale, qui est la plus longue, est un peu plus fréquentée que ses petites voisines. Mais même en haute saison, ce n’est pas la grande foule.
La plage principale de Kedrodasos en plein mois d’août n’est pas sur-fréquentée
Il n’en reste pas moins que si vous voulez vous prélasser dans une zone plus sauvage et plus isolée, il vous suffit de marcher quelques minutes le long du littoral pour trouver votre bonheur.
Kedrodasos est située à deux kilomètres à peine d’Elafonissi, sa célèbre voisine. Un petit sentier côtier de randonnée relie d’ailleurs les deux, et permet d’admirer une succession de petites criques.
Baignade à Kedrodasos
Malgré cette proximité géographique, tout les oppose : Elafonissi est connue, bondée, animée, instagrammable, aménagée et finalement surfaite. Alors que Kedrodasos est méconnue, peu fréquentée et même déserte par endroits, calme, pas tendance, pas aménagée et sous-côtée. Du moins pour l’instant…
L’une des criques désertes de Kedrodasos
Ici, il n’y a donc ni bar, ni snack, ni transats. La plage est restée vierge et sauvage, et c’est ce qui fait son charme.
C’est ce côté nature et authentique qui attire les visiteurs. On y croise quelques campeurs, dont des naturistes. Les tentes sont posées sous les arbres, face à la mer. Le camping est pourtant interdit afin de protéger le site, notamment les genévriers séculaires, qui peuvent être fragiles.
Camping sauvage à Kedrodasos
La plage n’étant pas aménagée, il est important que chacun ramène ses déchets, ce qui semble être le cas car la plage est propre.
Genévriers à Kedrodasos
Si vous passez dans les parages, ce sera certainement pour faire comme tout le monde : découvrir Elafonissi. Mais si vous avez un peu de temps, ne ratez pas sa voisine Kedrodasos : vous ne le regretterez pas…
Kedrodasos
Bon à savoir
Comme il n'y a pas de snack à Kedrodasos, il y a deux possibilités pour se restaurer :
- apporter de quoi manger et boire (prévoir beaucoup d'eau en été car il peut faire extrêmement chaud) ;
- aller manger au petit resto situé à quelques minutes de voiture : le restaurant Glykeria. Le personnel est extrêmement accueillant, les plats sont délicieux, et la terrasse est très agréable avec sa vue sur la mer.
Agia Roumeli est un petit village crétois à la fois connu et méconnu.
Connu, parce que les nombreux touristes qui font la fameuse randonnée des gorges de Samaria y passent forcément, Agia Roumeli marquant l’arrivée de la rando.
La randonnée dans les impressionnantes gorges de Samaria
Et méconnu, parce que la plupart d’entre eux ne font qu’y transiter, se précipitant sitôt la rando terminée sur l’un des deux bateaux quotidiens qui quittent le village en fin d’après-midi pour les villes voisines. Et c’est dommage de ne pas s’attarder à Agia Roumeli car ce petit village a d’autres atouts.
L’arrivée en bateau à Agia Roumeli
En effet, sa minuscule population de 125 habitants est accueillante, il comporte différents centres d’intérêts et quelques activités en plus de la fameuse rando dans les gorges. Enfin, il fait tout simplement bon vivre dans ce petit village paisible qui n’est accessible qu’en bateau ou à pied (après quand même 16 kilomètres de marche dans les gorges) ! Ce qui en fait malgré tout un endroit isolé…
Sur la colline qui domine Agia Roumeli se trouvent les ruines d’une forteresse ottomane du XIXe siècle, face à la mer. Deux chemins y mènent, l’un côté mer, l’autre côté montagne. J’ai testé les deux.
Faire la randonnée à l’ombre
Le premier est le plus direct et le plus rapide (côté mer, +/- 30 minutes), et on peut y croiser parfois quelques personnes. Le second est plus long (côté montagne, +/- 1h00) mais il est beaucoup plus nature et il n’y a personne : à la période la plus touristique de l’année (mi-août), les seules traces de vies que j’y ai croisées étaient… des chèvres ! Pas un humain.
C’est un local, Joseph (le propriétaire de Zorbas Studios Apartments où nous avons logé, voir les infos pratiques ci-dessous) qui m’a donné toutes les infos sur cette rando. Cet octogénaire adorable est né ici à une époque où le village n’existait pas encore et pendant tout notre séjour ici, il s’est toujours montré de bon conseil et s’est mis en quatre pour nous aider chaque fois qu’il le pouvait.
C’est donc lui qui m’a expliqué que l’idéal pour faire cette rando consistait à faire l’aller par l’arrière de la montagne à partir de 17h00, c’est-à-dire quand la zone est à l’ombre, plutôt que par devant en plein cagnard. Il avait raison, la température était tout à fait correcte de l’autre côté.
Églises byzantines, ponts vénitiens et chapelle troglodyte
Avant d’attaquer la randonnée proprement dite vers le château, on commence par une marche de quinze à vingt minutes sans aucune difficulté, sur une route pavée. Elle permet de découvrir différents points d’intérêt. A noter que ce court itinéraire est commun à celui de la rando dans les gorges.
Le départ consiste à quitter le village par la route, dos à la mer, en direction de la montagne et du château (suivre les panneaux indiquant les gorges). On arrive rapidement à une petite église orthodoxe, surplombée au loin par le château, en haut de la colline.
L’église Panagia Kera (de la Sainte-Mère)
Cette église est classée comme point d’intérêt par l’Unesco.
Un court instant plus tard, on arrive au lit de la rivière (à sec à cet endroit lors de mon passage).
En partie en ruines, deux petits ponts vénitiens à arches l’enjambent.
Une dizaine de minutes plus tard, on arrive à une nouvelle église byzantine, elle aussi aux pieds des montagnes mais toute blanche celle-là : l’église Agia Triada.
L’église Agia Triada (de la Sainte-Trinité)
Mais si l’on regarde au loin derrière elle, on en aperçoit une autre, beaucoup plus originale : c’est la chapelle Agios Antonios. Elle a été construite dans une grotte à flanc de falaise.
La chapelle Agios Antonios (Saint-Antoine)
En observant cette chapelle improbable, on se dit que pour aller à la messe dans un endroit pareil, il faut être sacrément motivé/e !
Puis il faut continuer à suivre le chemin jusqu’à un embranchement : à droite, on continue vers les gorges ; à gauche, on prend la direction du château. On ne peut pas se tromper.
Si vous ne souhaitez pas aller dans les gorges ni au château, c’est là qu’il faut faire demi-tour : en trois-quarts d’heure aller-retour, cette petite marche agréable vous aura donc permis de voir ces différents points d’intérêt.
Marcher à flanc de montagne vers le château
En continuant vers le château, on prend tout de suite un joli petit sentier de randonnée très nature, qui passe au milieu des arbres et des éboulis de pierres.
Vers le château
Dès le début du chemin, les premiers points de vues sur la fin des gorges attirent l’œil.
La fin des gorges de Samaria
Conformément à ce que m’a dit Joseph, le sentier est entièrement à l’ombre après 17h00, ce qui est appréciable par une telle chaleur (lors de ma venue ici, on était en plein mois d’août).
Les photos ne restituent ni les odeurs, ni les bruits et c’est bien dommage. Car sur ce sentier ombragé, les parfums de la végétation, qui rappellent le maquis corse, viennent gentiment nous chatouiller les narines pendant que le chant des oiseaux, mêlé à celui des cigales, enchante nos tympans !
Pour couronner le tout, on croise de temps en temps quelques fabricantes de féta.
La rando se poursuit dans de chouettes paysages, à l’ombre de la canicule ambiante et avec vue sur la mer.
En poursuivant ma route, je croise une chèvre qui est poursuivie par un mâle. A l’évidence, il a une idée derrière la tête. Leur aisance sur ces chemins pierreux et escarpés m’épate. Ils feront leur petite affaire un peu plus loin.
Bref, je poursuis tranquillement mon chemin, lequel monte de plus en plus en approchant de l’arrivée.
Un crâne de chèvre
Et enfin, c’est l’arrivée à la forteresse ottomane du 19e siècle. Ou du moins ce qu’il en reste puisque elle est en ruine.
Les ruines de la forteresse ottomane
Juchée au sommet de la colline qui domine Agia Roumeli, elle offre une jolie vue sur le village, les montagnes et la mer.
On peut pénétrer dans le château, dont l’intérieur n’est pas mieux conservé que l’extérieur.
Pour le chemin du retour, j’opte pour la voie directe : je vais donc descendre par le versant qui fait face au village et à la mer qui était en plein soleil une heure plus tôt, et non par le versant opposé, où je suis passé à l’aller.
Agia Roumeli vue depuis le château
Car maintenant, ce deuxième versant est à l’ombre lui aussi.
Le sentier du retour
Du coup, je croiserai quatre ou cinq couples et familles sur ce chemin, qui ont attendu que ce versant soit à l’ombre à son tour pour monter sans le cagnard.
Mais le soleil ne va pas tarder à se coucher et ils ne vont pas avoir beaucoup de temps pour faire l’aller-retour. Joseph a été de très bon conseil en me faisant passer de l’autre côté car j’ai pu partir plus tôt, en profiter et voir plus de choses.
C’est donc l’option que je conseille ici à mon tour…
Un peu avant d’arriver, je jette un dernier coup d’œil au château, tout là-haut derrière moi. Il m’aura permis de faire une petite rando très agréable de bout en bout… que je vous conseille donc, si vous prenez le temps de vous arrêter un jour ou deux à Agia Roumeli.
Pour conclure, j’ajoute que si c’était à refaire, je partirais juste un peu plus tôt. Joseph m’avait dit que le versant nord était ombragé à partir de 17h, mais je suis parti après 17h30. C’était un peu trop tard.
Car une fois en haut, le château était à l’ombre, ce qui le rend un peu fade sur les photos. Alors que quelques minutes plus tôt, il devait être éclairé par la lumière chaude du soleil déclinant, ce qui est beaucoup plus photogénique.
La montagne au soleil mais le château à l’ombre
Les plages
Il y a trois plages à Agia Roumeli :
la plage centrale située aux pieds du village ;
la plage de Zeromouri (à gauche de la plage centrale quand on est face à la mer) ;
la plage de Mashali (à droite de la plage centrale quand on est face à la mer).
La plage de Mashali
La plage « centrale »
Il s’agit d’une petite plage de galets avec quelques transats payants et les parasols qui vont avec. Il n’y a en général pas grand monde qui s’y prélasse, même en plein mois d’août, sauf… quand les randonneurs arrivent en provenance des gorges de Samaria. C’est-à-dire en gros entre 13h00 et 17h00.
La plage « centrale »
Pour eux, c’est l’endroit idéal pour se délasser dans la Grande Bleue après leur rando, ou pour se rafraîchir un verre à la main, les bars et restos étant situés juste derrière.
Si vous restez un ou plusieurs jours à Agia Roumeli, c’est donc le matin ou après 17h00 que cette petite plage est le plus agréable (c’est-à-dire avant l’arrivée des randonneurs ou après leur départ).
La plage de Zeromouri
Pour rejoindre la plage de Zeromouri depuis la plage « centrale », il faut marcher quelques minutes en ayant la mer à droite et la montagne à gauche. On traverse tout d’abord une zone de gros rochers, non naturels et plutôt moches, qui servent de digue. La plage est juste après. A noter qu’on ne la voit quasiment pas depuis le village.
J’y suis allé non pas à pied mais en snorkeling (voir le chapitre « les activités » ci-dessous) mais à cause d’un dysfonctionnement intempestif de ma GoPro, je n’ai hélas aucune photo à publier ici : ni des fonds marins, ni de la jolie plage !
Cette plage de Zeromouri se divise en plusieurs zones : il y a le plus souvent des galets, parfois du sable et au milieu, une succession de grottes qui ont les pieds dans l’eau, et dans lesquelles on peut s’étendre à l’abri du soleil.
Ce sont ces petites cavités naturelles qui font toute l’originalité et le charme de cette plage.
Si vous voulez en trouver une rien que pour vous, n’y allez pas trop tard dans la journée car même si cette plage est assez peu fréquentée (ce qui contribue aussi à son charme), ces petites grottes ne sont pas très nombreuses et elles sont assez convoitées, en tout cas l’été.
La plage de Mashali
Cette plage de sable noir d’origine volcanique est située à droite d’Agia Roumeli quand on est face à la mer.
C’est une plage très longue donc elle a beau être un peu fréquentée du côté où elle jouxte le village, elle est totalement déserte dès qu’on s’éloigne un peu, y compris en haute saison.
La plage de Mashali en plein mois d’août
C’est la plage la plus appréciée d’Agia Roumeli. Sur la partie la plus proche du village, il y a quelques bars-restaurants les pieds dans l’eau avec leurs transats et leurs parasols payants. On peut donc y prendre un verre, ou plusieurs, entre deux baignades.
Cette zone est assez fréquentée, notamment par les randonneurs qui attendent leur bateau (en gros de 13h à 17h), mais comme la plage est longue, on n’a jamais aucune sensation de promiscuité (contrairement à Balos Beach ou Elafonissi par exemple).
La plage de Mashali
La quasi-totalité de la plage de Mashali reste donc déserte toute la journée, les touristes se concentrant sur les transats. D’ailleurs, si vous en voulez un, n’oubliez pas qu’entre 13h00 et 17h00, les randonneurs se jettent dessus pour se reposer après leur longue marche.
La randonnée des gorges de Samaria
Présentation des gorges
Cette célèbre randonnée a la réputation d’être LA plus belle randonnée de Crète.
D’une longueur de 16 kilomètres, les gorges de Samaria comptent parmi les plus longues gorges d’Europe. Elles relient le village de Xyloskalo sur leplateau d’Omalos (1200 mètres d’altitude) à celui d’Agia Roumeli, sur la mer de Lybie.
Dans un premier temps il y a quelques millions d’années, les mouvements tectoniques ont soulevé les terres assez haut.
Puis c’est le travail inlassable de l’eau (de pluie et de source) qui a érodé lentement mais sûrement la roche pendant des milliers d’années, creusant ainsi la faille actuelle qui mesure jusqu’à 600 mètres de haut par endroits !
C’est fou quand même ce que des gouttes d’eau peuvent faire…
Au fond des gorges
Ces gorges sont classées réserve de biosphère par l’Unesco : elles comptent de nombreuses espèces végétales dont quatorze sont endémiques, et elles offrent un habitat parfait à de nombreux animaux comme la chouette, le faucon, l’aigle royal, le putois, le blaireau… Enfin, elles constituent le dernier territoire naturel de la chèvre sauvage crétoise.
La conséquence logique, c’est qu’elles sont très prisées : au plus fort de la haute saison, elles peuvent accueillir jusqu’à 4000 randonneurs par jour !
Cette randonnée est-elle difficile ?
Le profil
16 km – 1250 m de dénivelé négatif – 6h à 7h
La randonnée dans les gorges à proprement parler est longue de 13 kilomètres, après lesquels il faut marcher 3 kilomètres de plus pour arriver au petit village d’Agia Roumeli, terminus de la randonnée.
Le niveau de difficulté
Cette randonnée est réputée de difficulté moyenne, c’est-à-dire qu’on peut l’effectuer avec une condition physique correcte.
La principale difficulté se situe dans les quatre premiers kilomètres au départ de Xyloskalo car le parcours descend fortement, ce qui met entre autres les articulations à rude épreuve.
En plein été, la chaleur parfois difficile à supporter peut constituer une difficulté supplémentaire, même si la hauteur des parois ainsi que les nombreux arbres le long du parcours procurent de l’ombre, et la rivière de la fraîcheur.
Le parcours
La rando se fait le plus souvent dans le sens de la descente, c’est-à-dire depuis l’intérieur des terres vers la mer.
Pour notre part, un imprévu de dernière minute nous a contraints à changer nos plans pour la faire finalement « à l’envers ». Nous ne l’avons donc pas parcourue en entier puisqu’il fallait prévoir le retour ! Nous avons marché 10 kilomètres depuis Agia Roumeli, soit 20 km aller-retour. C’est donc dans ce sens-là que nous vous la présentons ici.
Pour commencer, il faut marcher 2 à 3 kilomètres (soit 20 à 30 minutes) du village d’Agia Roumeli à l’entrée des gorges. Sur cette portion, les différents points d’intérêt qu’on trouve sont décrits dans le paragraphe ci-dessus intitulé « la courte randonnée au château » : églises byzantines, ponts vénitiens, chapelle troglodyte.
A l’entrée des gorges (ou à la sortie dans le sens classique de la descente) se trouvent les ruines de l’ancien village d’Agia Roumeli.
Le village fût abandonné après le déluge et les grandes inondations de 1954.
Les vestiges de l’ancien village
Puis on entre dans le vif du sujet puisqu’on se retrouve vite au fond de la gigantesque faille creusée par l’eau pendant des millénaires.
Il ne faut pas prendre à la légère les nombreux panneaux qui rappellent sans cesse qu’ici, il y a des risques importants de chutes de pierres. Il faut donc presser le pas car, renseignements pris, il paraît que ces chutes de pierres ne sont pas si rares et qu’elles peuvent s’avérer réellement dangereuses pour ceux qui passent en-dessous.
Et dans certains cas, ce qui s’est produit ici est bien pire que de simples chutes de pierres…
Une coulée de pierres impressionnante
Au petit matin, avant que la grosse chaleur estivale ne nous tombe dessus, la rando est très agréable, le long de la rivière et aux pieds de ces impressionnantes falaises, joliment striées par le temps.
On se sent minuscule au fond de ces gorges immenses, d’où l’on mesure mieux le travail incroyable fait par la nature.
Un kilomètre après l’entrée dans les gorges (c’est-à-dire 12 kilomètres après le départ depuis Xyloskalo), on arrive au point le plus connu des gorges : les Portes.
C’est l’endroit le plus étroit des gorges : 3 à 4 mètres de large seulement pour 300 mètres de haut ! Un couloir vertical vertigineux.
L’endroit est majestueux.
La rando se poursuit dans le lit de la rivière qui s’assèche au fur et à mesure qu’on avance. Ce qui n’enlève pas grand-chose aux paysages qu’on traverse au milieu de parois monumentales.
Il faut savoir que sur l’ensemble du parcours, il y a huit aires de repos avec des fontaines d’eau. La plupart d’entre elles comportent également des toilettes et parfois quelques tables sous les arbres. En gros, ces zones se succèdent tous les un à deux kilomètres environ.
Il est important de ne pas quitter le sentier. D’une part, pour des raisons de sécurité. D’autre part, pour préserver les espèces animales qui vivent ici. En effet, le tracé du sentier a été étudié pour ne pas empiéter sur leur habitat naturel, et ainsi ne pas les perturber. On peut donc les apercevoir de loin mais il ne faut pas sortir du sentier pour les approcher.
Il y a quelques rares endroits où la rivière offre une petite piscine naturelle aux visiteurs. L’eau est fraîche et le cadre impressionnant.
S’il fait chaud et que vous êtes fatigué/e par la rando, alors cette petite baignade vous requinquera en moins de deux.
Pour plus d’informations sur le parc national (par exemple, les avis d’urgence, les heures d’ouverture, les catégories de billets, l’itinéraire, la sécurité, etc.) ainsi que pour l’émission de billets électroniques, vous pouvez visiter le site web : site officiel gorges de Samaria
Comment organiser sa rando ?
La randonnée des gorges de Samaria n’est pas une rando en boucle (= on arrive à l’endroit d’où on est parti) mais une rando en ligne (= le point d’arrivée est différent du point de départ). Cela nécessite une organisation particulière, par exemple si on a laissé la voiture au point de départ. Il y a plusieurs options.
Option 1 : la rando clé-en-main
C’est l’option la plus simple car vous réservez la rando clé en main via un site spécialisé qui s’occupe de tout :
Le bus passe vous chercher à votre hôtel (en général à La Canée mais cela peut être ailleurs : Réthymnon…)
Le bus vous emmène à Xyloskalo, le village de départ de la rando.
Vous marchez dans les gorges jusqu’à Agia Roumeli, le village d’arrivée.
En fin d’après-midi, vous prenez le bateau jusqu’à Hora Sfakion.
Là, un nouveau bus vous attend et il vous ramène jusqu’à votre ville de départ (La Canée, Réthymnon etc.).
Les gorges de Samaria
Pour organiser cette journée de rando, vous pouvez vous adresser à votre hôtel, ou passer par l’un des sites spécialisés dans ce type d’activités : Get Your Guide Samaria etc.
Option 2 : se rendre aux gorges de Samaria en voiture
Cette option ressemble à la précédente sauf que là, vous devez tout organiser vous-même !
Vous devez vous rendre à Xyloskalo en voiture et la garer au parking (5 euros par jour). A titre indicatif, le trajet La Canée-Xyloskalo dure 1h00 à 1h10 pour 42 kilomètres.
Vous marchez dans les gorges jusqu’à Agia Roumeli, le village d’arrivée.
En fin d’après-midi, vous prenez le bateau jusqu’à Sougia (40 minutes de traversée). Le prix varie selon la saison, l’ordre de grandeur est de 15 à 20 euros par adulte. Il y a des réductions étudiants (prenez votre carte) et enfants. Le site de la compagnie pour réserver vos billets : Anendyk.
A Sougia, vous prenez un bus pour Xyloskalo où vous récupérez votre voiture. Le trajet dure 1h15 à 1h30 et coûte 7,50 euros par adulte. Le site de la compagnie de bus en Grèce pour réserver vos billets : Ktel. Attention : il est parfois préférable de réserver vos billets de bus quelques jours à l’avance, surtout en haute saison.
Le bon plan
Vous pouvez aussi dormir à Omalos (à 5 kilomètres de Xyloskalo). Les hôtels emmènent leurs clients au départ de la rando tôt le matin.
Cette option vous permet de dormir un peu plus que si vous veniez de La Canée, ou de commencer la rando avant la plupart de ceux qui ont dormi là-bas puisque contrairement à eux, vous n’avez pas la route à faire.
Option 3 : se rendre aux gorges de Samaria en bus
Cette option ressemble à la précédente, mais avec l’autonomie de la voiture en moins !
Vous prenez le bus à La Canée. Il faut réserver vos places quelques jours à l’avance via le site de la compagnie de bus en Grèce Ktel. Les différents départs ont lieu entre 6h00 et 9h00. Le bus vous dépose à Xyloskalo, lieu de départ de la rando. Notez que l’été, plus vous partez tôt, moins vous aurez chaud sur le parcours.
Vous marchez dans les gorges jusqu’à Agia Roumeli, le village d’arrivée.
En fin d’après-midi, vous prenez le bateau jusqu’à Hora Sfakion (la traversée dure une heure). Le prix varie selon la saison, l’ordre de grandeur est de 15 à 20 euros par adulte. Il y a des réductions étudiants (prenez votre carte) et enfants. Le site de la compagnie pour réserver vos billets : Anendyk.
A Hora Sfakion, vous prenez un bus pour La Canée. Le trajet dure environ 2h00 et coûte 9 euros par adulte. Le site de la compagnie de bus en Grèce pour réserver vos billets : Ktel. Attention : il est parfois préférable de réserver vos billets de bus quelques jours à l’avance, surtout en haute saison. Autrement, vous pouvez les acheter directement à la descente du bateau où se trouve un guichet.
L’embarcadère d’Agia Roumeli
Option 4 : se rendre à Agia Roumeli en bateau
Pour plus de détails sur cette question, rendez-vous en fin d’article dans les « infos pratiques » mais en quelques mots, disons qu’on peut prendre le bateau pour Agia Roumeli depuis Paleochora, Sougia, Loutro et Hora Sfakion, ainsi que depuis l’île de Gavdos.
On peut acheter les billets de bateau directement aux guichet situés dans chacun de ces ports, ou bien réserver à l’avance sur le site de la compagnie Anendyk.
Pour le retour, il peut être nécessaire de réserver à l’avance surtout en haute saison, le bateau étant souvent bien rempli. Si en plus l’état de la mer a empêché les bateaux de circuler la veille, il y aura deux fois plus de monde à embarquer…
Le guichet Anendyk de Sougia, face à l’embarcadère
Option 5 : les voyageurs itinérants
C’est sans doute l’option la plus fun car avec votre sac à dos, vous voyagez librement ! Vous n’avez donc pas à vous poser la question du retour à Xyloskalo ou La Canée après la rando puisque vous passez directement à l’étape suivante.
Vous prenez le bus pour Xyloskalo, lieu de départ de la rando. Il faut réserver vos billets quelques jours à l’avance via le site de la compagnie de bus en Grèce Ktel. Les départs ont lieu entre 6h00 et 9h00. Notez que l’été, plus vous partirez tôt, moins vous aurez chaud sur le parcours.
Vous marchez dans les gorges jusqu’à Agia Roumeli, le village d’arrivée.
En fin d’après-midi, vous prenez le bateau jusqu’à Hora Sfakion, Loutro, Sougia, Paleochora ou Gavdos, au choix selon la suite de votre périple. Il y a des réductions étudiants (prenez votre carte) et enfants. Le site de la compagnie pour réserver vos billets : Anendyk.
Le sentier de randonnée européen E4, au port de Sougia
Les activités
J’ai décrit ci-dessus l’activité phare d’Agia Roumeli, la randonnée des gorges de Samaria, et j’ai également évoqué encore au-dessus la randonnée vers le château.
Mais il y a d’autres activités possibles à Agia Roumeli, pour lesquelles il faut s’adresser aux hôtels du coin, y compris si l’on n’est pas client.
Canoë-kayak et stand-up paddle
Le Agia Roumeli Hotel est situé face à la mer, à 150 mètres du « centre » du village. D’un côté, on a vue sur la mer et de l’autre, vue sur la montagne…
Agia Roumeli Hotel
L’hôtel loue des canoë-kayaks, mais propose également des sorties encadrées en canoë-kayak sur des plages désertes sublimes, ou encore dans des grottes de marbre.
On peut également s’adresser à cet hôtel pour louer des vélos.
Enfin, si vous souhaitez y loger, il faut juste savoir que, sans être hors de prix, c’est quand même l’hôtel le plus cher d’Agia Roumeli.
Le Calypso Hotel est situé dans le centre du village, à deux pas de la mer et de la plage de Mashali, ainsi que de l’embarcadère.
Calypso Hotel
Le Calypso Hotel loue lui aussi des canoë-kayaks, ainsi que des SUP (stand-up paddles).
Nous n’y avons pas dormi mais nous y avons mangé, et l’accueil était très sympa.
Le snorkeling
Je l’ai déjà évoqué plus haut mais ma GoPro a dysfonctionné pendant ma session snorkeling, je ne peux donc publier aucune photo ici.
On peut faire du snorkeling partout où il y a des rochers à Agia Roumeli.
Des habitants m’avaient dit que c’était le long de la plage de Zeromouri (à gauche du village quand on est face à la mer) et juste après elle qu’il y avait les plus beaux spots de snorkeling du coin. Mais au final, j’ai été déçu : les fonds ne sont vraiment pas fous.
En partant de la digue (en fait un amas désordonné de rochers non naturels) située au bout de la plage centrale, on croise d’abord beaucoup de petits crabes graciles couleur bordeaux.
Puis on voit les poissons classiques en Crète : la jolie girelle-paon multicolore, des rougets, des sars communs et des sars à tête noire, quelques petits bancs de castagnoles et de mulets.
Dans la zone située face aux grottes de la plage, on croise pas mal de mérous juvéniles qui slaloment entre les petits rochers. J’y ai également vu un poisson-flûte d’une cinquantaine de centimètres de long juste à côté de moi, qui m’observait tranquillement en faisant du surplace.
Et le clou du spectacle, cent mètres plus loin : deux jolies rascasses volantes qui s’abritaient sous un rocher dans à peine un mètre cinquante d’eau.
Enfin, il paraît qu’il y a pas mal de poulpes mais pour ma part, j’ai eu beau les chercher, je n’en ai vu aucun.
Niveau flore, rien du tout !
Sous l’eau, les rochers sont gris, même en plein soleil dans un mètre d’eau, là où les couleurs explosent habituellement. Du coup, les fonds sont tristounets malgré les poissons, comme dans beaucoup d’endroits en Crète d’ailleurs.
En conclusion, la mer est superbe à Agia Roumeli vue de l’extérieur, mais elle est plutôt décevante dès qu’on met la tête sous l’eau.
Le sentier européen de grande randonnée E4
Du haut de ses 10.500 kilomètres de long, c’est tout simplement le plus long sentier de randonnée d’Europe ! Il commence en Espagne et se termine à Chypre, passant par 11 pays en tout. Sur le parcours, il traverse la Crète d’ouest en est.
Vers l’est, l’étape Agia Roumeli – Loutro vaut le détour, Loutro étant souvent considéré comme l’un des villages les plus beaux et les plus calmes de Crète.
Cette étape est réputée très jolie.
Distance : 15 km – Dénivelé : 350 m+ et 350 m- – Durée : 5 à 6 h – Difficulté : moyenne
On peut aussi n’en faire qu’une portion A/R, et revenir dormir à Agia Roumeli le soir.
Vers l’ouest, l’étape Agia Roumeli – Sougia peut être un bon plan si vous avez laissé la voiture à Sougia avant de faire la rando des gorges de Samaria. Car cela vous évite de prendre le bateau pour rentrer à Sougia. Mais attention, cette rando est plus difficile.
Cette portion du sentier vous fait découvrir les magnifiques gorges de Tripiti.
Distance : 22 km – Dénivelé : 1500 m+ et 1500 m- – Durée : 8 à 9 h – Randonnée difficile
Infos pratiques
Comment se rendre à Agia Roumeli ?
C’est bien simple, il n’y a que deux possibilités d’y aller : en bateau ou à pied (moyennant 16 kilomètres de marche dans les gorges).
Une seule compagnie maritime dessert Agia Roumeli : Anendyk Seaways.
Dans quelles villes peut-on prendre le bateau pour Agia Roumeli ?
Agia Roumeli est relié à quatre villages par bateau : Paleochora et Sougia à l’ouest, et Loutro et Hora Sfakion à l’est. On peut également prendre le bateau depuis l’île de Gavdos (à 60 kilomètres au sud).
Autrement, vous pouvez les acheter dans les guichets Anendyk de chaque port.
Embarquement à Sougia
A noter que, dans la mesure où la plupart des gens qui prennent le bateau du retour (pour quitter Agia Roumeli) ont fait l’aller à pied par les gorges, les bateaux sont généralement vides dans le sens de l’aller (vers Agia Roumeli), et pleins au retour (pour quitter Agia Roumeli).
Le bateau Sougia – Agia Roumeli…
… et le bateau Agia Roumeli – Sougia !
Attention
Il n’y a qu’un seul bateau qui quitte Agia Roumeli l’après-midi (vers 17h00 – 17h30) en direction de Paleochora (via Sougia), et un seul en direction de Hora Sfakion (via Loutro). Il ne faut donc pas le louper. A noter que les horaires varient selon la saison.
Autrement, comme il y a beaucoup de monde pour le retour notamment l’été, le bon plan consiste à acheter les billets du bateau au petit guichet du centre-ville dès que vous terminez la rando, sans attendre.
Comme ça, c’est fait et vous êtes sûrs d’avoir vos places même si, en pratique, Anendyk a tendance à vendre autant de billets qu’il y a de demandeurs. Mais le bateau est vite plein à craquer en haute saison.
Le guichet Anendyk d’Agia Roumeli
Peut-on embarquer sa voiture à bord ?
Oui ! Il est possible d’embarquer sa voiture sur le bateau, puis de circuler sur le minuscule réseau routier d’Agia Roumeli. Mais il est tellement réduit que la voiture n’est vraiment pas nécessaire.
Toutefois, il peut être utile d’emmener votre voiture avec vous si le village d’où vous venez n’est pas le même que celui où vous irez en quittant Agia Roumeli.
Par exemple, si vous venez à Agia Roumeli depuis Paleochora et que vous repartez en direction de Hora Sfakion, embarquer votre voiture sur le bateau vous évitera de retourner la chercher à Paleochora pour ensuite rejoindre Hora Sfakion par la route.
A l’aller vers Agia Roumeli, le parking du bateau est vide
Dans tous les cas, attention pour le retour : en haute saison, les voitures ne peuvent pas toujours toutes monter à bord.
Lors de notre trajet Agia Roumeli – Sougia en plein mois d’août, le parking du bateau était complet et quelques voitures sont restées à quai.
Il faut donc vous y prendre à l’avance, le plus sûr consistant à réserver vos billets, dont celui de la voiture, sur le site internet d’Anendyk (revoici le lien : Anendyk horaires et réservations). Et le jour du départ, n’arrivez pas sur le quai au dernier moment…
Attention aux impondérables !
Ne prévoyez pas cette rando la veille de votre avion du retour car lorsque les conditions de mer sont mauvaises, ce qui arrive parfois, les bateaux sont purement et simplement annulés. Prévoyez donc une marge…
Aucun bateau pour Agia Roumeli, Paleochora et Sougia ce jour-là à cause du mauvais temps
Y a-t-il des commerces dans le village ?
Avec une population de 125 habitants, il ne faut pas s’attendre à trouver tout ce que l’on veut à Agia Roumeli.
Il y a quand même une douzaine d’hôtels et autant de restaurants, ce qui montre bien l’impact du tourisme sur si peu d’habitants.
Un restaurant les pieds dans l’eau (plage de Mashali)
Il y a également deux toutes petites supérettes dans lesquelles on ne trouve que le strict nécessaire. On n’a que très peu de choix entre les différents produits.
Enfin, on trouve une boutique de souvenirs à l’hôtel Zorbas Studios.
Nous avons dormi dans cet hôtel et je dois souligner ici la gentillesse de son patron extrêmement serviable, Joseph.
L’hôtel est particulièrement bien placé et en plus, c’est le moins cher du village !
La Crète a beau être une île pas si grande, elle accueille quand même 5 millions de visiteurs chaque année ! Il est donc devenu difficile de dénicher des lieux préservés du tourisme, a fortiori sur la côte et pendant l’été. Pourtant, il en existe encore quelques-uns, et Lendas en fait partie.
Lendas, entre mer et montagnes
C’est un petit village tout blanc qui compte… 53 âmes ! Il est niché dans une petite crique aux pieds des montagnes. Le lieu est éloigné de la plupart des transports en commun ainsi que des sites les plus visités de l’île. C’est cet isolement qui le place en dehors des itinéraires touristiques classiques, et c’est tant mieux.
Le village, qui comprend un petit site archéologique intéressant et désert, est donc plutôt destiné à ceux qui veulent profiter de la Crète hors des sentiers battus, à un rythme paisible, dans le calme, la tranquillité et les jolis paysages. Bref, c’est un endroit où il fait bon vivre…
Lendas est situé à 70 km au sud d’Héraklion, ce qui prend quand même 1h20 en voiture, à cause des routes sinueuses qui montent et descendent à travers les montagnes.
Juste avant d’arriver à Lendas, on est accueilli par une jolie petite église orthodoxe qui domine la grande bleue.
Lendas est un petit village de pêcheurs qui s’est orienté au fil du temps vers le tourisme même si, encore une fois, il s’agit d’un tourisme modéré et largement maîtrisé.
En me baladant dans les alentours du village pour le photographier, quelle ne fut pas ma surprise de me retrouver nez-à-nez avec un morceau de colonne datant de l’Antiquité !
Une pièce archéologique en pleine nature, à Lendas
Elle était posée là, au milieu de nulle part, entre la montagne d’un côté et la mer de l’autre.
Pour aller la voir, il suffit de marcher quelques minutes sur le petit chemin côtier, juste après la plage du village, en direction de l’est…
La même colonne, vue de l’autre côté
Je comprendrai plus tard qu’elle fait partie d’un site archéologique situé à proximité (voir plus bas).
Se balader dans le village et sur les petits chemins des alentours est l’une des rares activités qui sont possibles à Lendas.
Lendas
Le « centre-ville » est agrémenté d’une petite plage mignonnette.
On peut y louer des transats qui sont posés à l’ombre de gros arbres et de parasols.
On peut prendre un verre ou manger un morceau dans l’un des bars et restaurants qui donnent sur la plage.
Et même quand il y a un peu de monde (comme c’était notre cas en plein mois d’août), on ne se sent pourtant pas comprimés contre les autres.
La plage du village
Et justement l’un des atouts de Lendas, ce sont ses restaurants situés tout le long du petit front de mer. Ils proposent bien sûr la pêche du jour, mais également de nombreuses spécialités grecques.
La terrasse ouverte du restaurant Porto Lenta
Ici, la coutume veut que les clients entrent dans les cuisines pour voir tous les plats qui sont au menu, histoire de les aider à faire leur choix. Le plus souvent, le personnel propose d’emblée cette visite en cuisine mais s’il ne le fait pas, il ne faut pas hésiter à le demander : c’est la tradition.
Le site archéologique
Juste au-dessus du village se trouve un petit site archéologique méconnu. Il s’agit du temple d’Asclepios, construit au IVe siècle avant notre ère.
Dans la mythologie grecque, Asclepios n’était pas n’importe qui : il était à la fois dieu de la médecine et fils d’Apollon !
Les ruines du sanctuaire d’Asclepios
A cette époque, une source minérale fut découverte ici. Les riches romains d’Afrique du Nord venaient s’y faire soigner car on prêtait à cette eau certaines vertus thérapeutiques. C’est ce qui a fait prospérer ce sanctuaire. Jusqu’en -46, quand un tremblement de terre le ravagea en partie.
Les deux seules colonnes de marbre encore debout du temple d’Asclepios
Le vestige le plus notable du site est une mosaïque posée sur le sol, qui représente un hippocampe. Non pas le poisson que nous connaissons, mais l’animal marin de la mythologie grecque, qui était constitué de la tête et des pattes avant d’un cheval, avec le corps et la queue d’un poisson.
Cette mosaïque originale a le mérite de changer un peu des vestiges antiques que l’on voit un peu partout en Crète.
L’hippocampe mythique du temple d’Asclepios
N’étant pas un spécialiste de la Grèce antique, je ne sais pas ce que vaut ce sanctuaire d’Asclépios. J’imagine que son importance est relativement mineure, sinon il serait bien plus connu et fréquenté.
Pourtant, il présente deux avantages pour les néophytes comme moi. D’une part, il est situé dans un joli cadre, aux pieds de la montagne et face à la mer. Et d’autre part, et bien il n’y a pas un chat ! Même en plein mois d’août, on se retrouve facilement tout seul à le visiter.
L’hippocampe est l’animal mythique qui tractait le char de Poséidon
Contrairement à ce qu’indique un panneau posé sur une vieille clôture rouillée, l’entrée est libre 24h/24.
De plus, elle est gratuite.
En conclusion, on fait assez vite le tour du temple d’Asclepios car il y a finalement peu de vestiges à voir. Mais mon ressenti, c’est que c’est un régal voire un privilège de pouvoir profiter tout seul de ce petit site antique désert, situé dans un joli cadre naturel.
Mais la visite n’est pas terminée ! Car non loin de là se trouve une petite église byzantine.
L’église Saint-Jean l’évangéliste
Tout autour d’elle sont disposés des vestiges du sanctuaire d’Asclepios : morceaux de colonnes en marbre, vieilles pierres etc.
L’église byzantine Saint-Jean
Malgré le peu de vestiges qu’il comporte, le temple d’Asclepios est classé par l’Unesco comme un point d’intérêt de la Crète : Unesco Asclepios Lendas.
Comment se rendre au temple d’Asclepios ?
Il n’y a rien de plus simple !
Il faut d’abord prendre la route en direction de Lendas. Puis juste avant d’atteindre le village, il suffit de bifurquer en direction de la petite église Saint-Jean évoquée ci-dessus. Le temple est situé à 50 mètres de là. Si vous arrivez de l’est, vous tournez à droite, et si vous arrivez de l’ouest, vous bifurquez à gauche. Dans les deux cas, vous apercevrez l’église non loin.
Autour de Lendas
Comme indiqué précédemment, il n’y a pas énormément de choses à faire à Lendas. Ni autour, d’ailleurs. Ici, le but principal est de profiter et de se ressourcer. Bref, de vivre au rythme crétois.
La côte, à l’est de Lendas
Toutefois, si l’on se balade en voiture sur la route qui quitte Lendas vers l’est, le littoral est assez joli et il comporte régulièrement de petites plages.
Le littoral et ses plages, à la sortie de Lendas
Et dès qu’on s’éloigne du village, elles sont à peu près désertes.
On peut également faire de jolies balades à pied le long de la côte, sur des petits chemins sans difficultés qui surplombent la mer.
Conclusion
Lendas est un agréable petit village calme et peu fréquenté, destiné notamment à ceux qui veulent flâner et se reposer pendant quelques jours.
On peut aussi s’y poser juste un jour ou deux si par exemple on vient de faire un périple fatigant à travers la Crète.
En revanche, si vous avez toujours besoin de bouger, de visiter et de crapahuter, alors n’y passez pas plus d’une demi-journée : vous vous y ennuieriez…
Hébergements : bon à savoir
Nous avons dormi au Gaitani Village, qui propose des appartements à un tarif avantageux (65 euros l’appartement pour 4 personnes en plein mois d’août, c’est le moins cher de tous nos hébergements pendant 15 jours en Crète, et de loin !). Les appartements sont propres et fonctionnels, il y a une piscine extérieure et le personnel, qui est originaire d’ici, est accueillant. Nous le conseillons donc.
Toutefois, avec les quelques hébergements situés juste à côté, il est un tout petit peu éloigné du centre du village. A vol d’oiseau, il semble être juste à côté mais on ne peut y aller que par la route, même à pied, et cette route, elle fait un bon petit détour. En plus, elle comporte du dénivelé, ce qui peut s’avérer pénible dans le sens de la montée, notamment sous la chaleur écrasante de l’été.
Si l’on veut profiter plus facilement du village, c’est-à-dire de ses bars, de ses restos, de ses boutiques et de sa plage, il peut être préférable de payer un peu plus cher pour être hébergé sur place. Même si, depuis Gaitani Village, il suffit d’un coup de voiture de quelques minutes.
Voilà, maintenant que vous êtes informés, vous n’avez plus qu’à faire votre choix…
Comment organiser une excursion dans la cité Maya sublime mais isolée de Calakmul ? Afin d’y arriver tôt le matin, nous avons dormi la veille dans la jungle, bercés par les cris des animaux. Récit de ces deux jours hors des sentiers battus, toutes nos infos pratiques sont en fin d’article…
Bon, je précise tout de suite que lorsque je parle de dormir dans la jungle, je n’évoque pas une expédition à la Mike Horn ! Il s’agit simplement de passer une nuit sous une tente dans un petit campement isolé, à la lisière de la jungle de Calakmul. C’est tellement mieux qu’un petit hôtel et pour les voyageurs de base comme nous, cela suffit amplement à vivre une expérience dépaysante et inoubliable.
L’emplacement de ce campement est un peu moins éloigné de la cité Maya (52 km) que les autres hébergements de la région (60 km). Cela permet d’arriver au site archéologique relativement tôt le lendemain matin, et de s’y retrouver à peu près seuls !
Pour commencer, il faut savoir que ce site précolombien est situé au milieu de la zone la plus isolée de tout le Yucatan. La carte ci-dessous montre bien à quel point les réseaux routiers et les villes fourmillent dans toute la moitié nord du Yucatan.
Calakmul : en violet, en bas à gauche
A l’inverse, la moitié sud est en grande partie restée vierge de toute activité humaine. C’est l’empire de la jungle, et c’est là que se situe Calakmul.
C’est cet isolement qui explique pourquoi cette superbe cité Maya est si peu visitée. Pourtant, ses deux grandes pyramides qui dominent la jungle laissent un souvenir impérissable à ceux qui sont montés à leur sommet…
Et pour couronner le tout, l’Unesco a classé une partie de la zone réserve de biosphère.
Le campement Yaax’ Che : bienvenue dans la jungle !
Pour se rendre à Calakmul, il faut passer par le petit village de Conhuas, situé sur la route 186. Six kilomètres au sud, un chemin sur la droite pénètre dans la jungle, au bout duquel est situé un petit campement, le Campamento Yaax’ Che (voir les infos pratiques en fin d’article). C’est là que nous allons dormir.
L’entrée du campement Yaax’ Che
Dès notre arrivée, nous vivons une expérience rare paraît-il, mais qui nous met immédiatement dans l’ambiance de la jungle. Après avoir marché à peine une vingtaine de mètres, juste après les panneaux de bienvenue de la photo ci-dessus, nous nous trouvons nez-à-nez avec… un serpent corail au venin mortel ! Le décor est planté.
C’est un petit serpent corail au venin mortel qui nous accueille dans la jungle !
Ce petit reptile est aussi joli que dangereux puisque parmi tous les serpents, son venin est l’un des plus puissants. Il ne faut donc pas se fier à sa modeste taille d’une cinquantaine de centimètres seulement.
Le serpent corail
Les couleurs vives du serpent corail font vite comprendre à ceux qui envisageraient de l'attaquer qu'il est dangereux et qu'il vendra chèrement sa peau !
Il existe de faux serpents corail qui lui ressemblent. Pour les distinguer, il y a un proverbe aux États-Unis qui dit : "red touches yellow, kills a fellow. Red touches black, friend of Jack", ou en d'autres termes : "le rouge touche le jaune, ça tue un homme. Le rouge touche le noir, ami de Jack". Cette maxime vaut surtout pour les serpents corail nord-américains, dont les mexicains.
Concernant le nôtre, le doute n'est pas permis : les anneaux rouges touchent bien les anneaux jaunes...
Bref, nous comprenons vite qu’il va nous falloir bien regarder où nous mettons les pieds, notamment quand la nuit sera tombée et que nous marcherons ici à la lumière de nos frontales…
Nous quittons notre ami sans pattes pour être accueillis vingt mètres plus loin par de joyeux quadrupèdes : deux singes-araignées jouent dans les arbres au-dessus de nos têtes.
En une poignée de minutes à peine, notre premier contact avec les habitants de cette jungle dans laquelle nous allons dormir va donc au-delà de nos espérances.
Le troisième animal qui nous signale sa présence n’est ni aussi sympa que les singes, ni aussi dangereux que le serpent : ce sont les moustiques ! Il n’y en a pas des hordes, mais suffisamment pour que nous nous tartinions rapidement d’anti-moustique.
Parmi les autres habitants de la jungle, signalons la néphile. Mais c’est quoi cette bête ?! C’est une jolie araignée d’une dizaine de centimètres de long, gracile et colorée, qui tisse la plus grande toile du monde arachnide.
Mais surtout, cette grande toile est extrêmement solide et collante puisque même des oiseaux comme les colibris s’y font piéger. Si solide d’ailleurs qu’elle est étudiée dans le but d’améliorer la fabrication… des gilets pare-balles !
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Bien d’autres animaux peuplent la jungle. Quelques gros félins notamment vivent dans le coin comme les deux stars des lieux, le jaguar et le puma, mais ils sont peu nombreux dans une vaste zone et par conséquent, il est rare de pouvoir les observer. Nous n’en verrons pas.
Mais revenons-en au campement : il est composé de neuf tentes seulement. Elles sont suffisamment espacées et toutes abritées par un toit en tôle, afin de protéger les visiteurs des fortes pluies saisonnières.
Lors de notre venue, il n’y a pas foule : seules deux tentes en plus de la nôtre sont occupées, ce qui conforte notre sensation d’isolement.
Le confort est modeste bien sûr mais ça, nous le savions avant d’arriver. Dans les tentes, il y a juste les matelas.
Dans un tel cadre, le campement est forcément très respectueux de la nature : toilettes sèches, tri sélectif, récupérateurs d’eau, tout est fait pour préserver l’environnement, lequel est exceptionnel par ici.
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Il n’y a évidemment ni eau courante, ni électricité dans le coin. Dans chaque douche a donc été préparé un seau rempli d’eau pour que les visiteurs puissent se laver. Mais il faut bien dire que la couleur de cette eau nous dissuade vite de prendre la douche dont nous avons pourtant rêvé toute la journée.
C’est un peu dommage, tellement le taux d’humidité élevé nous fait transpirer, mais à la roots comme à la roots : nous ne nous attendions pas non plus à un quatre étoiles, et nous savourons malgré tout la chance que nous allons avoir de passer la nuit dans un tel site.
La douche et le seau d’eau
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Une fois installés, nous prenons en sens inverse le petit chemin par lequel nous sommes arrivés. A un petit kilomètre du campement est situé le restaurant Oxte’ Tun, très roots lui aussi : un toit en tôle supporté par quelques piliers en bois, et aucun mur. Sa simplicité se fond parfaitement dans la jungle qui l’entoure et comme le campement, c’est exactement le genre d’endroit que nous sommes venus chercher ici.
Le restaurant Oxte’ Tun
Il est tenu par le couple de gérants du campement, Laeticia et Fernando, aidés par leur ouvrier, Manuel, tous issus d’une communauté locale.
Manuel
Fernando
Le premier contact avec eux n’est pas très chaleureux. Du coup, nous sommes un peu déçus mais en voyant Laeticia s’activer derrière ses fourneaux, nous ne pouvons nous empêcher de la bombarder de questions sur la gastronomie mexicaine. Ça les déride et ils deviennent vite plus souriants et carrément sympas.
Laeticia cuisine au feu de bois
Pour la petite histoire, Laeticia maîtrise parfaitement la cuisine mexicaine car avec le peu d’ingrédients dont elle dispose ici, elle arrive à nous régaler. Donc si vous passez par là, n’hésitez pas à faire une petite halte dans ce délicieux petit restaurant de bord de route : Oxte’ Tun.
Une cuisine typique et simple mais efficace !
La nuit dans la jungle
Le soleil se couche tôt ici et du coup, nous aussi !
L’intérêt de dormir dans la jungle est double pour nous. D’un point de vue purement pratique, nous sommes un peu plus près de la cité Maya que si nous avions dormi à Conhuas, et nous pourrons donc y arriver dès l’ouverture demain matin, histoire de ne pas croiser trop de touristes.
Mais pour les citadins que nous sommes, l’intérêt consiste avant tout à dormir dans un cadre inhabituel, au son des cris des animaux de la jungle.
Finalement, on n’entend pas tant d’animaux que ça la nuit, mais ils font suffisamment de bruit pour que lorsqu’ils se manifestent, on ne puisse pas les rater !
Tout d’abord, la musique de fond est assurée par les cigales, qui ne s’arrêtent jamais. C’est une berceuse très efficace.
Ensuite, on entend de temps en temps des singes, qui communiquent entre eux par des sortes de grondements brefs et sourds. Ils se répondent alors qu’ils sont éloignés les uns des autres, du coup, ces cris assez puissants semblent surgir de tous les côtés de la tente.
De temps en temps, on entend aussi quelques cris non identifiés.
Et enfin, juste avant le lever du jour, on est réveillé par les différents oiseaux qui semblent faire un concours de chants, lesquels sont en général assez mélodieux.
Passer une nuit dans un endroit aussi nature et aussi isolé a un côté enchanteur, notamment quand on est habitué aux bruits et aux odeurs de la ville…
La réserve de biosphère de Calakmul
Il fait jour, nous partons pour la cité Maya de Calakmul, classée au patrimoine mondial de l’Unesco. Elle est située à 52 kilomètres du campement. Mais comme la route se transforme vite en piste avec une limitation à 30 km/h, il faut rouler lentement (on n’est pas là pour écraser nos amis les animaux). Ce qui prend du coup 1h50 environ pour atteindre le site.
Cette piste traverse la jungle, dont une vaste partie a elle aussi été classée par l’Unesco, mais en tant que réserve de biosphère. Comme quoi une merveille de l’Unesco peut en cacher une autre…
En chemin, nous croisons à plusieurs reprises des dindons ocellés.
Il s’agit de grands oiseaux (près d’un mètre de long) au très joli plumage multicolore. La tête est bleue et comporte une multitude d’excroissances rondes et rouges, un peu comme des verrues mais en plus joli (ou en moins moche) !
Le joli plumage coloré du dindon ocellé
Notez bien : le dindon ocellé n’aime pas être photographié ! En tous cas, celui que j’immortalise par la fenêtre de la voiture fait mine de nous attaquer à plusieurs reprises en courant vers nous subitement. Puis il s’éloigne lentement pendant une poignée de secondes, puis il fonce à nouveau vers nous, et ainsi de suite.
Et quand je décide enfin de partir pour le laisser tranquille car après tout, c’est sa jungle à lui, pas la nôtre, il court fièrement après notre voiture, l’air satisfait et le sourire au coin du bec. Le dindon a gagné, je m’avoue vaincu.
Parmi les autres animaux qui peuplent la réserve, pas forcément tous faciles à observer, citons pêle-mêle le jaguar et le puma, le singe-araignée et le singe-hurleur, le tapir…
Il y a également 350 espèces d’oiseaux, notamment des toucans et plusieurs espèces d’aigles, de vautours et de perroquets ; 70 espèces de reptiles ; près de 400 espèces de papillons…
Et avec ses 1500 espèces végétales, la flore n’est pas en reste.
Bref, amoureux de la nature, la réserve de biosphère de Calakmul est faite pour vous…
La cité Maya de Calakmul
Nous nous sommes levés tôt ce matin et ça paye car lorsque nous arrivons au site Maya, il n’y a que trois voitures garées sur place ! C’est incroyable mais nous allons donc avoir un site Maya, et pas le moindre, quasiment rien que pour nous.
A l’accueil, on doit d’abord choisir l’un des trois itinéraires possibles : 1 heure 30, 2 heures 30 ou 4 heures.
Le plan du site
Pour le parcours court, le chemin est bien indiqué et on ne peut pas vraiment se tromper.
Pour les deux autres parcours, plus longs, comme on ne peut pas emporter le plan consultable à l’accueil, on peut par contre le photographier afin de s’y reporter plus tard, au cours de la visite.
Quelques panneaux expliquent rapidement l’histoire du site, agrémentés de quelques plans et diverses pièces.
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Puis on arrive rapidement aux premiers vestiges. Calakmul est une cité Maya qui connut son apogée vers 650. Très puissante à l’époque, elle compta jusqu’à 50.000 habitants.
Aujourd’hui, outre son histoire bien sûr, ce qui rend cette cité magique pour les profanes dont nous faisons partie, c’est que la jungle a repris possession des lieux au fil des siècles. Ce qui donne un peu des airs d’Indiana Jones à cette cité perdue.
La première pyramide, dite structure I
Seule une vingtaine des 6.000 structures qui sont éparpillées dans la jungle ont été nettoyées et sont accessibles, malgré les arbres qui ont colonisé ces vieilles pierres.
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Le cadre naturel de ce site historique est donc impressionnant.
L’un des principaux intérêts pour le visiteur qui arpente Calakmul, c’est que contrairement aux sites mayas plus connus et beaucoup plus fréquentés tels que Chichen Itza ou Uxmal, il peut monter en haut des pyramides ici.
Et comme toujours sur les pyramides précolombiennes, la montée est abrupte.
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La première pyramide sur l’itinéraire est la structure I. Elle mesure 50 mètres de haut et fait face au principal joyau du site : la deuxième pyramide ou structure II.
Vue sur la structure II depuis la structure I
Alors que nous escaladons la première pyramide, nous entendons au loin des cris d’animaux non identifiables dont le niveau sonore est incroyablement élevé.
Nous nous demandons ce que ça peut bien être et pensons à un félin, mais ce n’est qu’en arrivant à la deuxième pyramide que nous comprenons : ces cris proviennent d’un groupe de singes hurleurs. A l’évidence, ils n’ont pas été affublés d’un tel nom pour rien !
Les bien nommés singes hurleurs
Pour bien comprendre à quel point le hurlement de cet animal impressionne celui qui l’entend, il faut savoir que dans tout le règne animal, le singe hurleur fait partie des trois animaux dont le cri est le plus puissant. Avec 140 décibels, il se situe même devant le cerf qui brame et le lion qui rugit (110 à 120 décibels « seulement ») et pas très loin derrière… un avion de ligne qui décolle paraît-il (140 à 170 décibels) ! Il faut l’entendre pour le croire. Vraiment impressionnant.
Pour se défouler les cordes vocales, l’arbre que ces sept ou huit singes ont choisi est situé aux pieds de l’un des plus importants temples-pyramides du monde Maya. C’est la magie de la jungle : pour nous, cette rencontre animale dans ce haut-lieu historique sera mémorable.
La structure II
Nous quittons nos amis primates, visuellement mais pas auditivement, pour entreprendre la montée de cette fameuse pyramide dont la base carrée mesure 120 mètres de côté ! Du sommet, on aperçoit au loin le haut de la première pyramide, celle que nous avons escaladée quelques minutes plus tôt, enfouie dans la jungle qui s’étend à l’infini.
Vue sur la structure I, enfouie dans la jungle, depuis la structure II
La vue est impressionnante depuis la cime de ce joyau qui émerge de la végétation.
A bien y réfléchir, le paysage n’a pas dû beaucoup changer depuis l’époque des Mayas. Tant mieux.
C’est l’heure de partir.
Plus bas, les singes continuent à s’époumoner…
Infos pratiques
Avec le recul, ce combo nuit dans la jungle/visite de la cité Maya de Calakmul constitue l’une de nos plus belles expériences de voyage dans le Yucatan.
Le campement Yaax’ Che
Ce campement, en activité depuis 2003, est géré par une famille issue d’une communauté locale. L’objectif initial consistait à établir un camp doté d’infrastructures à faible impact environnemental. Vingt ans plus tard, ce camp est une réussite puisqu’il accueille des touristes tout en contribuant à la préservation de l’environnement de la réserve.
Contact: serveursturisticos@yahoo.com.mx
Téléphone: +52.983.101.1921
Adresse: campamento Yaax Che en Calakmul, Carretera 186 Escacega – Chetumal KM 98 Entronque a Calakmul KM 7, 24640 Conhuas
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Pour y réserver une tente (ou plusieurs), le mieux est de passer par l’excellent site de l’association de tourisme communautaire à laquelle adhère ce campement : alliance péninsulaire pour le tourisme communautaire.
N’hésitez pas à le consulter : vous y trouverez peut-être votre bonheur car il comporte également d’autres adresses intéressantes, communautaires et hors des sentiers battus dans le Yucatan…
Autrement, on peut aussi réserver via les plateformes classiques : Booking, Agoda, Tripadvisor…
Prix: cela peut paraître étonnant mais ici, le prix est inversement proportionnel au niveau de confort ! Nous avons réglé 78 euros la tente pour quatre personnes (au mois de juillet). Certains trouveront ce tarif trop élevé par rapport aux prestations. Nous, non : pour une fois qu’on peut sortir un peu des sentiers battus dans ce Yucatan ultra-touristique, ça vaut bien ce prix-là…
Repas inclus : un petit déjeuner (peu copieux) est inclus dans le prix. On peut l’échanger avec un petit sandwich en vue de la journée de visite à Calakmul, sachant qu’il n’y a aucun endroit où acheter à manger dans le coin.
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Accès : sur la route 186 en direction de l’est (vers Bacalar, Chetumal etc.), 1 km après la sortie du petit village de Conhuas, il faut tourner à droite en direction du site maya. Là, on ne peut pas manquer la barrière qui fait office de péage. 6 km plus loin, on aperçoit le restaurant Oxte’ Tun sur le bas-côté droit. De là part un petit chemin d’un kilomètre qui s’enfonce dans la jungle : le campement est au bout.
A noter qu’il existe deux courts sentiers d’observation de la nature autour du campement, avec notamment une tour d’observation des oiseaux en pleine jungle.
Le restaurant Oxte’Tun
Il fait partie intégrante du campement Yaax’Che. Les gérants sont donc les mêmes, et le principe d’écotourisme ne change pas non plus. C’est le seul lieu de restauration du coin et on y mange très bien.
Accès : sur la route 186 en direction de l’est (vers Bacalar, Chetumal etc.), 1 km après la sortie du petit village de Conhuas, il faut tourner à droite en direction du site maya. Là, on ne peut pas manquer la barrière qui fait office de péage. Le restaurant Oxte’ Tun est situé 6 km plus loin, sur le bas-côté droit.
Restaurant Oxte’ Tun : le menu
Plat typique
La cuisine mexicaine de Laeticia
Calakmul : les prix successifs à payer…
Disons-le clairement, les prix flambent d’une année sur l’autre.
Pour visiter la cité de Calakmul, le prix total était de 188 pesos en 2019 et de… 344 pesos en 2023 !
Ce qui correspond à 10 euros en 2019 et 19 euros en 2023 (taux de conversion 2023)…
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De plus, ne soyez pas étonné(e)s si on vous facture plusieurs tarifs successifs ! Voici comment le prix total d’accès au site se décompose (tarifs 2023) :
A la sortie du petit village de Conhuas, il faut s’acquitter d’un droit d’entrée correspondant à l’entretien de la route (104 pesos par personne).
20 km plus loin, on paye l’entrée dans la réserve de biosphère (150 pesos par personne).
Et à l’arrivée (40 km de plus), on paye l’accès au site archéologique maya (90 pesos par personne).
Le prix total est donc de 344 pesos par personne (environ 19 euros au taux de conversion 2023).
Avec tous ces paiements successifs, on a un peu l’impression d’être pris pour des vaches à lait mais au final, ce prix est une bouchée de pain pour un site aussi exceptionnel que Calakmul.
Calakmul : visiter la cité maya
Horaires d’ouverture : 8h00 – 17h00, 7 jours /7 (attention : dernière entrée à 15h30)
Prix : 344 pesos par personne (19 euros, taux de conversion 2023)
Attention : ne tombez pas en panne d’essence, d’eau ou de nourriture…
Calakmul est complètement isolée dans la jungle, il n’y a rien à proximité, elle est loin de tout. Ça fait partie de son charme mais cela comporte en contrepartie quelques inconvénients : il faut notamment anticiper l’approvisionnement en essence, en eau et en nourriture.
Pour l’essence :
Il faut faire le plein bien avant d’arriver à Conhuas car les postes d’essence sont quasi-inexistants sur la route 186.
En venant de l’ouest, la dernière pompe à essence que nous avons trouvée avant Conhuas était située à Silvituc (à 45 km de Conhuas et 105 km de Calakmul).
Pour être tranquilles si vous venez de l’est (Bacalar, Chetumal etc.), il faut idéalement faire le plein à Bacalar, notamment si vous faites l’aller-retour Bacalar-Calakmul (470 km).
Pour l’eau et la nourriture :
Là aussi, il faut s’approvisionner bien avant d’arriver à Calakmul, sous peine de jeûne ! Car ne pas avoir d’eau, par exemple, quand on marche dans ce site généralement écrasé par la chaleur, ça peut gâcher la visite…
L’idéal consiste à acheter de quoi manger et boire, soit dans une ville qu’on traverse en chemin (qu’on vienne de Campeche, Bacalar ou d’ailleurs), soit dans un petit magasin typique comme on en trouve souvent en bord de route, mais dans tous les cas bien avant d’arriver à Conhuas.
Sinon, on peut quand même trouver de quoi s’approvisionner à Conhuas mais avec un choix réduit, les magasins étant rares, petits, peu garnis et pas forcément ouverts quand on arrive…
Et enfin, si on passe la première barrière située 1 km juste après Conhuas, à l’entrée de la route qui descend plein sud vers Calakmul, alors on n’a plus qu’à s’arrêter 6 km plus loin, au restaurant Oxte’ Tun situé à droite en bord de route. Là, il est possible d’acheter des petits sandwichs. On n’y vend pas d’eau en bouteille, mais on peut y remplir ses bouteilles vides (ne faites pas comme nous : conservez vos bouteilles vides en allant à Calakmul au lieu de les jeter…). On y vend également des sodas.
Calakmul et l’Unesco
Calakmul peut se targuer d’une double reconnaissance de prestige par l’Unesco :
A proximité de Conhuas : la grotte aux chauve-souris
El volcan de los murcielagos est une grotte dans laquelle vivent 2 à 3 millions de chauve-souris. Tous les soirs, 45 minutes environ avant le coucher du soleil, elles sortent en même temps pour aller se nourrir.
L’accès à ce site a toujours été libre jusqu’à très récemment : désormais, on ne peut plus y accéder qu’accompagné d’un « guide » (un habitant du coin qui accompagne ses clients sur un chemin tout tracé pendant 5 minutes) pour la somme de 75 pesos par adulte.
Accès : à la sortie du village de Conhuas, il faut rouler en direction de l’est (vers Chetumal et Bacalar). La grotte est située à 10 km sur la droite de la route.